CHRONOLOGIE: DÉCISIONS ET CONSTRUCTION (partie 2)



LES FONDATIONS


Fournir des fondations fermes pour une construction sur un sol sablonneux fut un des premiers problèmes de conception à résoudre. La technique de vibroflotation n'est plus assez bonne pour cela!
Max O. Urbahn (patron d'une des quatre sociétés du consortium de conception URSAM) souleva un deuxième problème :
- "Nous sommes confrontés à la possibilité fascinante que la forme du bâtiment peut le faire réagir comme un immense cerf-volant, il pourrait se renverser au pire s'envoler par vent cyclonique (vent atteignant voire dépassant les 200 km/h lors d'ouragans).
La solution aux deux problèmes est d'enfoncer des milliers de pieux en acier dans le sous-sol "spongieux" de Cap Canaveral, jusqu'à ce qu'ils reposent sur le lit rocheux en profondeur. Ceux-ci servent aussi bien à ancrer le bâtiment, que d'empêcher sa structure de s'enfoncer dans le sol sablonneux.

Ces pieux posèrent un autre problème...
Le bâtiment étant construit seulement à 2 m au-dessus du niveau de la mer (après terrassement) et proche de l'océan Atlantique (moins de 6 km à vol d'oiseau), l'eau salée, saturant le sous-sol, réagit avec l'acier des pieux pour créer un courant électrique (principe de Volta). Pour prévenir ce processus électrolytique qui aurait érodé graduellement l'acier des pieux, les ouvriers les mirent à la terre en soudant de gros fils de cuivre sur chacun et reliant ces fils aux barres de renforcement en acier noyées dans la dalle en béton du plancher. Jusqu'à ce que ces travaux soient terminés, le VAB pouvait se prévaloir d'être la plus grosse pile saline au monde!

Les études de conception pour les fondations du bâtiment, comprennent des essais de maquette en soufflerie ainsi qu'un programme de test de forage pour les pieux à fondations. Ce dernier est entrepris par la C. L. Guild Construction Company (sous traitant d'URSAM) en janvier 1963. Lors d'essai in situ, le temps de conduite pour les moyens conventionnels (sonnette de battage) est en moyenne de 45 minutes à une heure pour enfoncer une pile d'une longueur de 36,5 m ; le vibrateur (technique de vibrofonçage) ne nécessite que 3 à 10 minutes de temps de conduite.


Test de janvier 1963, vue d'ensemble.

Vue de la sonnette de battage.

En utilisant un marteau sonique, la Guild Construction Company teste mécaniquement une strate de pierre à chaux (calcaire) d'un mètre d'épaisseur qui se trouve 36 m au dessous de la surface de Merritt Island et environ 12 m au dessus du lit rocheux.
Devant les résultats des essais en soufflerie et des prélèvements d'échantillons (on trouva aussi du bois pétrifié, vieux de 25 000 ans), les ingénieurs d'URSAM décident de faire reposer leur construction imposante sur un "lit" composé de pieux cylindriques creux en acier, de 41 cm de diamètre et 10 mm d'épaisseur chacun. 4225 tubes seront nécessaire à l'opération, mis bout à bout, ils représenteront une longueur d'un total de 205 km.

Blount Brothers Corp met en place rapidement le chantier, rassemble les sonnettes de battage, les pieux en acier et les ouvriers sur le site de construction.
Les premiers pieux sont enfoncés le 2 aout 1963 et pour le 15 août c'est 9144 m de pieux qui sont enfoncés dans le secteur de la low bay (petite baie). Les pieux étant livrés dans une longueur de 16,8 m, les soudeurs doivent joindre trois voire parfois quatre longueurs ensemble pour composer un pieu unique. Pour accélérer le travail, Blount Brothers fait souder les pieux la nuit, et les mets en place la journée, car la manœuvre exige une bonne visibilité.


Vue d'ensemble du chantier en aout 1963.

Schéma de la pose des pieux de fondations.

Au sommet de l'activité, dix sonnettes de battage étaient en action. Trois d'entre elles plus récentes utilisent la technique de vibrofonçage. Elles sont équipées d'un vibrateur électrique et d'un système de guidage qui enfonce littéralement les pieux dans le sol (les systèmes de guidage qui sont utilisés pour foncer des pieux par vibrage sont les mêmes que ceux utilisés pour le battage). Quand les pieux atteignent la première strate mince de calcaire qui se trouve à 36 m, les sonnettes de battage à vapeur ou à moteur diesel leur succèdent pour marteler les pieux dans le lit rocheux qui s'étend de 46 à 52 m sous la surface. Malgré des retards mineurs en raison d'une météo défavorable (une semaine de vents forts persistants et de pluies torrentielles) obligeant un arrêt des travaux à mi-septembre, l'avancement des travaux s'est déroulé de manière régulière. Le dernier pieu est mis en place le 3 janvier 1964, juste 5 mois après que les sonnettes de battage aient enfoncé le premier dans la roche.


Vue de l'avancée des travaux en septembre 1963.

27 septembre 1963.

Tandis que les sonnettes effectuent leur tâche, un autre groupe d'ouvriers de la Blount Brothers Corp. érige les coffrages, met en place les barres de renforcement pour les chapeaux des pieux en béton et les relie électriquement. Pour un observateur en hélicoptère, les fondations du VAB ressemblent à une gigantesque structure en nid d'abeilles avec le sommet des pieux en béton qui délimitent parfaitement le chantier en cellules ou coffres. Aussitôt que le béton a pris, les ouvriers s'empressent d'enlever les coffrages pour les replacer ailleurs. À la suite, ils versent une couche d'agrégat broyé dans les coffres et recouvrent le tout avec du goudron et du béton. Au total, la société Blount Brothers utilisa 38 200 m³ de béton pour les chapeaux des pieux et la dalle jusqu'à la fin des fondations, en mai 1964.


22 octobre 1963.

Schéma de compréhension.

30 octobre 1963.

10 décembre 1963.



Sonnette de battage : Le principe consiste à soulever une masse métallique guidée et la laisser tomber en chute libre sur le pieu à enfoncer, lui-même guidé par la même structure verticale.


Sonnette de battage.

Type de pieu utilisé.

Chapeau de pieux : Dalle épaisse en béton armé qui recouvre les têtes des pieux dans un groupe de pieux pour répartir la charge entre eux.

Technique de vibrofonçage : Technique d'enfoncement des pieux par vibrage à fréquence élevée et faible amplitude. Le principe consiste à soumettre un élément rigide linéaire (pieux en bois, profilés, tubes, etc…) suspendu à des vibrations forcées longitudinales, en utilisant un vibrateur comportant un nombre pair de masselottes excentrées disposées symétriquement par rapport à l’axe vertical de l’élément et tournant en sens inverse.
Si les masselottes tournent à vitesse constante, l’excitation est sinusoïdale ; et pour un élément suspendu qui n’est soumis qu’à l’action de la gravité et à celle du vibrateur, on obtient rapidement un régime stable d’ondes stationnaires : toutes les sections de l’élément vibrent en phase ; s’il n’y a pas d’amortissement interne dans l’élément, l’énergie consommée est théoriquement nulle.
Sous son poids et s’il est soumis, en plus, à un effort constant vers le bas (ou vers le haut dans le cas d’arrachage), l’élément ainsi ” vibré “ pénètre dans le sol (ou en est extrait).
Le vibrateur fournit alors de l’énergie à l’élément, énergie dissipée dans le sol.
La pénétration n’est plus possible ou devient trop lente si le vibrateur n’est plus capable de fournir l’énergie qui lui est demandée, ou si l’effort de fonçage ne peut plus vaincre la résistance à la pénétration du sol.



Coût de l'opération :

Estimation du Gouvernement US : 12 045 639 Md$.
Coût véritable : 8 069 000 Md$.



Textes traduits de l'anglais, sources : PDF Moonport a history of Apollo launch facilities and operations, textes de Paul Cultrera, tous droits réservés. (Photos sur NIX Search).