CHRONOLOGIE: DÉCISION ET CONSTRUCTION



Le port lunaire US


Lorsque la décision est prise d'envoyer des hommes sur la lune en mai 1961, la NASA décide de déménager et de construire son port lunaire tout d'abord sur les îles Hawai, la côte Californienne, en Georgie, aux Bahamas et même au large du Texas sur une île.
Le 1er septembre 1961, la NASA demande au congrès l’autorisation d’acquérir un terrain de 33600 hectares au Nord Ouest de la base de lancement de Cap Canaveral en Floride.
Selon le sénateur Kerr de l’Oklahoma ce site est idéal pour la réalisation des installations lunaires. Les coûts seront réduits par l’utilisation de la base militaire, ses installations et son personnel. Les stations de poursuite au sol permettent en plus une couverture jusqu'à l’Océan Indien (14500 km). Finalement en accord avec l'USAF et après approbation du congrès, la NASA achète le site appelé Merritt Island, d'une superficie de 33600 hectares de terrain et 22400 en mer pour la somme de 71 827 000 $ au début 1962.


Schéma d'acquisition des terrains de Merrit Island par la NASA.

Le développement du gigantesque lanceur Saturn V va nécessiter de nouvelles installations importantes au sol pour l'assemblage, les vérifications et le lancement. Le Dr Debus directeur de la base de Cap Canaveral et son équipe se mettent au travail et imaginent le nouveau centre spatial. On pense assembler le futur lanceur Saturn C5 directement sur son aire de lancement (comme les autres fusées Atlas, Thor et Titan 2), mais la durée nécessaire au montage de cet énorme engin est incompatible avec le climat et la situation géographique de la Floride (ouragan, air salin, sable, poussière).
Pour la réalisation de ce projet on prend en compte quatre considérations principales :
- Ne seront réalisées sur le centre que les activités liées à la vérification, l'assemblage, le test, l'érection et le lancement du Saturn V/ Apollo.
- Toutes les activités annexes, même celle concernant les tests des vaisseaux spatiaux avant l'assemblage seront réalisées dans des zones séparées du complexe de lancement (zone industrielle).
- Un accès direct à l'océan est primordial pour l'acheminement des énormes éléments du lanceur depuis la Californie, le Mississipi et l'Alabama. La construction d'une écluse au port Canaveral reliant la Banana River et l'Atlantique ainsi que le dragage d'un canal dans la rivière.
- 1/3 des zones terrestres et maritimes du centre sera réservé principalement (zone Nord) à de futurs sites de lancement si la NASA ou le DoD en éprouvent le besoin.

Le port lunaire se compose de :
- 1 bâtiment d’assemblage vertical, VAB pour Vertical Assembly Building (nom original).
- 1 centre de lancement LCC pour les vérifications et le compte à rebours.
- 3 tours de lancement mobile, Mobil Launcher.
- 1 tour de service MSS pour Mobil Service Structure.
- 2 transporteurs du ML, le Crawler qui amène le lanceur et la tour de lancement sur son pad de lancement.
- De la Crawlerway (route reliant les pads au VAB).
- Des aires de lancement A, B et C (à l'origine, 3 étaient prévues).


Le VAB


Fin 1962, à présent assez de données sont collectées sur le design du lanceur Saturn V et du vaisseau spatial Apollo pour commencer à dresser les plans du bâtiment d'assemblage, le Vertical Assembly Building (VAB). Comme le lanceur Saturn V est le plus gros du monde, le VAB sera alors lui aussi le plus gros bâtiment du monde avec un volume de 3 665 012,676 m3 sur 3,237 hectares.

Au début des réflexions de travail, de nombreux concepts sont élaborés :
- Ci-dessous, le bâtiment de forme cruciforme proposé par le docteur Debus, directeur du LOC (Launch Operation Center).

- À la suite, un bâtiment ouvert (baies d'assemblage alignées sur un axe) avec voie fluviale pour le transport du lanceur jusqu'à son aire de lancement :


- Un bâtiment fermé (comme l'actuel mais ayant ses baies de montage alignées) donnant lui aussi sur une voie fluviale :


Finalement, on optera pour une forme rectangulaire (réduite), car celle-ci (même si elle n'est pas la meilleure) permettrait de mieux résister aux vents violents (assez fréquents dans cette région, lors d'ouragans tropicaux) :

Le VAB se compose en réalité de deux bâtiments. Le plus imposant est celui abritant les quatre baies de montage du lanceur, deux côté Ouest et deux côté Est. Il mesure 160 m de haut, sur 134 m de large et 158 m de long.
Le second bâtiment (le plus petit : 135 m de long, 83 m de large et 64 m de haut) accolé sur le côté sud abrite huit petites baies de préparation et vérification du second et du troisième étage du Saturn V (baies Est et Ouest).
Chaque baie est une structure en acier équipée de plateformes de travail qui s'ouvrent pour recevoir les étages et se referment ensuite dessus pour effectuer les travaux nécessaires. Des systèmes électromécaniques simulent les interfaces entre chaque étage, permettant de les faire interagir entre eux (ex : cerveau de vol IU et étage S-IVb).


Photo d'une low bay.

Photo d'une high bay.

Les grandes et les petites baies sont traversée par un immense hall appelé " l'allée de transfert ". Réaliser un tel complexe (3 665 012, 676 m³ de volume et 32 374,984 m² de surface) est un véritable défi.

La conception finale du VAB nécessitera 2700 plans principaux et 18 000 autres pour les sous ensembles (1/3 pour sa seule structure métallique). La construction débute en avril 1963 et se termine en avril 1965. Elle est célébrée à l'occasion d'une cérémonie au KSC le 24 mai.



Les prémices de la construction


Parenthèse :
Au commencement... Il y eu.. il y eu la GUERRE CONTRE LES MOUSTIQUES!!
"Cela peut bien avoir été la guerre la plus nécessaire, rondement menée et couronnée de succès dans l'histoire Américaine".

"La paisible NASA déclare la guerre aux moustiques." titre la presse le 8 août 1963.
Pour des raisons de santé et de confort, la population du moustique a dû être réduite avant que les ouvriers ne puissent entreprendre n'importe quel travail d'effort extérieur pendant la saison principale du moustique, à partir d'avril jusqu'à fin octobre. Dans le passé, les épidémies de malaria, de fièvre jaune et de dengue (une fièvre infectieuse répandue dans des climats chauds), toutes propagées par les moustiques retardaient périodiquement le développement de la Floride. La découverte et la demande des méthodes couronnées de succès du "contrôle des moustiques" avaient été un des facteurs responsables du développement rapide de l'état ces dernières années.

Le problème fut au début presque incroyable. Un acre (4046,87 m²) de marais salant était facilement capable de produire 50 000 000 de moustiques adultes en une semaine, après de grosses précipitations. Le "taux d'atterrissage" dans de mauvais secteurs était souvent plus de 500 moustiques sur une personne en une minute. En 1962, deux scientifiques du centre de recherche entomologique de Floride sur Vero Beach ont rassemblé avec des filets, 1,6 kg de moustiques vivant en seulement une heure.

Pour le mois d'avril 1963, le Subcommittee on Mosquito Control of the Joint Community Impact Coordination Committee a convenu d'un programme coopératif en utilisant les services du Comté, de l'état, du Air Force Missile Test Center, et du Launch Operations Center. Le programme de recherche portait tant sur le contrôle provisoire que sur le permanent. A l'époque les zones principales de reproduction du moustique salin ont inclus 57,7 km² dans le nord du Comté Brevard et 4,3 km² dans le sud du comté Volusia. Dans le Secteur de l'aire de lancement de Merritt Island se trouvaient aussi des centaines d'acres capables de produire des moustiques d'eau douce.
Les mesures de contrôle provisoires ont consisté en de nombreuses pulvérisations terrestres et aériennes d'insecticide. Le contrôle permanent le plus efficace sur la région de l'aire de lancement de Merritt Island fut la construction de digues pour inonder des secteurs et élever leur niveau pendant les mois d'été. Avec l'inondation des marais, la population du vairon augmenta alors que les œufs et les larves de moustique diminua.
Le Brevard County Mosquito Control District consenti aussi à continuer le travail sur le secteur de l'aire de lancement de Merritt Island. Le comté (district) fournira quatre draglines, deux avions épandage et un hélicoptère pour l'inspection. Le Launch Operations Center et le Air Force Missile Test Center fourniront deux draglines et un bulldozer pour accélérer le travail de contrôle permanent que le Comté faisait. Le Launch Operations Center fournira l'insecticide et fera fonctionner l'équipement. L'état de Floride fournira l'aide financière directe et la recherche scientifique. Le plan de maîtrise avait à l'origine évalué à six ans pour l'accomplissement du "contrôle raisonnable du moustique" dans le secteur de l'aire de lancement de Merritt Island. Heureusement le programme se fit beaucoup plus rapidement que prévu.

Entre temps...

LE TERRASSEMENT

La Gahagan Dredging Corps de Tampa a gagné le contrat pour dégager le terrain et draguer un canal d'accès au site du VAB. Le sable, dragué par les équipes de la Gahagan, a été déposé sur les futurs emplacements du VAB, de la crawlerway, et de l'aire de lancement 39-C (bientôt redésigné aire A et la chaussée au-dessus de la Banana River).
La Gahagan Dredging Corps commence les travaux de terrassement le 31 octobre 1962 en dégageant d'abord le terrain dans la zone du VAB. Le dragage commença une semaine plus tard. Avant que le contrat n'ait été attribué, Gahagan avait trois dragues au travail et avait déjà déplacé 20 600 m3 de sable.


Les têtes de coupe à moteur diesel de la drague « Gahagan » creusent un chenal dans la Banana River. Le sable est pompé dans de longs tuyaux jusqu'à Merritt Island où il est stocké pour être utilisé ultérieurement comme remblai. Toutes les chaussées de la zone de mise à l'eau de Merritt Island sont construites de cette manière.

Dragage et dépôt du sable sur le futur emplacement du VAB, décembre 1962.

Une partie du travail a impliqué l'arrachage de la végétation : buisson de palmier nain, orangers et "Geiger Tree" (sébestier, arbre tropical) ainsi qu'à l'enlèvement des matériaux indésirables des chantiers de construction. Des équipements spéciaux ont permis d'accélérer ce travail. L'un d'entre eux, une charrue à palmier nain, arrachait les arbres par leurs racines, secouait la terre et les empilaient pour former des brasiers. Des bulldozers dont les lames sont munies de lourdes dents, ont abattu des rangées entières d'arbres et de broussailles, les poussant en tas pour qu'ils sèchent avant d'être brûlés. Les bulldozers ont dégagé environ 2,5 km² de terrain de cette manière, tandis que d'autres équipements de terrassement ont enlevé 894 400 m3 de sable mou et de saletés.
La seconde, et peut-être plus grande partie du travail de la Gahagan Dredging Corps était de draguer un canal pour chaland de 38 mètres de large, 3 mètres de profondeur, et 20 kilomètres de long, à partir du canal original de la Banana River à un bassin de rotation (avec un quai de déchargement) près du VAB. Le canal servira aux barges apportant les premiers et les deuxièmes étages du Saturn V. Gahagan a aussi dragué un canal jusqu'à l'aire de lancement A pour que les chalands puissent livrer le matériel directement au chantier du LC-39.


Une des grandes pyramides de sable : la matière hydraulique empilée sur l'emplacement de LC-39, aire de lancement A, juin 1963.

Pendant les opérations de dragage, des puissantes pompes hydrauliques ont aspiré 6 876 000 m3 de sable coquillier qui servait de matière première pour le remblayage. Une grande partie de ce sable a été utilisée dans la Crawlerway, de 57 mètres de large et de 2 mètres de haut, qui s'étend sur 5535 m du VAB à l'aire de lancement A. Des ossements de mammouth préhistorique ont été découverts dans le sable ainsi pompé.


Le quai en construction du bassin de rotation, avec le chantier d'assemblage au fond, août 1963.


Le canal à barge et le bassin de rotation, avec le chantier d'assemblage du VAB (coin gauche inférieur), août 1963.

Les pompes ont servi aussi à dresser la pyramide de 24,4m de haut servant de base pour l'aire de lancement 39 A. Les dragues, les bulldozers, et les autres équipements de terrassement ont façonné le monticule ayant la forme approximative du socle.
L'inspection finale de l'ensemble des travaux fut accomplie au début de septembre 1963, cela démontra que Gahagan avait achevé tout le travail établi au préalable sur le contrat. Environ six mois après la fin de l'opération de sur-élèvement de l'aire de lancement A, Gahagan commença le pompage et le sur-élèvement pour l'aire de lancement B ainsi que la chaussé du Cap Canaveral à Merritt Island à l'Est du secteur industriel.

Coût de l'opération :
Estimation du Gouvernement US : 3 835 300 Md$.
Devis de la Gahagan Dredging Corps: 3 618 500 Md$ (pour l'emplacement du VAB, celui de la Crawlerway, de l'aire de lancement A, du canal d'acheminement et du bassin de rotation).

A savoir : le niveau du sol de Merritt Island se situait à +46 cm par rapport au niveau de la mer (océan Atlantique) avant les opérations de terrassement.

Drague aspiratrice à désagrégateur : Ce type de drague aspiratrice est particulièrement répandu aux États-Unis et au Canada.
Elle est équipée, au point d’attaque, d’un désagrégateur rotatif qui déstructure les matériaux à draguer, y mélange de l’eau, avant d’absorber la mixture obtenue dans la conduite aspiratrice. En général, le matériau est transporté par conduite jusqu’au lieu de dépôt.
L’adjonction du désagrégateur aux équipements d’aspiration a fait considérablement augmenter les possibilités de dragage de la drague aspiratrice. Elle peut être aussi bien utilisée pour les travaux neufs que pour les dragages d’entretien, et pour une série de sols différents. Les dimensions des dragues aspiratrices à désagrégateur vont de petites unités standardisées ou démontables jusqu’aux grandes unités capables de travailler dans des zones exposées et par une profondeur maximale de 30 m. La précision du dragage est bonne (de 10 à 25 cm). Le rendement est en général élevé et varie entre 50 et 5 000 m3/h selon la drague et le matériau. Elles peuvent uniquement refouler à terre sur une distance limitée (entre 500 m et 2 000 m) suivant la puissance des pompes. La concentration du mélange varie de 10 à 40 % selon les caractéristiques des produits dragués.

Sable coquillier : c'est un sable principalement constitué de morceaux de coquilles de coquillages marins ou d'eau douce.



partie 2


(traduction de Moonport) texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.