Le Solar Particle Alert Network
Une des raisons de la création de la section de physique solaire de la division de physique spatiale au centre des vols habités de la NASA est que les éruptions solaires peuvent accélérer un nombre important de particules à des énergies suffisamment élevées pour représenter un risque d'irradiation pour les astronautes.
Par conséquent, une part importante du travail accompli par la section de physique solaire soutient le programme Apollo. L'effort principal porte sur le développement et l'exploitation du réseau d'alerte aux particules solaires (SPAN ou Solar Particle Alert Network) de la NASA.
Ce réseau comprend sept observatoires solaires répartis à l’échelle mondiale, assurant une surveillance continue de l’activité solaire aux fréquences optiques et radio, 24 heures sur 24. Les sites des observatoires SPAN ont été sélectionnés de manière à permettre une communication en temps réel avec le centre de contrôle de mission de la NASA à Houston, au Texas. Durant les missions habitées, des spécialistes surveillent en permanence l’environnement radiatif spatial depuis la console de l’environnement spatial (Space Environment Console) du centre de contrôle de mission. Les estimations des doses attendues lors d'événements de particules solaires sont établies à partir des données optiques et radiofréquences collectées pendant une éruption. Ces estimations sont ensuite transmises au médecin-conseil, qui informe le directeur de vol des effets radiatifs attendus. Les observations de la patrouille solaire étant effectuées de manière régulière et non exclusivement durant les missions habitées, un vaste ensemble de données est disponible pour l’étude de l’activité solaire. Des programmes de recherche sont menés afin d’examiner la relation entre les données optiques et radiofréquences et les événements associés aux particules solaires. Par ailleurs, des études détaillées sont consacrées à d'autres phénomènes d'intérêt, tels que l’analyse de la morphologie des manifestations de l’activité solaire au moyen d’un vidéomètre.
Trois observatoires situés à Carnarvon (Australie), Grande Canarie (Espagne) et Houston 'Texas, USA) sont équipés à la fois de télescopes optiques et de radiotélescopes. Ils sont espacés d'environ 120° autour du globe. Ces stations, implantées sur des sites de suivi de la NASA, sont directement connectées au centre de contrôle de mission de Houston. les quatre autres observatoires, exploités sous contrat avec la NASA, ne disposent que de télescopes optiques. Deux d’entre eux, situés à Boulder (Colorado, USA) et Culgoora (Australie) sont opérés par l'ESSA (Environmental Sciences Services Administration. Les deux autres, localisés à Teheran, (Iran) et Oahu (Hawaii) sont opérés par l’Air Weather Service de l’US Air Force.
À l'exception des stations de Téhéran et d'Hawaï, tous les observatoires sont en service depuis 1968. Les résultats des observations optiques de ces éruptions figurent régulièrement dans la publication de données géophysiques solaires de l'ESSA. En 1968, le réseau SPAN détecte environ 70 % des éruptions répertoriées dans la liste internationale figurant dans ce rapport. L’ajout des observatoires de Téhéran et d’Hawaï porte ce taux de détection à environ 90 %.
Le matériel du SPAN
Les radiotélescopes du réseau SPAN utilisent un mélangeur à cristal et des radiomètres de type Dicke fonctionnant aux fréquences de 1420, 2695 et 4995 MHz. Leurs antennes sont des réflecteurs paraboliques de 2,43 m (8 ft) de diamètre, équipés d'alimentation log-périodique. Les données sont enregistrées sur bandes graphiques et sous forme numérique sur bandes magnétiques. Lors des missions Apollo, les données sont également consignées sur des bandes de papier pouvnt être utilisées comme entrée dans un télétype.
Les télescopes optiques disposent d'objectifs de 110 mm avec une focale de 1876 mm. La raie hydrogène-alpha (Hα) est isolée à l’aide d’un filtre de type Lyot biréfringent, dont la bande passante est de 0,5 Å (angström). Pendant les missions Apollo, des observateurs utilisent les télescopes en complément de l’enregistrement. En dehors des missions, dans le cadre d’une patrouille de routine, les données sont uniquement enregistrées sur un film de 35 mm, à raison d’une image toutes les 10 secondes, depuis environ une heure après le lever du Soleil jusqu’à environ une heure avant son coucher.
Chaque télescope est équipé d'une caméra vidéo permettant un affichage en temps réel. Une caméra oculaire est également fournie afin d'enregistrer toute activité intéressante pour une analyse immédiate. Tous les instruments sont installés au sol, à l’exception de celui de Houston, où le télescope optique est logé dans un dôme au sommet d’une tour de 19,80 m pour bénéficier de meilleures conditions d’observation.
La mise en œuvre du réseau a été supervisée par un comité de spécialistes en sciences spatiales, présidé par Wilmot Hess.
Bon à savoir :
Environ 20 % des plus grandes éruptions solaires génèrent des flux de particules atteignant la région Terre-Lune, dont l’intensité peut être corrélée à des signaux précoces en radiofréquence (RF) ou en lumière visible. Un intervalle d’alerte, généralement compris entre 2 et 4 heures, mais pouvant être inférieur à une heure, est obtenu entre la détection du signal RF ou visuel et l’arrivée des particules dans la région Terre-Lune. Étant donné que seules 20 % des éruptions donnent lieu à des événements de particules, les procédures de mission ne sont pas modifiées sur la seule base des observations RF ou visuelles. Cependant, des détecteurs de rayonnement embarqués sur des satellites en orbite solaire et terrestre, ainsi qu'à bord du vaisseau spatial Apollo, sont utilisés pour confirmer la présence de particules. Ce n'est qu'après cette confirmation que des mesures sont prises pour protéger les membres de l'équipage. Pour un événement typique, un délai d'environ 8 heures est disponible entre la confirmation des particules et le moment où la dose de rayonnement atteint son maximum.
Voici les détails concernant les effets des événements de particules solaires sur les différentes phases d'une mission Apollo :
CONDITIONS | PHASE DE LA MISSION | RÈGLE | COMMENTAIRES |
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Une éruption solaire majeure a été prévue | Toutes phases | Continuer la mission. | |
Une importante éruption solaire s'est produite | |||
Un événement de particules non confirmé s'est produit | Toutes phases | Continuer la mission. | Rapport : - Les particules n'ont pas été confirmées. - Aucun impact de mission n'est indiqué. |
Des événements de particules confirmés et des analyses du SPAN ou en temps réel indiquent que la dose opérationnelle maximale sera dépassée pendant la mission. | Avant lancement | Maintenir jusqu'à ce que l'analyse des données indique que la dose maximale opérationnelle ne sera pas dépassée. | |
Orbite terrestre de parking | Continuer la mission. Si l'analyse des données indique que la dose maximale opérationnelle sera dépassée d'une quantité significative avant la fin de la mission,l'injection translunaire sera interdite. | La TLI est annulée si le calcul final avant le go / no-go indique plus que la dose maximale opérationnelle. | |
Toutes les autres phases | Continuer la mission.Une attention particulière sera donnée à l'injection transterrestre précoce (ou prolongée) et à l'interdiction du transfert de l'équipage au module lunaire. | ||
Des événements de particules confirmés, des télémétries d'engins spatiaux ou la lecture de dosimètres indiquent que la dose maximale opérationnelle sera dépassée pendant la mission. | Voyage translunaire | Continuer la mission.Il faut envisager d'entrer dans le prochain point cible sélectionné si la dose totale peut être réduite de manière significative sans augmenter le risque total pour l'équipage. | L'équipage devra commencer à lire les dosimètres personnels et les relevés du compteur de radiation (Radiation-Survey Meter ou RSM). Une projection supérieure à la dose maximale opérationnelle n'est pas requise pour les lectures de l'équipage. |
Orbite Lunaire | Continuer la mission. Envisager d'allonger le temps de séjour en orbite lunaire si la dose totale de l'équipage était considérablement réduite par la protection lunaire. | La "Hatch-down attitude" peut être utilisée pour réduire la dose totale. Si un événement de particules est confirmé, l'équipage sera transféré du LM au CSM. | |
Séjour lunaire | Envisager de réduire le temps du séjour lunaire ou les activités extravéhiculaires si la dose totale de l'équipage peut être réduite de façon significative sans augmenter le risque total pour l'équipage. | On conseille la comparaison entre les dosimètres du CSM et les dosimètres personnels à la surface lunaire. | |
Toutes les autres phases | Continuer la mission. |
Analyse des données du SPAN
Toutes les données de radiofréquence enregistrées, qu'il s'agisse de bandes graphiques ou de bandes magnétiques des trois stations, sont analysées à Houston, au Manned Spacecraft Center. Des programmes informatiques sont utilisés pour les réductions afin de faire face à la masse de données. Les films 35 mm de Carnarvon, des îles Canaries, de Boulder et de Houston sont traités et réduits également au MSC. Des visionneuses Richardson, sont utilisées pour l'analyse des films. Les films pris à Culgoora sont traités et analysés par le personnel de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization. Les films de Téhéran et d'Hawaï sont traités et analysés par l'U.S. Air Force. Un avantage majeur du SPAN est qu'il fournit un pourcentage élevé de couverture de l'activité solaire avec une instrumentation et une analyse uniformes.
SYSTÈME DE RÉSEAU DE SURVEILLANCE DES PARTICULES SOLAIRES
Centre de prévision solaire (SFC)
Outre le SPAN (décrit plus haut), on trouve le centre de prévision solaire (SFC pour Solar Forecast Center) situé au sein du commandement de la défense aérienne de l'Amérique du Nord (NORAD), dans le complexe de Cheyenne Mountain, à Colorado Springs, dans le Colorado. Il est géré par le personnel du détachement 7 de la quatrième aile météorologique de la base aérienne d'Ent (Colorado). Le détachement 7 inclut un réseau mondial d'observation et de prévision solaire (SOFNET pour Solar Observing and Forecasting Network) ainsi que le SFC. Le personnel de la quatrième escadre météorologique renforce le personnel de plusieurs observatoires solaires. Ces observatoires se trouvent à Sacramento Peak, au Nouveau-Mexique, à Sagamore Hill, au Massachusetts, à South Point, à Hawaï (site SPAN), à Athènes, en Grèce, à Manille, aux Philippines, à Téhéran, en Iran (site SPAN) et à Los Angeles, en Californie. Le personnel de ces observatoires SOFNET, ainsi que le personnel de plusieurs autres observatoires et agences coopérantes, assurent une surveillance continue du Soleil et envoient des données solaires et géophysiques en temps réel au SFC. Ces données sont reçues 24 heures sur 24 au SFC et sont tracées et analysées par les prévisionnistes solaires en poste. Sur la base de l'analyse de ces rapports, le SFC émet quatre prévisions de routine par jour, une prévision de période étendue chaque semaine, et des alertes d'activité spéciale. Pendant les périodes de mission Apollo, ces prévisions et alertes sont envoyées au SEC (Space Environment Console) afin d'aider le personnel de soutien à suivre l'activité solaire.
Centre de prévision des perturbations spatiales (SDFC)
Le centre de prévision des perturbations spatiales (SDFC pour Space Disturbance Forecast Center) fait partie du laboratoire des perturbations spatiales, du National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA), et est situé à Boulder, dans le Colorado. Le SDFC exploite l'un des sept télescopes optiques du SPAN et sert de point de collecte pour les données provenant de diverses stations de surveillance situées près de Boulder. Le SDFC fonctionne 24 heures sur 24 et fournit un soutien à diverses agences gouvernementales sous forme de prévisions solaires préparées et envoyées toutes les 12 heures. En plus des prévisions sur 12 heures, le SDFC transmet d'autres données sur l'activité solaire au SEC pendant les périodes de mission. Les données sont envoyées par télétype via le centre de vols spatiaux Goddard de la NASA ou par téléphone directement au SEC.
Télescope optique
Les télescopes optiques sont utilisés pour observer et localiser les principaux centres d'activité sur le disque solaire. Les éruptions solaires qui se produisent dans ces régions actives peuvent être observées afin de détecter les caractéristiques associées aux événements générant des particules. Lorsqu'une éruption solaire se produit, elle est enregistrée par une caméra qui photographie le disque solaire observé à travers le télescope. Les observations sont régulièrement rapportées au SDFC à Boulder et, pendant les périodes de soutien de la mission, des rapports téléphoniques ou radio sont faits directement au SEC à Houston.
Radiotélescope
Les radiotélescopes détectent et enregistrent l'intensité des émissions radio solaires dans la région des micro-ondes aux fréquences de 1420, 2695 et 4995 mégahertz. Les observations sont rapportées au SDFC ou, pour les événements optiques, au SEC. Les émissions radio, intégrées dans le temps, varient en fpnction du cycle solaire. Pendant les périodes d'activité solaire marquée, des sursauts d'énergie radio pouvant atteindre de deux à plus de cinquante fois le signal de fond normal peuvent se produire pendant de courtes périodes, généralement moins de 3 heures. La détection simultanée d'un sursaut radioélectrique, aux trois fréquences, indique la réception d'une émission synchrotron provenant d'électrons accélérés dans les champs magnétiques solaires. L'accélération des protons et la libération de protons et d'autres particules nucléaires chargées par l'événement solaire sont impliquées lorsque l'émission synchrotron RF est détectée. Environ 20 % de ces libérations de particules entraînent l'apparition de particules dans la région Terre/Lune.
Riomètre
Le riomètre (système de mesure de l'opacité ionosphérique relative) est un système ultrasensible et ultrastable utilisé par la NASA dans le cadre d'accords de soutien pour la mesure de l'intensité des champs électromagnétiques. Le riomètre mesure les changements dans l'absorption du bruit radioélectrique cosmique lorsqu'il traverse l'ionosphère. De tels changements sont causés par des variations de densité électronique dans l'ionosphère, induites par des perturbations atmosphériques solaires ou des événements nucléaires à haute altitude. Le profil de la densité électronique dépend du spectre des protons incidents sur l'atmosphère, provoquant l'ionisation. Par conséquent, en utilisant des riomètres à différentes fréquences, on peut estimer le flux et le spectre des protons. Lorsque nécessaire pour le soutien de la mission, le système rend compte directement au SEC.
Vidéomètre : Le vidéomètre est un appareil développé pour l'analyse des films de patrouille des éruptions solaires, en utilisant des techniques vidéo pour mesurer la zone d'éruption au-dessus d'une intensité prédéfinie. Cette zone d'éruption est multipliée par l'intensité jointe (flux) et l'intensité maximale. Le moniteur vidéo affiche les emplacements de l'intensité maximale et du niveau de seuil à l'aide de rétroactions. Le contour des niveaux de seuil est un isophote ; ainsi, en faisant varier le niveau de seuil, il est possible d’obtenir une étude rapide de la structure isophotale d'une éruption solaire. Cette caractéristique est précieuse dans une étude morphologique du développement des éruptions solaires. Les principaux résultats sont sous forme numérique, à la fois sur bande de papier imprimé et sur cartes perforées. Les résultats des études initiales seront utilisés pour établir des critères qui seront appliqués aux versions en temps réel sur les sites SPAN, éliminant ainsi la subjectivité dans la classification des éruptions solaires par un observateur.