LE S.A.L. ou Spacecraft Acoustic Laboratory (Laboratoire d'acoustique pour vaisseau spatial)



La fluctuation aléatoire de l'excitation de la pression acoustique du vaisseau spatial Apollo pendant le lancement terrestre et la poussée n'est pas seulement sévère, mais varie également en fonction de la durée de la mission et de l'emplacement sur le véhicule. Pour obtenir la meilleure vérification possible de l'aptitude au vol du vaisseau spatial Apollo, il est nécessaire d’en évaluer le comportement vibratoire dans des conditions acoustiques sévères de vol lors d'un essai au sol.


Sources de vibrations dans les véhicules spatiaux pendant le vol

Les quatre principales sources de vibrations des engins spatiaux (à des fréquences supérieures aux résonances corporelles de base d'un vaisseau spatial/véhicule lanceur complet) pendant le vol sont :
(1) l'énergie vibratoire transmise par les systèmes de propulsion ou d'autres machines embarquées ;
(2) les vibrations induites par l'allumage, la séparation des étages et les impacts d'amarrage éphémères ;
(3) les vibrations résultant du bruit du lanceur qui frappe la coque de l'engin spatial pendant le lancement ;
et (4) les vibrations causées par l'excitation de la coque du vaisseau spatial par des fluctuations de pression externes d'origine aérodynamique.

Les mouvements associés aux modes de flexion du corps à basse fréquence d'un véhicule spatial ou d'un lanceur complet sont généralement de moins importants et ne sont pas considérés comme une source primaire de vibrations structurelles de haute intensité, particulièrement à haute fréquence (au-dessus des résonances de base du corps du véhicule spatial/lanceur complet).


Le S.A.L.

L'objectif principal du S.A.L. ( Spacecraft Acoustic Laboratory) est de simuler un ou plusieurs des environnements d'un engin spatial en condition d'utilisation, comme dans toute installation expérimentale au sol. Grâce à cet outil, l'expérimentateur peut étudier les vibrations d'un véhicule à l'échelle réelle ou d'un modèle réduit dans des environnements simulés, puis utiliser les résultats obtenus pour prédire les vibrations du véhicule à l'échelle réelle dans des conditions réelles.

Le S.A.L. est installé dans une tour rectangulaire mesurant 32 m de hauteur, 18,29 m de profondeur et 21,34 m de largeur. Cette tour est composée d'un cadre en acier avec des panneaux de béton pour les murs extérieurs, et elle peut accueillir un véhicule mesurant jusqu'à 9,14 m de diamètre et 25,91 m de hauteur.

Une porte de 12,19 m de hauteur et de 9,75 m de largeur offre un accès large pour amener les différents modules composant le vaisseau spatial dans le laboratoire. Ce dernier est équipé d'un palan de 75 tonnes à point fixe, utilisé pour empiler les composants modulaires d'un véhicule spatial, ou pour suspendre un vaisseau spatial durant les essais. Une grue sur pont roulant de 5 tonnes est utilisée pour les opérations de manutention générale et pour manipuler les conduits d'essai.

Des platesformes permanentes et mobiles sont disposées à différentes hauteurs, soit à 4,57 m, 9,14 m, 13,72 m, 18,29 m et 22,86 m. Les plateformes mobiles, d'une largeur de 91 cm, entourent le véhicule d'essai. Un ascenseur de grande capacité permet l'accès du personnel et du matériel aux différents niveaux, ainsi qu'à la salle de contrôle adjacente. Les raccordements pneumatiques et électriques, les stations de communication et les gaines des câbles d'instrumentation sont situés tout au long du laboratoire.

Deux modes de tests sont disponibles dans le laboratoire : le mode primaire avec ondes progressives et le mode secondaire avec ondes progressives et réverbérantes.
Dans le mode primaire (ondes progressives), la surface exposée du véhicule d'essai est enveloppée par un son contrôlé de haute intensité. Seize champs sonores distincts d'onde progressive sont dirigés vers le bas, au-dessus du véhicule, par des conduits séparés qui l'entourent.
La section transversale des conduits est réglable afin de permettre l'atteinte des niveaux de pression acoustique spécifiés le long de l'axe longitudinal du véhicule d'essai. L'énergie sonore est fournie par 16 sources de bruit, ou modulateurs d'air, chacun ayant une puissance de 10 000 watts acoustiques et étant contrôlé électriquement. Ces modulateurs d'air sont suspendus à la plate-forme supérieure de la tour et attachés à des cornes de couplage, lesquelles sont reliés aux conduits.
Les modulateurs sont contrôlés indépendamment pour permettre la programmation de la corrélation des champs acoustiques entre les conduits. Les 160 000 watts acoustiques générés par les modulateurs d'air produisent un niveau de pression acoustique (SPL - Sound Pressure Level) global de 169 dB à l'interface entre la corne et le conduit

Dans le mode secondaire (ondes progressives et réverbérantes), les conduits sont retirés des cornes et remplacés par des sections à extension évasée, qui couplent l'énergie acoustique aux modes de réponse acoustique du volume de la chambre. Ainsi, la partie inférieure du véhicule est soumise à une charge de réverbération.
Les modulateurs d'air nécessitent un grand volume d'air comprimé (environ 764,55 m³ / min) qui est fourni par un compresseur centrifuge (aussi appelé radial) à débit constant, entraîné par un moteur électrique de 4500 chevaux-vapeur. Ce compresseur est situé dans un bâtiment adjacent et tire son alimentation en air au sein de la tour, formant ainsi un système d'air en boucle fermée, avec le volume de la tour servant de chambre intermédiaire (plénum). Les collecteurs d'air sont reliés aux modulateurs d'air par des tuyaux.


Contrôle et Instrumentation

L'équipement du système de contrôle, situé dans une salle adjacente à la tour acoustique, est composé de 16 canaux de contrôle et de puissance, un pour chacun des 16 modulateurs d'air. Chaque canal comprend un générateur de bruit blanc électrique distinct, un conformateur de bande de 1/3 d'octave pour une programmation aléatoire, ainsi qu'un amplificateur de puissance distinct de 3000 watts. Cela permet de produire de l'énergie acoustique non corrélée entre les conduits grâce aux modulateurs d'air séparés.

En préparation de la mission Apollo 7, la première mission habitée du programme Apollo, prévue pour octobre 1968, ainsi que des missions futures, les ingénieurs doivent certifier le module de commande et de service (CSM) pour qu'il soit apte à transporter un équipage. Une partie de cette certification consiste à effectuer des tests structurels du véhicule. Les ingénieurs lancent une série d'essais de vibrations à basse fréquence sur le CSM 105 d'Apollo le 5 février 1968, dans le Spacecraft Acoustic Laboratory. Cette installation permet de tester les vibrations et les chocs subit par le matériel de vol spatial afin de vérifier que ses fonctionnalités ne sont pas altérées par les environnements de lancement sévères. Le CSM 105 d'Apollo, un vaisseau spatial non piloté configuré selon la conception du premier véhicule de vol habité et équipé de trois couchettes d'équipage, est livré au MSC en décembre 1967, empilé sur un SLA (adaptateur du LM), puis installé dans le S.A.L.. Le programme d'essai a pour objectif de démontrer l'intégrité structurelle du câblage, du réseau de plomberie, de la structure secondaire et des sous-systèmes de l'engin spatial sous des contraintes simulées de bruit aérodynamique et de vibrations prévues pendant le vol. De plus, les critères de vibration de la mission lunaire du CSM sont vérifiés et le mécanisme de l'écoutille unifiée, une nouvelle conception issue de l'incendie d'Apollo 1, est qualifié dans cet environnement vibro-acoustique.


Apollo CSM 105 en place dansla structure d'essai

Sortie de l'astronaute Gordo Cooper après un des tests

Lors de cette série d'essais, les ingénieurs effectuent un essai le 10 février 1968 avec l'astronaute Gordon Cooper à bord du CSM 105 d'Apollo. Des mannequins représentent les deux autres membres d'équipage supposés être présents lors des missions. L'objectif de cet essai est de déterminer si les membres d'équipage peuvent éprouver des problèmes visuels pendant les vibrations à basse fréquence du lanceur Saturn V. Cooper effectue deux sessions d'une durée totale de 2 min 40 s au cours desquelles il exécute plusieurs tâches. Il indique qu'il n'a rencontré aucun problème lors de ces tests. La seule anomalie structurelle observée pendant l'ensemble du programme est une jambe de force tordue dans le module de service. En conséquence, les procédures d'installation de cette entretoise sont modifiées afin d'éviter que cela ne se reproduise lors d'un vol réel.



Sourece : (PDF) Concept, design, and performance of the MSC Spacecraft Acoustic Laboratory, mai 1968. Textes traduits de l'anglais, texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.