LE LUNAR RECEIVING LABORATORY (laboratoire de réception lunaire)



"Petit" rappel historique...

En 1963, un sous-comité spécial du conseil des sciences spatiales de l'Académie nationale des sciences est convoqué afin d'examiner la problématique du traitement du matériel et du personnel revenant des missions lunaires. Ce sous-comité recommande à la NASA de mettre en place un programme de quarantaine afin de protéger la Terre et son écosystème de tout risque potentiel lié au retour d'échantillons lunaires. L'élaboration des exigences, de la philosophie et des directivesdu programme de quarantaine Apollo est une responsabilité conjointe de la NASA et d'un comité inter-agences sur la rétro-contamination (ICBC), nouvellement créé. Ce comité regroupe également des membres de l'Académie nationale des sciences ainsi que des représentants du service de santé publique, du ministère de l'Agriculture, du ministère de l'Intérieur des États-Unis et des agences en charge des ressources vivantes et naturelles.

La charte du comité définit son objectif comme suit :

Protéger la santé publique, l'agriculture et les autres ressources vivantes.
Préserver l'intégrité des échantillons lunaires et des expériences scientifiques.
S'assurer à ce que les aspects opérationnels du programme soient le moins compromis possible.
Un accord inter-agences, servant de base au développement du programme de quarantaine, est élaboré et approuvé. La mise en œuvre du programme est de la responsabilité de la NASA. Le comité joue uniquement un rôle consultatif, chargé d'examiner et d'approuver les plans proposés par la NASA.
Les objectifs de quarantaine du programme Apollo incluent le confinement biologique des membres de l'équipage, des échantillons lunaires et des autres matériaux exposés à la Lune jusqu'à leur libération de la quarantaine. Ils impliquent également une évaluation biologique des matériaux lunaires rapportés afin de s'assurer qu'ils peuvent être libérés en toute sécurité. Le programme de rétro-contamination d'Apollo est divisé en trois phases :

La première concerne les procédures à suivre par les membres de l'équipage durant le vol afin de limiter l'introduction de contaminants lunaires dans le module de commande (CM).
La deuxième englobe la récupération de l'engin spatial et de l'équipage ainsi que les mesures d'isolement et de transport des astronautes, de l'engin spatial et des échantillons lunaires vers le MSC.
Enfin, la troisième phase couvree les opérations de quarantaine menées dans le laboratoire de réception lunaire (LRL).

Afin de répondre aux exigences de l'ICBC, la NASA entreprend la planification d'installations de quarantaine spécifiques, ainsi que le développement d'équipements et de procédures opérationnelles dédiés. La mise en place de la quarantaine a un impact majeur sur le programme Apollo, car elle impose l'isolement immédiat des membres de l'équipage, du module de commande et du matériel dès leur retour sur Terre.
Des exigences précises en matière de sciences physiques et biomédicales sont définies pour la collecte, le retour et l'analyse des échantillons lunaires. Tandis que les groupes consultatifs en sciences physiques veillent à ce que les procédures et l'équipement minimisent le risque de contamination des échantillons par des matières organiques et inorganiques terrestres, les groupes consultatifs biomédicaux s'attachent à réduire les risques d'introduction de matière lunaire dans la biosphère terrestre. Bien que la probabilité de découvrir un système de vie existant sur la Lune soit jugée faible, elle ne peut être totalement écartée. Par conséquent, des précautions strictes de quarantaine sont mises en place pour les membres d'équipage et les échantillons lunaires.

Exigences en matière de quarantaine

L'observation des maladies végétales et animales montre que la plupart des agents pathogènes terrestres sont capables d'envahir un hôte et de provoquer des symptômes évidents de maladie dans les 21 jours suivant l'exposition de l'hôte. De plus, les agents pathogènes responsables de maladies épidémiques ou à propagation rapide sont généralement assez virulents pour être transmis en moins de 21 jours. L'ICBC décide donc d'imposer une quarantaine d'au moins 21 jours pour l'équipage après chaque mission Apollo. Durant cette période, des examens médicaux approfondis sont réalisés afin de détecter d'éventuels problèmes de santé liés à l'exposition au matériel lunaire. Les échantillons et équipements rapportés sont également analysés pour s'assurer qu'ils peuvent être remis aux équipes de recherche sans danger. Pour mener à bien ces tâches et d'autres fonctions, le laboratoire de réception lunaire est construit au Manned Space Center. Il est utilisé pour :

1) Assurer la quarantaine des membres d'équipage, des vaisseaux spatiaux, de l'équipement et des échantillons lunaires.
2) Constituer une installation d'isolement permettant d'évaluer les échantillons sur le plan biomédical, afin de détecter d'éventuels micro-organismes dangereux capables de se reproduire.
3) Offrir un environnement sécurisé pour mener des recherches en sciences physiques nécessitant une analyse immédiate. (Ces recherches critiques sur le plan temporel concernent les expériences dont les données pourraient être perdues ou altérées si elles n'étaient pas réalisées durant la quarantaine.)
4) Préparer et distribuer les échantillons lunaires à des chercheurs externes pour des analyses scientifiques approfondies.


Hypothèses et directives en matière de quarantaine

La coordination des exigences multidisciplinaires, et souvent contradictoires, présente une série unique de problèmes, dont beaucoup sont liés à la nature hypothétique d'un danger lunaire inconnu. Si des décisions scientifiques et techniques précises doivent être prises, des hypothèses et des directives de base doivent être suivies. Celles-ci sont établies pour le développement du programme de quarantaine lunaire (LQP) :

1) L'existence de micro-organismes dangereux se reproduisant sur la Lune est supposée.
2) La préservation de la vie humaine doit avoir la priorité sur le maintien de la quarantaine.
3) Les exigences en matière de confinement biologique doivent être basées sur les moyens les plus rigoureux utilisés pour le confinement des agents infectieux terrestres.
4) L'exigence de stérilisation doit être basée sur les méthodes nécessaires à la destruction des formes terrestres les plus résistantes.
5) Les procédures de détection des dangers doivent être basées sur une altération de l'écologie et de la pathogénicité classique.
6) L'étendue du protocole d'essai biologique est limitée aux installations approuvées par le Congrès, aux systèmes bien définis et aux systèmes biologiques dont l'importance écologique est connue.

Ensemble, les directives 1 et 2 constituent la base du programme de quarantaine lunaire, c'est-à-dire que, bien que la probabilité que la vie existe sur la Lune soit extrêmement faible, le risque est suffisamment élevé pour justifier un programme de quarantaine. Cependant, ce risque n'a pas été considéré comme suffisamment important pour permettre une blessure et/ou une perte de vie humaine autrement évitable, juste pour maintenir l'intégrité du programme.
De nombreuses décisions critiques, en particulier celles concernant les procédures d'urgence, n'ont pas pu être prises sans l'établissement de la deuxième ligne directrice. Des exemples typiques sont les procédures d'urgence pour l'évacuation des membres de l'équipage si le module de commande commence à couler après l'amerrissage et les procédures de sortie d'urgence en cas d'incendie majeur dans les quartiers d'habitation du LRL pour le personnel en quarantaine.

La troisième ligne directrice est devenue le critère de base pour la conception et le fonctionnement des systèmes de confinement requis. Encore une fois, le dilemme est que les procédures et l'équipement doivent être conçus, fabriqués et exploités pour contenir des agents microbiens que l'on suppose exister sur la Lune et dont on ne connait pas les caractéristiques. Il est décidé que les exigences en matière de confinement biologique doivent être basées sur les moyens les plus rigoureux utilisés à l'époque pour contenir les agents infectieux terrestres.

La quatrième directive établi que les exigences en matière de stérilisation doivent être basées sur la méthode nécessaire à la destruction des formes de vie terrestres les plus résistantes. Les micro-organismes sporulés terrestres sont utilisés comme modèles pour fournir des critères de conception pour l'équipement et des directives pour les procédures de stérilisation.

La cinquième directive concerne la détection des dangers supposés présents. Le terme "danger" doit être défini avant qu'une méthode de détection puisse être développée. Les procédures sont limitées à celles capables de détecter un agent qui présenterait une pathogénicité classique pour une forme de vie terrestre ou qui pourrait s'établir dans un environnement terrestre et ainsi modifier l'écologie. Cette directive limite la recherche à la détection de micro-organismes réplicatifs. Des paramètres tels que la toxicité sont éliminés ; même si les échantillons lunaires sont hautement toxiques, les caractéristiques de toxicité seraient autolimitées et ne se propageraient pas.

La sixième directive porte sur les méthodes à utiliser pour la détection des micro-organismes réplicatifs qui pourraient causer des maladies ou s'établir et se répliquer dans un environnement terrestre. Les directives ont rendu possible un premier niveau de décision en ce sens que les efforts du programme d'essais biologiques sont orientés vers la détection spécifique des dangers pour la biosphère. Comme le programme est axé sur les dangers pour l'environnement terrestre, seules les conditions environnementales terrestres sont retenues.

Trois limites sont fixées pour les protocoles d'essais biologiques à l'appui du programme de quarantaine. Les systèmes d'essai pour lesquels peu ou pas d'informations de base ou de fond sont disponibles n'ont pas été pris en compte. Les systèmes dont l'importance écologique est connue sont privilégiés. Enfin, la taille de l'installation et la portée des activités sont déterminées à des fins de planification. Des boîtes contenant des échantillons de roches et de sol lunaires provenant des premières missions sont ouvertes au MSC dans une chambre à vide unique. La chambre est conçue pour assurer la stérilité des échantillons et pour fournir une méthode d'examen préliminaire sans compromettre l'intégrité des échantillons par une exposition à l'air. Le vide simule la pression lunaire.

Le programme de quarantaine se déroula avec un minimum d'interruptions. Au cours des opérations du LRL, il arriva à quelques reprises que des techniciens durent être mis en quarantaine en raison de fuites dans les gants de la chambre à vide pendant que le personnel manipulait le matériel lunaire ou lorsque des défaillances similaires se produisent dans les autres dispositifs de protection. Ces cas ont été peu fréquents. En aucun cas, le confinement biologique des membres de l'équipage, des échantillons lunaires et/ou de tout autre matériel exposé n'a été compromis.

L'accueil des astronautes après une mission lunaire, et la quarantaine obligatoire pour les missions Apollo XI à XIV s'effectuent dans le Lunar Receiving Laboratory (LRL) situé dans l'enceinte du MSC. Il contient des laboratoires ainsi que les quartiers de l'équipage.


Vue d'ensemble du bâtiment 37 abritant le LRL

Le LRL a trois objectifs majeurs :
1) Empêcher la contamination de la Terre par des organismes lunaires qui auraient pu être ramenés de la mission.
2) Prévenir la contamination des échantillons lunaires par l'atmosphère et les micro-organismes terrestres afin de protéger l'intégrité des recherches scientifiques sur ces échantillons.
3) Déterminer si et quand le matériel lunaire peut entrer en contact avec l'environnement terrestre.

Pour atteindre ces objectifs, le LRL, hébergé dans le bâtiment 37 au MSC et couvrant 7700 m² (83 000 ft²) d'espace au sol, a nécessité une conception complexe et l'intégration de nombreux domaines fonctionnels :

- Locaux d'habitation et d'examen pour les astronautes, y compris les éléments suivants :
- Salles d'examen médical et dentaire.
- Salle d'opération.
- Laboratoire biomédical.
- Zone d'exercice, de débriefing, de bureau et de sommeil des astronautes.
- Bureaux et dortoirs du personnel de soutien.
- Cuisine, salle à manger et salles de repos.
- Installations pour stériliser et faire entrer et sortir la nourriture et le linge.

- Des laboratoires d'analyse d'échantillons de différents types :
- Laboratoire de comptage des radiations, dont une section se trouvait à 15 m sous terre.
- Laboratoire d'analyse des gaz.
- Laboratoire d'essais physico-chimiques pour effectuer des analyses minéralogiques, pétrologiques et géochimiques.
- Laboratoire de spectrographie et chambre noire.
- Laboratoire de biopréparation pour la manipulation des échantillons, leur préparation, pesage et conditionnement pour la distribution.
- Laboratoire de bioanalyse pour les analyses de sang et autres tests sur des souris.
- Laboratoire d'hébergement pour les souris exemptes de germes.
- Laboratoire d'hébergement pour les souris normales.
- Laboratoire de microbiologie lunaire pour isoler, identifier et, éventuellement cultiver des micro-organismes lunaires.
- Laboratoire d'oiseaux, de poissons et d'invertébrés pour l'exposition des animaux, y compris les crevettes, les cailles, les cafards et les huîtres, aux échantillons lunaires.
- Laboratoire de plantes pour l'exposition de plantes telles que des algues sans germes, des spores, des graines et des semis.
- Laboratoire de microbiologie pour la culture d'échantillons lunaires et des prélèvements sur les astronautes.
- Laboratoire de virologie pour les examens post-vol des astronautes.
- Laboratoire de biosécurité pour la surveillance de tous les systèmes.
- Laboratoire de microbiologie pour les tests cliniques du personnel en quarantaine.
- Salle de radiographie.
- Système de vide pour la réception et le traitement des échantillons lunaires.
- Système de climatisation pour stériliser l'air entrant et sortant du LRL.
- Barrière biologique à double sens pour la mise en quarantaine des astronautes pendant plus de deux semaines et des échantillons lunaires pendant plus d'un mois.
- Stockage du module de commande Apollo.
- Installations de soutien.
- Bureaux du personnel.

Le système de vide du LRL et son équipement connexe sont conçus et construits par le Oak Ridge National Laboratory, sous l’égide de la Commission de l'énergie atomique (AEC – Atomic Energy Commission). L'AEC est également responsable du développement de l'équipement de comptage des rayonnements de faible intensité du LRL ainsi que des programmes informatiques destinés à l'analyse des données de rayonnement.

La construction du LRL devait être achevée et prête pour les essais pratiques d'ici la fin décembre 1967. Les tests devaient se terminer en janvier 1969, afin que l'installation puisse analyser les premiers échantillons lunaires dans les délais. Toutefois, le retard dans l'approbation du budget du LRL par le Congrès, qui intervint près de deux mois après le début de l'année fiscale 1967, menaça sérieusement ce calendrier. Le Congrès imposa en outre que le MSC ne puisse lancer les appels d'offres pour la construction qu’après l'adoption de la loi d'autorisation de la NASA, sans même pouvoir les ouvrir avant cette étape.

En juin 1966, deux mois avant l'approbation du Congrès, le MSC entame des travaux en concluant un contrat avec S. H. Barrett and Associates de Houston pour un montant de 15 000 dollars. L'objectif est de développer des dessins d'atelier et de fabriquer une partie de la structure en acier nécessaire au LRL. Le MSC finance l'achat de l'acier pour cette tâche en empruntant des fonds alloués à un autre projet. Le 5 juillet 1966, le MSC choisi Warrior Constructors, également de Houston, pour réaliser la phase I de la construction du LRL. Cette phase inclut la préparation du site, l'excavation, le coulage des fondations et l'érection de la charpente métallique du bâtiment. Bien que le budget de la NASA n'ait pas encore été approuvé par le Congrès et que le contrat officiel avec Warrior n'ait pas encore été signé, la société accepte de respecter la date limite du 1er janvier 1967 pour la phase I et commence les travaux le 11 juillet 1966.

Le 28 juillet 1966, George Mueller envoie au MSC l'autorisation du siège de la NASA d'ouvrir les appels d'offres pour la construction de la phase I à partir du 1er août 1966. Cette approbation intervient légèrement avant l'adoption par le Congrès de la loi d'autorisation pour l'exercice 1967, mais plus tard que ce que la NASA avait initialement espéré. Le 12 août 1966, la NASA signe officiellement avec Warrior Constructors un contrat d'une valeur de 1,69 million de dollars pour la réalisation de la phase I. Dans cette même lettre, Mueller demande également au MSC de finaliser les négociations avec l'entrepreneur sélectionné pour la phase II, qui inclut l'achèvement de la structure du LRL ainsi que l'installation et l'essai des équipements de laboratoire. Toutefois, il précise qu'aucun contrat ne doit être signé avant l'approbation du financement par le siège de la NASA, ce qui ne se produit que le 24 août. Conformément à cette directive, le MSC sélectionne Warrior Constructors le 1er août pour mener les négociations finales de la phase II. Le 19 août, la NASA choisit WNN Contractors, un consortium réunissant Warrior Constructors, National Electronics Corporation (Houston) et Notkin & Company (Kansas City), pour l'achèvement de cette phase. Les contrats des phases I et II totalisent 7,8 millions de dollars.

Le respect du calendrier de construction du LRL constitue une préoccupation constante. Outre l’achèvement du bâtiment principal (bâtiment 37), une part significative du temps est consacrée à la conception et à l’aménagement des laboratoires à l’intérieur de l’installation.


Préparation du terrain pour le site du bâtiment 37 en septembre 1966

Vue aérienne du site en octobre 1966, avec le trou circulaire de 15,24m (50 ft) de profondeur pour
la chambre forte

Gros plan du trou de la chambre forte pendant que les ouvriers coulent le béton pour la fondation

Structure métallique initiale en place pour le bâtiment 37 en octobre 1966

Les zones du LRL se découpent de la manière suivante :


Vue en coupe du LRL (nomenclature en français)

Le confinement biologique au sein du laboratoire de réception lunaire repose sur un système à double barrière : une barrière primaire et une barrière secondaire. La barrière biologique primaire est constituée du complexe à vide ainsi que des armoires de sécurité biologique de classe Ill. La barrière secondaire est assurée dans la zone de réception de l'équipage et le laboratoire d'échantillonnage en maintenant ces espaces à une pression négative par rapport à la pression atmosphérique extérieure au bâtiment. L’ensemble des opérations post-mission sur les échantillons lunaires s’est déroulé à l’intérieur de ces deux niveaux de confinement. L’intégrité de la barrière secondaire a été évaluée à l’aide de particules fluorescentes. Des sas équipés de lumière ultraviolette sont intégrés à la zone de réception de l’équipage (Crew Reception Area, CRA) ainsi qu’à l’espace dédié aux échantillons. Les douches, vestiaires et l’accès contrôlé à la zone des opérations sur les échantillons marquent la fin de la quarantaine du CRA et réduisent les risques d’atteinte à l’intégrité de la barrière secondaire. Ce modèle de confinement suit celui des infrastructures des laboratoires biologiques de l’armée américaine à Fort Detrick.
La conception et le fonctionnement des barrières primaire et secondaire sont détaillés ci-dessous. Le besoin d’une installation centrale regroupant ces fonctions a été identifié dès le début de l’année 1964. Avant le début de la construction en juillet 1966, plusieurs études ont été menées. L’équipement du système d’essai a été développé et installé entre la mi-1966 et septembre 1968.


BARRIÈRE BIOLOGIQUE PRIMAIRE

Le complexe à vide poussé : c'est la zone où les conteneurs d'échantillons sont ouverts et où débute le traitement du matériel lunaire. Cette zone est stérilisée avant le retour des conteneurs afin de prévenir toute contamination des échantillons lunaires par des micro-organismes terrestres. L’ensemble des matériaux introduit dans le complexe sous vide est stérilisé à l'acide peracétique (C2H4O3 ou PAA). Tous les articles quittant le complexe durant la quarantaine sont soit placés dans des conteneurs étanches au vide, dont l'extérieur est stérilisé avec de l'acide peracétique, soit directement stérilisés avec cet acide. Les effluents gazeux des pompes de la chambre à vide traversent des filtres biologiques absolus, sont incinérés, puis filtrés une seconde fois avant leur évacuation vers l’environnement extérieur. Tous les échantillons lunaires quittent le complexe sous vide dans des récipients stérilisés et étanches au vide. Les conteneurs sont ensuite placés dans des sacs en plastique scellés pour leur manipulation dans le laboratoire d’échantillonnage.


Cette photographie montre la vue d'ensemble du complexe à vide poussé du LRL (crédit photo NASA)

Cabinets biologiques : Les tests biologiques et physico-chimiques des échantillons lunaires sont effectués dans des cabinets biologiques (armoires de sécurité biologique de classe IlI). Ces armoires sont des enceintes étanches au gaz dans lesquelles toutes les manipulations sont effectuées à l'aide de gants en néoprène. L'air ou l'azote pénètrent dans les enceintes à travers des filtres biologiques absolus, sont incinérés, puis filtrés à nouveau avant d'être évacués à l'extérieur. Tout le matériel entrant dans les enceintes est stérilisé. Les armoires sont exploitées à une pression négative par rapport au laboratoire afin de garantir le confinement de toute fuite dans les armoires plutôt que vers le laboratoire.


Boite à gants (crédit photo NASA)

Tout l'air évacué de la barrière primaire est canalisé vers l'un des cinq incinérateurs à microbes dans la salle des machines du LRL, où il est chauffé à 260°C (500°F) et est forcé à travers un filtre biologique absolu vers l'extérieur. La filtration de l'air et la pression différentielle pour la barrière secondaire est réalisée par le système de conditionnement d'air. Le laboratoire d'analyse radiologique et les zones administratives et de support ne sont pas inclus dans les barrières biologiques.


BARRIÈRE BIOLOGIQUE SECONDAIRE

Les pièces contenant les armoires sont également maintenues à une pression négative par rapport aux couloirs adjacents. La barrière biologique secondaire entourant le laboratoire d'échantillonnage comprend les systèmes de l'installation ainsi que des procédures opérationnelles. Le bâtiment est construit de manière étanche et toutes les pénétrations sont scellées. Le laboratoire d'échantillonnage est équipé d'un système d'alimentation et d'évacuation d'air conditionné à passage unique, maintenant la zone à une pression négative par rapport à l'air extérieur. L'air entrant est filtré et l'air sortant passe par des filtres biologiques absolus. Tous les déchets liquides provenant de la zone du laboratoire d'échantillonnage sont stérilisés à la vapeur avant d'être transportés vers la station d'épuration du MSC. Tous les matériaux solides, y compris les déchets, les vêtements et les ordures, sont stérilisés. La zone du laboratoire d'échantillonnage est approvisionnée pendant les opérations de quarantaine par des sas à lumière ultraviolette.


Couloir blanc stérile, notez les nombreux sas sur le mur (crédit photo NASA)

Tous les effluents liquides du CRA (Crew Reception Area pour zone de réception de l'équipage) et du laboratoire d'échantillons sont acheminés vers le parc de stockage du LRL, où ils sont stérilisés avant d'être transférés à l'usine de traitement des eaux usées du MSC. Le parc de stockage est considéré comme une partie de la barrière biologique secondaire. Tous les éléments du système à l'intérieur des barrières biologiques primaires et secondaires peuvent être stérilisés pour permettre un remplacement ou une réparation en cas de panne.

Trois systèmes d'alimentation électrique sont en place : normal, continu et d'urgence. Le système normal est alimenté par deux transformateurs 1000 kVA (Kilovoltampère). En cas d'interruption, le générateur de 30 kW en continu fournit automatiquement l'alimentation des charges les plus critiques jusqu'à ce que le générateur de secours de 350 kW puisse être mis en ligne comme système d'alimentation principal. Le LRL est considéré comme une installation critique du MSC et, en cas d'urgence, bénéficie d'une priorité pour la fourniture d'énergie, de vapeur et d'eau.


La zone administrative et de support

La coordination de la mise en quarantaine et des activités au sein du LRL est assuré depuis le Central Status Station (CSS), située dans la zone administrative et de support. Le CSS est occupé en continu, 24 heures sur 24, par un agent de contrôle de quarantaine et un ingénieur du support technique. Il est équipé de l'instrumentation, des alarmes et des systèmes de communication audio-vidéo nécessaires pour surveiller toutes les activités et les zones du LRL. Les portes des vestiaires peuvent être verrouillées à distance depuis le CSS.


Le Crew Reception Area

La zone de réception de l'équipage (CRA) fonctionne comme un hôtel vide, offrant des logements, des bureaux et de l'équipement pour l'équipage, l'équipe médicale et le personnel de support. En temps normal, le CRA est occupé par une douzaine de personnes pendant environ 14 jours. En cas de déversement biologique ou de rupture de la barrière principale, le CRA peut accueillir jusqu'à 120 personnes pour une période prolongée de mise en quarantaine. Les astronautes et l'équipe médicale disposent de chambres et de bureaux assignés, tandis que le personnel de support occupe des chambres en dortoir.
Le CRA comprend également des salles d'examen médical et dentaire, une salle de chirurgie mineure, une salle de radiographie, des laboratoires, un circuit vidéo fermé et de télévision commerciale, un salon, des systèmes de communication, une bibliothèque, une salle de musculation, une salle à manger, une cuisine, un débarras et une salle de débriefing et d'interviews séparée biologiquement par un grand panneau de verre. Une salle informatique abrite un système d'acquisition de données capable de traiter les paramètres des instruments présents dans le laboratoire biomédical. Les informations de la banque de données peuvent être transmises électroniquement à la zone administrative et de soutien.
Les zones transitoires du CRA incluent : une zone de stockage pour le vaisseau spatial et de son équipement de décontamination connexe, un vestiaire avec porte étanche, un stérilisateur à deux portes, une cuve d'immersion et le sas donnant à la zone de service et au quai de chargement.


Une des chambres pour astronaute (crédit photo NASA)

Michael Collins assis dans le salon (au fond on aperçoit le passe plat de la cuisine) lors d'une visite en 1967 (crédit photo NASA)

Le saviez vous?? La cuisine du LRL est conçue pour maximiser l'efficacité, en raison de ses contraintes d'espace et du temps limité consacré à la préparation des repas. Elle est principalement équipée pour le réchauffage rapide de repas préalablement préparés, notamment des plats surgelés pré-portionnés. Le menu offre une large sélection de soupes, d'entrées, d'accompagnements, de desserts et de collations. La majorité des repas proviennent des produits de Stouffer's Foods, choisis par la NASA après des tests techniques approfondis réalisés par les responsables du Manned Spacecraft Center et Technology, Inc., sous-traitant pour le programme d'alimentation destiné à l'isolement et à la quarantaine. Un total de 38 produits Stouffer's a été sélectionné, ainsi que des produits d'autres fournisseurs.
Parmi les plats de Stouffer's, les astronautes pourront savourer du homard Newburg, des lasagnes, des escalopes de poulet et des nouilles. Des options supplémentaires incluent de la crème de champignons, de la soupe à l'oignon, des tourtes au bœuf et au poulet, des pommes escalopées, un gâteau Williamsburg à l'orange et une tarte à la citrouille. Tous les produits Stouffer's respectent ou dépassent les normes de pureté de la NASA, incluant des contrôles stricts de bactéries, de staphylocoques, de salmonelle et de coliformes. Les astronautes ont également approuvé ces produits, ayant participé à des simulations de quarantaine au siège de la NASA, où ils ont testé les repas qui seront servis pendant l'isolement réel. Les repas sont préparés par trois intendants de la NASA à l'aide de fours à micro-ondes ou à quartz Litton's Atherton. Ils sont ensuite servis dans le salon et la salle à manger adjacents à la cuisine.

Les plats pour chaque cycle de menus de trois semaines sont expédiés à Glazier Distributors, un grossiste alimentaire situé à Houston, où ils sont stockés dans des congélateurs jusqu'au début de la quarantaine. Le grossiste fournit les plats à la NASA chaque semaine pendant cette période.Chaque expédition est emballée avec de la glace sèche (ou Carboglace), scellée et livrée à la pièce de réception des marchandises (aliments/linge) du LRL. Tous les produits arrivent à température zéro. À leur réception, les plats sont vérifiés par le diététicien en chef de la NASA et entrent dans le LRL par une série de sas, garantissant ainsi le respect des conditions de quarantaine. Les plats sont accompagnés d'instructions spécifiques de Stouffer's pour le temps de chauffage et la température nécessaires à leur préparation.



Vidéo (à partir de 4:50) concernant l'alimentation des astronautes au sein du LRL


La zone de stockage du vaisseau spatial

Il n'est pas prévu de décontaminer le vaisseau spatial, sauf si des anomalies surviennent au cours de la mission qui peuvent indiquer la nécessité d'une libération anticipée du vaisseau. Toutefois, des dispositions sont prises pour sa décontamination si nécessaire.
Avant l'installation de la barrière biologique (panneaux de porte) sur le CM, l'extérieur est photographié et des préparatifs sont effectués pour connecter l'équipement de décontamination. Ces activités sont réalisées par des personnes hors quarantaine, n'ayant pas eu de contact avec des systèmes "contaminés". Ces personnes quittent ensuite la salle où se trouve le vaisseau spatial, et les barrières biologiques sont installées.

Cette salle contient tout le matériel nécessaire à la décontamination du CM. On y trouve également des lignes de communications et une télévision en circuit fermé pour surveiller et soutenir les activités de nettoyage et de décontamination. Le personnel de la zone de réception de l'équipage est formé à l’ouverture de l'écoutille ("la trappe") du CM et au retrait du matériel rangé dans des sacs doubles, notamment les cartouches d’hydroxyde de lithium, les sacs à matières fécales, les sacs de nourriture et les combinaisons spatiales. Le personnel travaillant à l’intérieur du CM retire ses couvre-chaussures à sa sortie. Toutes les personnes reviennent ensuite au CRA et prennent une douche. Ainsi, la probabilité de contamination de la zone de réception de l’équipage et de la pièce des combinaisons spatiale est minime.

La décontamination au formaldéhyde gazeux de la cabine et du circuit des combinaisons est réalisée sans réouverture de l'écoutille. Après une période minimale de 24 heures, l'écoutille est ouverte et la cabine est ventilée via le système de climatisation de la pièce. Les systèmes de gestion de l'eau et des déchets sont également décontaminés avec une solution aqueuse de formaldéhyde (formol) pendant 24 heures. Des bandes de spores sont placées à des emplacements aléatoires dans le CM pour vérifier l'efficacité de la décontamination.



Extrait Vidéo concernant la description du LRL


Le saviez vous?? : Après le départ des astronautes du Hornet à Pearl Harbor, les ouvriers ont utilisé une grue pour soulever Columbia du pont d'envol du porte-avions jusqu'au quai, puis l'ont remorqué jusqu'à un hangar d'aviation sur Ford Island, choisi en raison de son éloignement, car le vaisseau spatial contenait encore des propergols toxiques que les techniciens ont drainés pour sécuriser le véhicule. Afin de préserver les protocoles de rétrocontamination, l'écoutille de Columbia est restée scellée depuis que le tunnel flexible la reliant au MQF a été retiré. La NASA a livré le CM d'Apollo 11 au LRL à 18 heures le 30 juillet 1969, où il a été placé dans la salle de stockage du vaisseau spatial. Bien que l'équipage ait exécuté les procédures de nettoyage du CM pendant la mission, la NASA considérait toujours que le module était potentiellement contaminé et l'a donc soumis à une quarantaine et à une décontamination.
L'objectif était de libérer le CM avec l'équipage de vol au 21ème jour de quarantaine et de renvoyer le module à l'entrepreneur, North American Aviation. Cela permettrait à l'entreprise d'effectuer des essais après le vol suffisamment tôt pour utiliser ses données en vue de la prochaine mission Apollo. Le personnel du LRL a d'abord procédé à une inspection extérieure détaillée de l'engin, y compris une couverture photographique, et a retiré les panneaux d'accès à l'intérieur. Un ingénieur de récupération est entré dans le CM et a retiré et mis en sac tous les équipements rangés, y compris les vêtements et les combinaisons, qui devaient être mis en quarantaine avec les astronautes et les échantillons lunaires. Le personnel du LRL a fini de retirer l'équipement du vaisseau spatial le 2 août 1969. Le lendemain, l'ingénieur chargé de la récupération a terminé les préparatifs de décontamination du système de gestion de l'eau et des déchets de l'engin en branchant des lignes dans lesquelles circulerait une solution de formol contenant 40 % de formaldéhyde, qui resterait dans le système pendant 24 heures. L'ingénieur a également ouvert tous les compartiments de la capsule et les a nettoyés avec un désinfectant. Le personnel du LRL a ensuite chauffé l'intérieur du module à 43°C (110° F), l'a mis sous pression à 8,5 psi et l'a rempli de formaldéhyde gazeux pendant 24 heures. Comme l'équipe de récupération qui a effectué la décontamination aurait pu être contaminée elle-même, elle a dû être mise en quarantaine par la suite.



ZONE DES OPÉRATIONS SUR LES ÉCHANTILLONS



COMPLEXE À VIDE POUSSÉ

Le plan de récupération d'échantillons lunaires prévoit une isolation complète de ceux-ci. Cette isolation vise à garantir une protection bidirectionnelle : à la fois pour protéger la biosphère terrestre contre l'exposition au matériau lunaire et pour empêcher la rétrocontamination des échantillons par des organismes et des matériaux terrestres. À cette fin, un système élaboré a été conçu et construit pour les maintenir dans ces conditions optimales. La solution retenue est le complexe à vide poussé. Ce complexe est composé de plusieurs chambres en acier inoxydable reliées entre elles. Des pompes complexes évacuent tous les gaz à l'intérieur, créant un vide poussé aux alentours de 0,133 mN/m² (10-6 torr), conditions proches de celles de l'espace. Les systèmes ont été construits par Union Carbide, en collaboration avec les spécialistes de l'usine Y-12 du laboratoire national d'Oak Ridge, situé dans le Tennessee, une installation gouvernementale principalement connue pour la fabrication de bombes nucléaires. Ils sont également responsables de la fabrication des ALSRC (Apollo Lunar Sample Return Containers), qui sont également traités dans ces installations. Le complexe de traitement des échantillons sous vide poussé comprend le système de décontamination atmosphérique, le système de transfert, les chambres de traitement des échantillons (la chambre à gants sous vide F-201 et la chambre à ultravide F-601), ainsi que les chambres de stockage des échantillons et des outils (carrousels).


Schéma contemporain du complexe à vide poussé. Le diagramme illustre deux complexes à vide poussé reliés par un sas de transfert (en jaune). Comme l'indique la partie du diagramme en pointillé, une deuxième unité était prévue mais n'a pas été construite, pour des raisons budgétaires.

Vue de dessus du complexe à vide poussé en l'état

Anecdote : Un système de transfert à deux voies composé de sas et un système de transfert monorail actionnable de l'extérieur, est utilisé pour déplacer les échantillons stérilisés à l'intérieur du complexe à vide poussé. Cependant, ce système s'est révélé très capricieux, avec des articles se coinçant fréquemment dans la section de transfert. Il a été jugé trop complexe pour l'objectif visé, mais les ingénieurs manquaient de temps et de ressources pour le modifier. La principale cause de cette complexité inutile résidait dans le fait qu'il avait été initialement prévu que l'unique armoire du sas de décontamination desserve deux complexes à vide poussé séparés par la section de transfert. Une réduction budgétaire a supprimé le deuxième complexe à vide poussé, ne laissant qu'un seul complexe avec le système de transfert "défaillant".

Les échantillons sont introduits, pesés, stérilisés et ouverts dans une boite à gants (glove box) sous vide où le contenu des gaz résiduels est analysé. Après examen microscopique préliminaire, les échantillons sont photographiés et reconditionnés pour le transfert sous vide vers les laboratoires d'analyse des gaz, de préparation des produits biologiques, de tests physico-chimiques, ainsi que vers le laboratoire de comptage du rayonnement. Les échantillons sous vide sont transférés à l'aide de boite soudées par contact en aluminium et en cuivre. Dans un environnement atmosphérique, ils sont transférés dans des flacons en polyéthylène ou des sacs en téflon thermoscellés. La majeure partie de l'échantillon reste au laboratoire sous vide où sont effectuées les expérimentations : monopôle magnétique et réflectance. Les activités de test sont suivies sur la télévision en circuit fermé par des observateurs non présents physiquement dans le laboratoire. Les enceintes de confinement sous vide du laboratoire utilisent des gants de protection pour permettre la manipulation de l'échantillon dans un vide de 10-6 Torr. Dans les chambres où règne un vide poussé (évalué à 10⁻¹¹ Torr), des manipulateurs mécaniques sont utilisés pour traiter les échantillons lunaires spéciaux. Le transfert des matériaux se fait par des sas à vide. Les échantillons sont stockés dans les carrousels sous vide pendant de longues périodes. Ce laboratoire prépare les conteneurs de retour d'échantillons lunaires avant le vol, afin de garantir un minimum de contamination terrestre sur l'intérieur étanche, qui ne sera ouvert à l'environnement lunaire qu'après préparation.


Le système de décontamination atmosphérique

Le système de décontamination atmosphérique, composé de cinq armoires atmosphériques, est utilisé pour la décontamination biologique des articles entrant et sortant du complexe sous vide.

Petit encart..

La principale exigence en matière de quarantaine est la mise en quarantaine le matériau lunaire dans le complexe sous vide pendant d'environ 60 jours, période durant laquelle des portions sélectionnées sont testées pour détecter des substances potentiellement nocives pour la vie animale ou végétale. Les résultats de ces tests sont également cruciaux pour justifier la fin de la quarantaine de trois semaines imposée aux astronautes. Le complexe de traitement sous vide poussé est idéalement adapté aux opérations de quarantaine, car il fonctionne à une pression inférieure à celle de l'atmosphère. Ainsi, toute fuite entraîne un transfert de matière vers le système et non vers l'extérieur. Toutefois, l'exigence de tester l'échantillon lunaire pour la présence de vie biologique nécessite que les systèmes sous vide soient stériles à la réception du matériau lunaire. Pour être compatible avec l'environnement sous vide et les exigences scientifiques, la stérilisation par la chaleur a été choisie comme méthode privilégiée pour le système sous vide, car d'autres types de stérilisation, tels que le formaldéhyde ou l'oxyde d'éthylène, risqueraient de laisser des résidus contaminant l'échantillon et réduisant la pression de fonctionnement du vide. La stérilisation par la chaleur et par acide peracétique sont utilisées dans les armoires de décontamination atmosphérique du complexe. Ces armoires assurent la stérilisation biocide de tous les articles entrant et sortant des chambres à vide. Les surfaces extérieures des conteneurs scellés contenant des échantillons transférés hors ou retournés dans les chambres à vide sont stérilisées par pulvérisation d'acide peracétique dans l'armoire R-102. Après un temps de trempage de 30 min, l'acide peracétique est éliminé par une pulvérisation d'eau stérile et un cycle de séchage est lancé. Cette procédure permet de transférer les échantillons vers d'autres enceintes de confinement dans différentes zones du laboratoire sans exposer l'échantillon aux températures élevées nécessaires à la stérilisation par la chaleur. Les outils ou récipients supplémentaires qui doivent être transférés dans la chambre de traitement sous vide sont stérilisés à une température minimale de 433 K (160° C) pendant 4 heures dans le four B-302.

Les armoires de décontamination atmosphérique (R-102, R-I03 et R-302) sont stérilisées par trempage dans de l'acide peracétique avant la réception des échantillons lunaires. Avant cette réception, l'intérieur des chambres à vide et des collecteurs sont stérilisés en maintenant une température de surface minimale de 393 K (120° C) pendant 24 heures à des pressions de vide comprises entre 133 et 0,133 mN2 m (10-3 et 10-6 torr). Cette température est maintenue au moyen de réchauffeurs de surface extérieurs, de couvertures thermiques et de thermocouples.
Ces procédures limitent tout organisme lunaire potentiellement dangereux aux chambres de traitement sous vide, éliminent la migration d'organismes terrestres dans le complexe de chambres à vide (et empêchent ainsi de compromettre les tests de détection d'organismes lunaires dans les échantillons), et permettent le transfert des articles vers et depuis le complexe.

Les articles entrant ou sortant des chambres à vide du complexe peuvent passer par l'une des deux branches de décontamination. La branche de stérilisation par la chaleur, composée du four B-302 et de l'armoire de manipulation atmosphérique R-302, mène à la chambre de transfert sous vide F-302. La branche de stérilisation à l'acide peracétique, constituée de l'armoire à sas R-101, de l'armoire de stérilisation R-102 et de l'armoire de séchage R-103, conduit à la chambre de transfert sous vide F-123.

Toutes les armoires maintiennent un environnement azoté à une pression légèrement inférieure à la pression atmosphérique. Les fonctions spécifiques de chaque armoire sont les suivantes.
1) R-101 : sert de sas et fournit une purge d'azote.
2) R-102 : réalise la stérilisation des surfaces par trempage dans l'acide peracétique, suivi d'un rinçage à l'eau stérile par pulvérisation.
3) R-103 : offre une purge d'azote gazeux chaud pour sécher les articles avant leur entrée dans la chambre à vide F-123.
4) B-302 : atteint des températures de stérilisation allant jusqu'à 433 K (160 °C).
5) R-302 (armoire de manutention stérilisée) : facilite le transfert des articles entre la chambre à vide F-302 et le four B-302.


Chambre à gants sous vide F-201

Le complexe à vide poussé est une pièce d'équipement très complexe, à la pointe de la technologie. Au cœur de ce système se trouve la chambre à gants F-201, où se déroule la majorité des travaux de préparation et d'investigation des échantillons.
La chambre à gants sous vide F-201 permet la manipulation des éléments traités à l'aide de bras et de gants. De plus, elle est équipée pour réaliser des photographies des échantillons, des examens microscopiques, des transferts, des déterminations de masse et des analyses des gaz. Elle présente une forme approximativement pentagonale, dont quatre côtés sont reliés à d'autres chambres à vide. Elle mesure 74 cm (29 in) de hauteur, 147 cm (58 in) de largeur et 140 cm (55 in) de profondeur. Construite en acier inoxydable de la série 300, elle est isolée du sas de transfert F-202 par une vanne d'arrêt de 40,64 cm (16 in), du sas de transfert F-203 par une vanne de 30,48 cm (12 in), et du sas de transfert F-205 par une vanne de 10,16 cm (4 in) de vide très poussé. La chambre est également reliée à un carrousel d'outils F-206.
Elle comporte six ports de visées photographiques de 20,3 cm (8 in), d'un port d'observation pour télévision en circuit fermé de 12,7 cm (5 in) et deux hublots d'observation de 12,7 cm (5 in). Il existe également un port pour microscope de 21,6 cm (8,5 in) et deux orifices de 1,27 cm (0,5 in) pour la fixation d'un système d'analyse des gaz. Les principaux composants de la chambre à gants sous vide sont les ensembles bras et gants, un système de pesage, une caméra, un microscope de contrôle, ainsi qu'une console de commande.

L'ensemble des gants se compose d'un bras droit et d'un bras gauche, ainsi que d'unités de gants fabriquées en acier inoxydable et doublées de polyuréthane. Les unités bras-gant sont dotées d'articulations mobiles permettant un minimum d'effort de la part de l'opérateur. Le pouce, les doigts et une partie de la main du gant sont fabriqués en nylon, tandis que le bout des doigts est imprégné de polyuréthane. Chaque unité bras-gant est recouverte d'un surgant en Viton A (caoutchouc synthétique fluoré) qui est fixé à la paroi intérieure de la chambre à gants F-201. Les bras du gant intérieur sont fixés à une bride de 26,6 cm (10,5 inch) de diamètre sur la chambre. La bride de montage est scellée par un joint torique en Viton A. L'espace interstitiel entre le gant de pression et le surgant en Viton est évacué à travers les parois internes et externes de la chambre par la pompe turbo moléculaire J-201. La faible pression retarde les fuites à travers les gants dans la chambre et empêche également le "gonflement" du surgant en Viton lorsque celle-ci est à une pression de 0,133 mN/m² (10-6 torr). L'assemblage de gants résiste à une pression différentielle de 101,35 kN/ m² (14,7 psi) avec un taux de fuite inférieur à 50 cm3/ min pour chaque bras et unité de gants. Tous les composants de l'assemblage de gants sont compatibles avec un environnement sous vide jusqu'à une pression de 13,3 µN/m² (10-7 torr). L'évacuation de l'espace interstitiel est simultanée à l'évacuation de la chambre.


Les gants de chambre sous vide F-201

Le système de pesage de la chambre est utilisé pour des articles allant de 0 à 10 kg. Il est situé dans la partie supérieure gauche de la chambre. Toutes les surfaces en contact avec le vide sont fabriquées en acier inoxydable. Le système de pesée comprend un capteur de force multigamme, un instrument de lecture et les commandes associées. L'opérateur utilise la station de contrôle de la caméra pour positionner l'élévateur de l'échantillon lunaire et réaliser des prises de vue latérales de celui-ci. La plate-forme de la station de contrôle située au-dessus de la chambre abrite des caméras, des projecteurs de lumière et les commandes de l'élévateur.


Photo de la console de contrôle du complexe à vide poussé (crédit photo NASA)


Chambres de transfert sous vide

Le système de transfert sous vide comprend la chambre d'égalisation de pression F-123 et les chambres de transfert F-202, F-302 et F-203. Son objectif est de faciliter le transfert des échantillons entre les armoires de décontamination atmosphérique et la chambre à gants sous vide F-201, et entre la chambre à gants F-201 et le carrousel de stockage des échantillons. Le transfert s'effectue à l'aide d'un système monorail extenseur monté en surface, configuré en forme de T inversé et fabriqué en acier inoxydable de série 300. Ce système comprend un pignon d'extension (commandé par le volant monté à l'extérieur) et un ensemble de poussoirs d'extenseurs. L'ensemble poussoir est constitué d'une barre en Téflon de 182,8 à 243,8 cm (72 à 96 in) de long avec une section transversale de 0,95 sur 0,95 cm (0,375 sur 0,375 in) et d'une tige de verrouillage en acier inoxydable. Pour transférer des articles entre deux chambres, l'ensemble poussoir extenseur est actionné en tournant le volant extérieur, dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens inverse. La tige de verrouillage permet de tirer ou de pousser le panier à échantillons entre les deux chambres.

La chambre d'égalisation de pression F-123 est une chambre intermédiaire, ou de transit, permettant le transfert d'articles entre les armoires de décontamination à pression ambiante et le sas de transfert F-202 ou F-302, tout en maintenant une pression de 0,133 mN/ m² (10-6 torr). Construite en acier inoxydable 304, elle à un diamètre de 66,04 cm (26 in) et une longueur de 81,2 cm (32 in) Elle comporte trois vannes de 40,6 cm (16 in) permettant de la relier à l'armoire de décontamination R-103, à la chambre F-202 et à la chambre F-302. Le monorail F-123 peut être tourné pour être transféré vers ou depuis les enceintes de décontamination atmosphérique, la chambre F-202 ou la chambre F-302.

La chambre de transfert F-202 sert à transférer des articles entre la chambre d'égalisation des pressions F-123 et la chambre à gants F-201 tout en maintenant les pressions de fonctionnement. Il s'agit d'une chambre à vide en acier inoxydable 304, mesurant 40,64 cm (16 in) de diamètre et 96,52 cm (38 in) de longueur. Elle est équipée d'une pompe sublimatrice en titane, d'une pompe ionique de 1200 l/s, ainsi que d'un système monorail-extenseur pour le déplacement des articles entre les chambres F-123 et F-201. La chambre de transfert F-302 est une chambre de stockage intermédiaire, située entre l'armoire de décontamination atmosphérique R-302 et la chambre d'égalisation de pression F-123. Elle est utilisée pour les ALSRC et autres conteneurs d'échantillons. Placée sur le côté opposé de F-123 par rapport à F-202, la chambre F-302 est identique en taille et en fonction à la chambre F-202. Elle assure également une fonction de station de pompage de secours pour le complexe de traitement des échantillons. La chambre de transfert F-203, quant à elle, mesure 30,48 cm (12 in) de diamètre et 53,34 cm (21 in) de longueur. Il s'agit d'un cylindre en acier inoxydable, équipé d'une pompe à ions de 200 l/s, d'un orifice de pompage, et de vannes d'isolement de 30,48 cm (12 in). cette chambre permet le transfert d'articles entre la boîte à gants F-201 et le carrousel F-207, sans modifier la pression de travail des deux compartiments. En outre, la chambre F-203 permet de remplacer le carrousel d'échantillons tout en assurant une isolation et une stérilisation.

Chambres de stockage sous vide

Le système de stockage associé à la chambre à gants sous vide F-201 comprend le carrousel d'échantillons mobile F-207 et le carrousel d'outils F-206. Le carrousel d'échantillons F-207 est relié à la chambre F-201 par l'intermédiaire du sas de transfert F-203. Il est constitué d'un réservoir en acier inoxydable mesurant 91,4 cm de hauteur et 101,6 cm de diamètre, d'une pompe ionique de 200 l/s, d'une base de chariot à hauteur réglable, d'un sous-ensemble d'entraînement de l'élévateur et d'un sous-ensemble "araignée". La base du chariot repose sur quatre roulettes et est équipée d'un volant actionnant quatre vis sans fin, permettant de lever ou abaisser le réservoir du carrousel lors de son montage sur la chambre F-203. La pompe ionique maintient le vide à l'intérieur du réservoir lorsque celui-ci est déconnecté du reste du complexe à vide. Ce système permet de retirer un carrousel lorsque sa capacité de stockage est atteinte et de le remplacer par un autre préalablement mis sous vide. Les conteneurs d'échantillons et les chariots sont stockés sur le sous-ensemble "araignée" et positionnés par le mécanisme élévateur-moteur. "L'araignée" est constituée de deux niveaux comportant chacun 12 monorails. Ceux-ci sont fixés à l'axe central de "l'araignée" et servent de supports de stockage pour les chariots d'échantillons. Pour faciliter le transfert des échantillons, le niveau souhaité est d'abord positionné verticalement afin d'aligner l'entrée de la chambre, puis pivoté jusqu'à la position du monorail désigné. Les 24 positions des monorails sont sélectionnées et commandées électriquement depuis la console de commande principale par l'intermédiaire du mécanisme d'entraînement de l'élévateur. Le carrousel F-206 sert au stockage des outils tout en maintenant ceux-ci sous vide à une pression de 0,133-mN/ m² (10-6 torr). Le carrousel d'outils est fixé à la chambre à gants F-201. Il est similaire au carrousel à échantillons, à la différence qu'il est stationnaire et connecté au collecteur de vide de la chambre à gants F-201.



Laboratoire de tests physico-chimiques : les échantillons sont analysés afin d'évaluer leurs réactions aux gaz atmosphériques et à la vapeur d'eau. Des études approfondies de leurs propriétés minéralogiques, pétrologiques, géochimiques et physiques sont réalisées.
Parmi les techniques d'analyse employées figurent la diffraction et fluorescence des rayons X ainsi que les spectrographes d'émission optique. Le laboratoire contient une chambre noire pour le traitement des films photographiques et plaques spectrographiques.
Les laboratoires annexes (sub-laboratories) sont de deux types : le laboratoire "Thin-section" qui réalise des découpes mécaniques d'échantillons en vue de leur analyse. Le laboratoire de séparation minérale, qui extrait des minéraux identifiés en vue d'une analyse spécialisée. Ces deux laboratoires annexes interviennent uniquement sur des échantillons ayant terminé leur période de quarantaine.


Un des laboratoires de biochimie (crédit photo NASA)

Laboratoire de tests biologiques : Les échantillons lunaires sont soumis à des tests visant à détecter la présence éventuelle d'organismes capables de se répliquer. Ce laboratoire analyse un échantillon spécifique de matériau lunaire, appelé Bio-Prime, afin de formuler une recommandation sur la levée ou la prolongation de la quarantaine. Des animaux axéniques (souris) et des plantes sont exposés au matériau lunaire pour observer d'éventuelles interactions biologiques. Le laboratoire de test biologique est divisé en plusieurs sections spécialisées : bioprep, bioanalyse, axénie, histologie, animaux normaux (amphibiens et invertébrés), incubation, culture anaérobie et de tissus, microbiologie de l'équipage, botanique.
En cas de présence de matériel pathogène, celui-ci peut être transféré à travers la barrière biologique secondaire vers des enceintes de confinement "Classe III" via les autoclaves. Ces enceintes sont conçues pour manipuler des agents pathogènes dangereux tout en garantissant l'absence d'exposition pour le personnel.

Laboratoire d'analyse des gaz : ce laboratoire est dédié à la mesure des quantités et des types de gaz libérés par les échantillons lunaires. Il permet d'identifier tout gaz rare, inorganique ou faiblement lié, ainsi que d'éventuels composés organiques volatils présents dans les échantillons.

Laboratoire d'analyse radiologique : Le RCL (Radiation Countinq Laboratory) est l'installation la plus avancée au monde dans le comptage du rayonnement de faible intensité. Il est situé à 15 m (50 ft) sous le niveau du rez-de-chaussée du Lunar Receiving Laboratory (LRL) afin de le protéger du bruit de fond radiatif généré par la radioactivité naturelle de la croûte terrestre. Le cœur du RCL est une chambre forte, alimentée en air exempt de radon grâce à des unités de traitement d'air indépendantes équipées de filtre air/radon. Elle est entourée de murs en dunite compactée et concassée de 0,9 m d'épaisseur, gainée à l'intérieur d'un revêtement en acier inoxydable soudé. L'accès à la chambre forte s'effectue via un sas labyrinthique, et tous les matériaux intérieurs ont été sélectionnés pour leur très faible contamination radioactive. Cet environnement permet de détecter avec une grande précision même les plus infimes traces de radioactivité dans les échantillons lunaires. Le laboratoire réalise des mesures de la radioactivité naturelle des échantillons, notamment celle induite par les rayons cosmiques. Les analyses s’appuient sur des techniques avancées de spectrométrie gamma, permettant une étude non invasive des isotopes présents. Une attention particulière est accordée à la détection de la radioactivité éphémère induite par les rayons cosmiques, notamment pour mesurer l’activité du potassium, de l’uranium et du thorium dans les échantillons. Certaines radioactivités, liées à des isotopes à courte demi-vie, doivent impérativement être mesurées avant la fin de la quarantaine, faute de quoi les données seraient irrémédiablement perdues. Bien que l'activité radioactive globale des échantillons lunaires soit attendue comme faible, des mesures extrêmement sensibles, réalisées dans un environnement à bruit de fond minimal, sont nécessaires pour en établir une évaluation précise.





Sources, documents PDF : SP-368 Biomedical Results of Apollo, Lunar Receiving Laboratory Project History, Moon trip part. III : Lunar Receiving Laboratory, When Biospheres Collide By Michael Meltzer, Isolation/quarantine foods for Apollo 11 from Stouffer's, textes traduis de l'Anglais par Paul Cultrera, tous droits réservés.