LE DPS, SYSTÈME DE PROPULSION DE DESCENTE (Descent Propulsion System)


Le sous-système de propulsion principal (Main Propulsion Subsystem ou MPS) se compose de deux sections de propulsion distinctes, complètes et indépendantes : la section de propulsion de descente (DPS pour Descent Propulsion System) et la section de propulsion de montée.

Afin de faire atterrir des astronautes sur la Lune, le LM doit descendre d'une orbite lunaire jusqu'à une position de vol stationnaire au-dessus de la surface de la Lune, choisir un site et descendre jusqu'à un atterrissage en douceur. Ces exigences de propulsion ont été traduites par TRW Systems en un moteur de descente du module lunaire (Lunar Module Descent Engine ou LMDE).

Le DPS fourni le changement de vitesse (ΔV ou Delta-v) nécessaire pour transférer le LM de l'orbite lunaire à l'orbite de descente et pour la descente motorisée vers un atterrissage lunaire. Le DPS était initialement prévu pour supporter un LM d'une masse d'environ 11 800 kg (26 000 lb) et un ΔV d'environ 6 000 fps. Plus tard, lorsque le LM a été mieux défini, sa masse a augmentée à plus de 16 329 kg (36 000 lb) et l'impulsion requise à un ΔV de 7 000 fps pour l'atterrissage. Tout cela devait être accompli après que le DPS ait été en veille depuis le lancement jusqu'à l'orbite lunaire (environ 100 heures). Lorsque le DPS a été réveillé, il a exécuté une mise à feu pour réaliser un transfert de Hohmann d'une orbite lunaire circulaire de 111 km (60 NM) à une orbite de descente elliptique de 111 km (60 NM) par 15 200 m (50 000 ft), et une mise à feu de descente motorisée de 15 200 m (50 000 ft) jusqu'à un atterrissage sur la surface lunaire. La descente motorisée nécessite l'accélération du moteur et la vectorisation de la poussée. La phase de vol stationnaire comprend les derniers 300 m (1000 ft) de descente vers la surface lunaire. Le DPS permet également d'interrompre la mission si le SPS devenait inopérant pendant le trajet translunaire, l'insertion sur l'orbite lunaire ou le début de l'orbite lunaire. La mission devant être habitée, une très grande fiabilité du système est une autre exigence de conception. Pour atteindre tous ces objectifs, le DPS a été conçu avec un système de propulsion à ergols stockables alimenté par pression et utilisant un moteur refroidi par ablation.

Le DPS fonctionne de concert avec le RCS du LM, dont la propulsion permet des manœuvres d'attitude et de translation précises. Si la descente est interrompue, le moteur de montée ou de descente peut retourner sur une orbite de rendez-vous avec le CSM. Le choix des moteurs dépend de la cause de l'interruption, du carburant restant dans l'étage de descente et de la durée de fonctionnement du moteur de descente.

Le système de propulsion de descente de l'étage inférieur du LM est constitué de deux réservoirs d'hélium (1 réservoir de stockage cryogénique et 1 réservoir de stockage à pression ambiante), les composants de pressurisation associés, 2 réservoirs de carburant et 2 réservoirs de comburant, leurs conduites d'alimentation respectives, ainsi que du moteur de descente.



Le LMDE (pour Lunar Module Descent Engine) est un ensemble compact pesant 179 kg, avec une longueur de 230 cm et un diamètre de 150 cm. Il s'interconnecte avec le LM grâce à un cardan rectangulaire qui assure la vectorisation de la poussée en tangage et en lacet. L'interface avec le LM est établie par deux tourillons traversant le cardan, ce qui permet d'obtenir une capacité de cardan de 6° dans les deux directions latérales. Les propergols sont acheminés au LMDE grâce à deux conduites d'admission en acier inoxydable équipées d'un simple joint d'interface à bride boulonnée. Les 6° de mouvement de cardan sont accueillis dans les conduites d'admission grâce à une paire de soufflets souples qui sont soudés dans les lignes à leur croisée avec les axes du cardan.
Les ergols s'écoulent des conduites à travers des vannes de régulation de débit Venturi cavitantes jusqu'aux vannes d'arrêt à bille quadruple redondantes. À partir de la vanne d'arrêt, le combustible pénètre dans le collecteur de tête. La majeure partie du carburant est injectée axialement dans la chambre de combustion par l'orifice annulaire de l'injecteur concentrique à surface variable, tandis que le reste est distribué dans les 36 orifices de l'anneau de refroidissement où il est injecté le long de la paroi de la chambre. Ce procédé coûte environ 1,5 % en termes de performances, mais permet au moteur de fonctionner pendant 1 000 secondes, ce qui est très long. L'oxydant pénètre au centre de l'injecteur, s'écoule vers le bas et est dirigé dans la chambre de combustion radialement par les orifices à surface variable dans un disque horizontal composé de 36 jets qui frappent la nappe de carburant conique et s'enflamment avec elle.


Vue en coupe du LMDE

Le contrôle de la poussée s'effectue en ajustant les débits de ergols et en variant la surface des orifices d'injection afin de maintenir des vitesses presque uniformes. Les signaux de commande électriques provenant du LM sont reçus par l'actionneur électromécanique de l'accélérateur, qui convertit le signal en une position linéaire du vérin à vis de l'actionneur. Une traverse est fixée au sommet du vérin à vis. Le côté droit de la traverse est relié directement à la vanne de régulation du débit d'oxydant par l'intermédiaire d'un élément de flexion. Le côté gauche de la traverse est relié à la vanne de régulation du débit de carburant par l'intermédiaire de la tringlerie de réglage du rapport de mélange, établissant le mouvement souhaité de la vanne de régulation du débit de carburant par rapport au mouvement de la vanne de régulation du débit d'oxydant. Cela permet ainsi d'obtenir le rapport de mélange requis entre les ergols. Cette liaison permet d'ajuster le rapport de mélange pendant les tests de réception du moteur. Également fixée au bras transversal au moyen de deux flexions, une poutre mobile, pivotée sur le collecteur, transmet le mouvement de l'actionneur du papillon des gaz à l'injecteur. Le mouvement du manchon mobile de l'injecteur modifie simultanément l'ouverture de l'orifice du carburant et la taille des orifices des sorties de l'oxydant. Le collecteur, qui fournit les points de montage du mécanisme d'accélération, est le réseau de distribution des ergols et la fermeture de la chambre de combustion. Une coque en titane soudée et boulonnée au collecteur constitue l'élément structurel de la chambre de combustion et du col du moteur. Le revêtement ablatif en fibre de verre phénolique constitue la barrière thermique entre les propergols en combustion et l'enveloppe structurelle.
Des fixations sont prévues dans la zone du col pour l'assemblage du cardan. La chambre et le revêtement ablatif s'étendent jusqu'au point de rapport de surface de 16:1 où un joint à bride permet de fixer l'extension de la tuyère. L'extension de la tuyère est un cône en forme de cloche, refroidi par rayonnement, avec une jupe écrasable. Elle est fabriquée en columbium avec un revêtement d'aluminure qui permet l'expansion des gaz depuis le rapport de surface de 16:1 à l'entrée de la chambre de combustion jusqu'à la sortie avec un rapport de surface de 47,5:1.

 

Ce moteur reçoit une alimentation primaire de 28 volts d-c (direct current pour courant continu) et de 115 volts a-c (alternating current pour courant alternatif) par l'intermédiaire des bus du commandant et du pilote LM du sous-système d'alimentation électrique (Electrical Power Subsystem ou EPS). Les sorties des transducteurs de pression et de température du DPS et des capteurs de niveau de liquide sont traitées dans le sous-système d'instrumentation (Instrumentation Subsystem ou IS) et transmises au MSFN via le sous-système de communication (Communications Subsystem ou CS) : l'IS traite également les signaux d'avertissement et d'affichage du DPS. Le sous-système des dispositifs explosifs (EDS) ouvre les vannes explosives du DPS pour permettre la pressurisation et la purge du réservoir d'ergol.

En mode automatique, le LGC génère des commandes de régulation des gaz (contrôle de la poussée) du moteur de descente, qui sont acheminées vers le moteur de descente via le DECA (Descent Engine Control Assembly). L'astronaute peut également contrôler manuellement la régulation des gaz du moteur de descente avec son TTCA (Thrust/Translation Controller Assembly). Le DECA additionne les commandes de régulation des gaz du TTCA avec celles du LGC et applique le signal résultant au moteur de descente.. Les limites de la plage d'accélération vont de la poussée minimale (environ 10 % de 4762,7 kg ou 10 500 lb) à environ 65 % et au plein régime (environ 92,5 %). La plage entre 65 % et 92,5 % est une zone transitoire qui ne peut pas être utilisée pendant de longues périodes car une érosion excessive du moteur se produit dans cette zone. Dans des conditions normales, le moteur ne peut pas être utilisé dans la zone transitoire parce que les commandes automatiques de l'accélérateur au-dessus de 65% produisent automatiquement une sortie plein gaz. Le moteur de descente reçoit les commandes de marche et d'arrêt, les commandes de gaz et les commandes de compensation du DECA. Les commandes de la séquence d'allumage du moteur de descente sont générées automatiquement ou manuellement d'une manière similaire à celle du moteur de montée.



Le cardan du moteur

Le cardan est un cadre rectangulaire composé de quatre poutres avec une section en I modifiée, usinée dans un alliage d'aluminium 7075-T73. Les brides des poutres sont coniques en épaisseur et en forme pour réduire la masse. Un tourillon est fixé au centre de chaque poutre par l'intermédiaire d'un roulement sphérique Fabroid. Une paire de tourillons est fixée à la chambre de poussée du moteur et l'autre paire est fixée à la poutrelle de support du LM.


Le cardan rectangulaire du LMDE

Les actionneurs de commande de cardan, sous le contrôle de l'ensemble de commande du moteur de descente, inclinent le moteur de descente dans l'anneau du cardan le long des axes de tangage et de roulis de sorte que le vecteur de poussée du moteur passe par le centre de gravité du LM. Un actionneur contrôle le cardan de tangage et l'autre, le cardan de roulis. Les vérins d'entraînement du cardan, construits par Airesearch Mfg. Company de Los Angeles (Californie), se composent d'un moteur monophasé, d'un potentiomètre de rétroaction et de dispositifs mécaniques associés. Ils s'étendent ou se rétractent de 5,58 cm (2 in) à partir de la position centrale pour incliner le moteur de descente de ± 6° sur l'axe Y et l'axe Z.


Représentation d'un actionneur


La chambre de combustion

La chambre de combustion est constituée d'un boîtier en alliage de titane à revêtement ablatif avec un rapport de surface de 16:1. La fabrication du boîtier en alliage de titane 6Al-4V est réalisée en usinant la partie chambre et la partie cône de sortie à partir de pièces forgées et en les soudant en une seule unité au niveau de l'axe central de la gorge. L'épaisseur de l'enveloppe est uniformément de 0,8 mm (0,035 in), sauf à l'extrémité supérieure où la tête est boulonnée, au niveau du joint de soudure et au niveau de la bride inférieure où se fixe l'extension de buse. De part et d'autre de la gorge, une paire de brides intégrées au boîtier permet de fixer des anneaux d'aluminium profilé en Z (de chaque côté de la plaquette de présentation du moteur sur la photo ci-dessous). Ces anneaux forment les éléments structurels pour la fixation des tourillons du cardan. La chambre en titane étant d'une seule pièce, le revêtement ablatif a été fabriqué en deux parties et installé par l'une ou l'autre extrémité. Un raccord métallique verrouille de manière positive les deux moitiés de la chemise ensemble lors de leur installation. Ce verrouillage est superflu puisque la forme de l'extension de la buse est telle que la chemise ablative est retenue dans le cône de sortie pendant le transport, le lancement et la poussée. Pendant le tir du moteur, les charges de poussée forçent la chemise du cône de sortie contre le boîtier. L'ensemble tête-extrémité en titane est fixé à la chambre de combustion avec 36 boulons en acier A-286 de 6,3 mm (0,250 in). Ce joint transfére également les moments autour de l'angle, assurant ainsi la continuité de l'enceinte sous pression. Afin de maintenir les températures maximales de fonctionnement de la chambre en titane aux alentours de 426° C (800°F), le revêtement ablatif est conçu comme un matériau composite offrant un dissipateur thermique maximal pour une masse minimale. La configuration choisie consiste en un tissu de silice/phénolique de haute densité et résistant à l'érosion, entouré d'un matelas isolant de silice/phénolique aiguilleté et léger.


Vue en coupe de la chambre de combustion du moteur de descente

L'extension de la tuyère refroidie par rayonnement est fixée au boîtier de la chambre de combustion à l'emplacement du rapport de surface de 16:1 et étendue jusqu'au rapport de surface de sortie de 47,5:1. L'alliage de colombium C-103 (aujourd'hui appelé le niobium ou Nb) a été choisi comme matériau pour l'extension de la tuyère en raison de ses propriétés structurelles à haute température (1482°C ou 2 700°F). Un revêtement d'aluminure permet d'obtenir une résistance à l'oxydation et une émissivité élevée. La société Wah Chang fourni la buse très fine en columbium et les revêtements. L'extension de la tuyère est renforcée par un anneau plat unique qui l'aide à conserver sa forme. Elle est très fine afin que si le LM atterri sur un terrain meuble ou accidenté, la tuyère peut s'écraser d'environ 70 cm à la vitesse de chute maximale, au lieu de provoquer une culbute du LM. En plus de survivre aux environnements aérodynamiques, aux tirs et aux vibrations du lancement et de l'accélération, l'extension de la tuyère peut également s'effondrer sans perturber le LM s'il heurte une protubérance de la surface lunaire. La fabrication du prolongement de la tuyère fait appel à des tôles soudées en segments, dont l'épaisseur diminue vers le plan de sortie. Au niveau du plan de fixation de la chambre de combustion, l'épaisseur est de 1,52 mm (0,060 in), ce qui permet d'obtenir une surface rigide pour le joint entre la chambre de poussée et le prolongement de la tuyère. Une section de 22,8 cm (9 in), d'une épaisseur de 0,76 mm (0,030 in), est fixée à 7,6 cm (3 in) en dessous de la bride de fixation. Le segment suivant de 33 cm (13 in) a une épaisseur de 0,5 mm (0,020 in) et le dernier de 38 cm (15 in) a une épaisseur de 0,25 mm (0,010 in). Au niveau du plan de sortie, un anneau en titane en forme de I assure la rigidité pendant la manipulation, le lancement et l'accélération.



Limitations et restrictions opérationnelles du DPS

Les limitations et restrictions opérationnelles du DPS sont les suivantes :

- le train d'atterrissage doit être déployé avant la mise à feu du moteur de descente. S'il n'est pas déployé, le train d'atterrissage se trouvera sur la trajectoire du panache du moteur de descente et sera endommagé.

- avant le démarrage du moteur de descente, les propulseurs RCS de l'axe X doivent être allumés pour stabiliser les propergols en apesanteur. Des propergols non stabilisés ou insuffisamment stabilisés entraîneront des démarrages difficiles ou irréguliers qui pourraient conduire à une panne du moteur.

- les températures des ergols avant le démarrage du moteur en descente doivent être comprises entre 10° et 32,2 ° C (+50° et +90° F). Si les limites de température sont dépassées, la combustion irrégulière qui en résulte peut nuire aux performances des composants du moteur et les limites de pression de l'espace de tête (d'ullage) peuvent être dépassées.

- le moteur de descente ne doit pas être utilisé pendant des périodes prolongées dans la plage d'accélération allant de 65% à 92,5%. Dans cette plage, le fonctionnement des venturis cavitants des vannes de régulation de débit devient imprévisible et peut entraîner un mauvais rapport de mélange carburant/oxydant, ce qui se traduira par une érosion excessive du moteur et une combustion prématurée de la chambre de combustion.

- le DPS ne doit pas rester sous pression plus de 3,5 jours avant la fin prévue de son utilisation. Si cette limite est dépassée, les composants de la section de pressurisation risquent de ne pas fonctionner en raison de la nature corrosive des propergols.

- la chambre de combustion du moteur de descente ne doit pas être soumise à plus de 1100 s de fonctionnement. Si cette limite est dépassée, le moteur fonctionnera avec une chambre de combustion fortement carbonisée, ce qui pourrait entrainer une combustion complète.







Texte et schéma en français de Paul Cultrera, tout droits réservés. Sources : PDF "Apollo Operations Handbook Lunar Module LM 6 and subsequent volume 1 subsystems data" (juin 1969) ; "Lunar Module LM 10 through LM 14 Familiarization Manual" (novembre 1969); "Apollo Operations Handbook Lunar Module LM 10 and subsequent volume 1 subsystems data" (avril 1971) ; Mechanical Design of the LMDE.