MOTEURS RL10



Un peu d'histoire...


Dès 1903, Tsiolkovskiy, le pionnier russe des fusées, identifie l'hydrogène liquide comme un combustible potentiel pour les fusées. Plus tard, Goddard, Oberth et Theil envisagent également de l'utiliser. Dans tous les cas, ses inconvénients poussent les expérimentateurs à rechercher des combustibles plus faciles à utiliser. Le LH2 est difficile à produire, à transporter et à stocker. À -252,78° C (-423° F), il présente toutes sortes de nouveaux défis mécaniques pour les pompes, les vannes et la plomberie, et sa densité extrêmement faible pose des problèmes de stockage et de structure. Pourtant, son potentiel en tant que combustible puissant et efficace fait rêver les expérimentateurs.

En 1956, l'US Air Force s'intéresse aux avions de reconnaissance à haute vitesse et à haute altitude et crée le projet ultrasecret Suntan pour explorer ces possibilités. Parmi les technologies étudiées figure l'utilisation de l'hydrogène liquide comme carburant. Deux pôles d'expertise émergent, l'un dirigé par Abe Silverstein au laboratoire de recherche Lewis de la NACA et la société Pratt & Witney Aircraft, qui propose un turboréacteur modèle 304 alimenté au LH2. Le laboratoire Lewis s'occupe de la science de haut calibre et du développement des composants ; P&W développe de meilleurs moyens de pomper, de transporter et de stocker le LH2. P&W a construit et teste cinq moteurs Model 304, mais le projet Suntan est abandonné lorsque Lockheed propose un avion en titane encore plus rapide, qui allait devenir le SR-71.


Le turboréacteur 304 de Pratt & Witney

Au début de 1958, l'Advanced Research Projects Agency demande à P&W et à l'Air Force de développer un moteur-fusée utilisant la technologie du modèle 304. Deux moteurs de ce type, d'une puissance de 15 000 lbT chacun, doivent équiper l'étage supérieur Centaur de Convair ; c'est ainsi que né le RL10 (désignation LR115 de l'USAF). Bien que Pratt & Whitney (P&W) possède une grande expérience des turboréacteurs, il s'agit de son premier moteur-fusée. Le labo Lewis de la NASA aide P&W à entrer dans le monde des lanceurs spatiaux. La conception du RL10 commence en octobre 1958 et son premier tir intervient en juillet 1959. Il devient le premier moteur cryogénique au monde.



VUE D'ENSEMBLE

Le RL10 combine une chambre de poussée refroidie par régénération avec un système de flux du carburant alimenté par une turbopompe. Le LH2 pompé se vaporise tout en refroidissant la chambre de poussée pour produire du GH2, qui se dilate dans une turbine et entraîne les pompes à ergols qui injectent le LH2 et le LOX dans la chambre de combustion. C'est ce que l'on appelle le cycle d'expansion, qui, au début de son développement, était exclusif à P&W. Le LOX pompé est fourni directement à l'injecteur de propergol par l'intermédiaire d'une vanne d'utilisation du propergol (contrôle du rapport de mélange). Le LH2 est un carburant intéressant en raison de son excellente capacité d'absorption de la chaleur ; en combinaison avec le LOX, il a une impulsion spécifique élevée.

La quantité de GH2 contournant la turbine est régulée pour contrôler le débit de la pompe en fonction de la pression de la chambre de combustion. Un allumeur d'étincelles encastré dans la face de l'injecteur de propergol déclenche l'allumage de la chambre de combustion. Le démarrage et l'arrêt sont contrôlés par des vannes pneumatiques actionnées par de l'hélium pressurisé fourni par le véhicule, dont le débit est contrôlé par des signaux électriques envoyés à des électrovannes.



Spécifications :

Application : Saturn I Block II (second étage S-IV).
Premier vol (SA-5) : 1964.
Dernier vol : 1965.
Masse à vide : 131,54 kg.
Longueur : 1,73 m.
Diamètre maximum : 0,99 m.
Oxydant (comburant) : oxygène liquide (LOX).
Carburant : hydrogène liquide (LH2).
Rapport de mélange : 5,0:1+2.
Poussée : 66, 700 kN (14 995 lbf).
Impulsion spécifique : 410.
Rapport d'expension : 8:1.
Pression de la chambre de combustion : 300 psia.
Temps de combustion : évalué à 482 s.

Une grappe de six moteurs RL10A-3S (S pour Saturn) est utilisée pour propulser le second étage S-IV du lanceur Saturn I. Les six moteurs du S-IV sont inclinés de six degrés vers l'extérieur par rapport à l'axe central du véhicule et peuvent être orientés d'environ huit degrés. Le véhicule S-IV est contrôlé en faisant pivoter les six moteurs en réponse aux signaux de l'unité à instruments du véhicule.


Cluster de six moteurs RL10A-3S

Un taux nominal de consommation de propergol de 15,96 kg / s (35,2 lb / s, ratio nominal LOX/carburant de 5:1) permet à chaque moteur de développer une poussée nominale de 66,72 kN (15 000 lb) à altitude nominale de 60 960 m (200 000 ft) à une impulsion spécifique nominale de 427 s et à une pression absolue de la chambre de poussée de 300 psia. La durée d'allumage de chaque moteur est de 470 s. Chaque moteur a une masse à sec d'environ 131,54 kg (290 lb). Les moteurs, disposés de façon circulaire, sont montés sur cardan afin de fournir un vecteur de poussée de ± 4° pour le contrôle de l'attitude du véhicule. Les six moteurs sont utilisés pour le contrôle du tangage et du lacet. Les moteurs 1, 2, 3 et 4 assurent le contrôle du roulis.



Une vidéo de la société Pratt & Whitney Aircraft sur le développement (assemblage, analyses) du RL10