STÉRILISATION DE L'EAU POTABLE



Des procédures de stérilisation sont appliquées avant le vol et en vol pour le système d’eau du CM.


Petit rappel sur le système d'eau du CM

L’alimentation en eau provenant des piles à combustible est régulée à 1,72 bar (25 psi) et 23,3 °C (74 °F), puis acheminée vers un séparateur d’hydrogène, puis vers le panneau de contrôle de l’eau. La partie active du séparateur est constituée de tubes en palladium-argent. L’hydrogène se diffuse depuis l’eau à travers les parois des tubes, puis est évacué dans l’espace.

Les principaux organes de commande du panneau d’eau sont :

• deux vannes d’arrêt d’eau (une pour le système d’eau potable et une pour le système des eaux usées),

• une vanne d’arrêt permettant l’accès au système des eaux usées,

• l’ensemble d’injection de chlore,

• une vanne de contrôle vers le dispositif de vidange extérieure,

• et deux dispositifs de sécurité de surpression.

L’eau issue des piles à combustible est fournie à la fois aux réservoirs d’eau potable et d’eaux usées, et l’excédent d’eau est évacué à l’extérieur si ces réservoirs sont pleins. La conduite du système d’eau potable alimente l’ensemble d’injection de chlore, une valve de retenue, puis le réservoir d’eau potable. L’eau s’écoulant du réservoir d’eau potable (par une conduite de dérivation et une valve de retenue) peut être transférée vers le refroidisseur, le réchauffeur, ou le réservoir d’eaux usées, ou encore évacuée à l’extérieur. Le refroidisseur abaisse la température de l’eau de 24,4 °C (76 °F) à environ 7,2 °C (45 °F). L’unité de préparation des aliments comprend un réchauffeur et deux points de distribution d’eau, l’un pour l’eau chaude et l’autre pour l’eau refroidie. Le réchauffeur peut élever la température de l’eau jusqu’à 67,8 °C (154 °F). Une pression de 1,72 bar (25 psi) est maintenue dans le système d’eau potable en appliquant de l’oxygène sur une vessie d’expansion située dans le réservoir d’eau potable.



AVANT LE VOL

Environ cinq jours avant le décollage, le système d’eau est rempli avec de l’eau désionisée contenant 12 mg/litre d’hypochlorite de sodium (exprimé en chlore). Après une exposition de 4 heures, l’eau est vidangée, puis le système est rincé avec de l’eau désionisée préalablement purifiée à l’aide d’un système d’échange d’ions à lit mixte. Une fois le rinçage terminé, le système est de nouveau rempli avec de l’eau désionisée. Trois heures avant le lancement, une injection de 20 cm³ d’hypochlorite de sodium (5000 mg/litre de chlore) accompagnée d’un tampon de phosphate monohydrogéné de sodium (0,7 M) est effectuée dans le système du vaisseau spatial pour assurer une désinfection continue.


STÉRILISATION DU SYSTÈME D'EAU POTABLE PENDANT LE VOL

La stérilisation de l'eau potable à bord du CM suit plusieurs étapes essentielles :

1) Création d'un creux dans le réservoir

Lors de l'utilisation du pistolet à eau potable ou de l'unité de réhydratation des aliments, le niveau du réservoir baisse d'environ 10 %.
Cette diminution est nécessaire pour permettre à l'eau issue de la pile à combustible de circuler au-delà du point d'injection du biocide et d'atteindre le réservoir.


2) Injection de l'hypochlorite de sodium

Une ampoule de 20 cm³ contenant une solution à 1860 mg/l de chlore (sous forme d'hypochlorite de sodium) est injectée.


3) Ajout de la solution tampon et de l'inhibiteur de corrosion

Une autre ampoule de 20 cm³ est injectée, contenant une solution tampon de phosphate monohydrogéné de sodium (masse molaire 0,297) ainsi qu'un inhibiteur de corrosion au nitrate de sodium (masse molaire 0,217).

Le saviez vous ??

Ci-dessous sont présentés les emplacements et le contenu des accessoires de stérilisation du système d’eau potable dans le CM, ainsi que le point d'injection des ampoules sur le panneau 352.


4) Rinçage du système

L'eau de la pile à combustible est utilisée pour rincer l'orifice d'injection du chlore et diriger les solutions vers le réservoir de stockage.
La majorité du biocide et de la solution tampon est acheminée dans le réservoir via le point de dérivation de la conduite de service, bien qu'une petite quantité puisse rester dans le té d'injection ou diffuser dans la conduite.

5) Prélèvement et redistribution

Après 10 minutes, un échantillon d'eau est prélevé à partir du point d'injection.
Ce prélèvement permet de renvoyer toute solution de chlore résiduelle dans la conduite principale, où elle est transportée jusqu'au réservoir de stockage par l'eau de la pile à combustible.


6) Temps de dispersion

Un délai supplémentaire de 20 minutes est nécessaire pour assurer la dispersion complète du biocide, de la solution tampon et de l'inhibiteur dans le réservoir d'eau potable.

7) Consommation de l'eau stérilisée

L'eau est ensuite prête à être consommée via le pistolet à eau potable ou l'unité de réhydratation des aliments.

Anecdote Lors des premières missions Apollo, les astronautes ont fréquemment signalé un goût prononcé de chlore dans l'eau. Ce problème résultait généralement d'erreurs de procédure lors de l'injection des solutions. Une fois des protocoles clairs et précis établis, l'équipage n'a plus rencontré d'inconfort lié au goût de l'eau.



Caractéristiques chimiques de l'eau produite par les piles à combustible

L’eau générée par les piles à combustible est chimiquement comparable à de l’eau distillée, bien qu’elle soit saturée en hydrogène gazeux. Elle contient en moyenne 0,73 mg/l de matières dissoutes et présente un pH moyen de 5,6.
Un problème apparaît dans le réservoir de stockage : après accumulation de l’eau des piles à combustible, un précipité jaune granulaire se forme, identifié comme le Bis-(pentaméthylènédithiocarbamate) de Ni(II), un carbamate métallique. La présence de ce matériau empêche l’eau de respecter les spécifications en termes de solides totaux, de turbidité et de particules.

 



Le saviez vous ?? C'est après la mission Apollo 13, que du nitrate de sodium a été ajouté aux ampoules tampons pour inhiber la corrosion des systèmes d'eau.



Le saviez vous (2) ?? L’eau embarquée à bord du vaisseau spatial pour les missions Apollo provient des ressources de la ville de Cocoa, en Floride, et est purifiée à une qualité ultra-élevée sur le site de lancement.
L’eau de la ville est d’abord filtrée au travers de filtres à particules, puis de filtres à charbon, et ensuite à travers deux unités d’échange d’ions à lit mixte, jusqu’à atteindre une résistivité de 18 mégohms. L’eau est ensuite filtrée au travers de filtres bactériens de 0,22 micron, puis chargée dans une unité de conditionnement de l’eau pour transfert ultérieur au vaisseau spatial.
Le remplissage des unités de conditionnement s’effectue dans un système fermé, éliminant toute exposition à l’atmosphère. Une fois remplie, chaque unité de conditionnement peut faire recirculer l’eau à travers les filtres bactériens.
Des mesures sur site du pH et de la conductivité électrique sont nécessaires pour éviter la contamination atmosphérique de l’eau hautement purifiée. Les récipients d’échantillonnage sont conçus pour empêcher l’introduction de tout contaminant extérieur, et un récipient en aluminium anodisé (imprégné de Téflon) se révèle satisfaisant à cet effet.



Biocide : c'est un agent chimique capable de tuer des organismes responsables de la dégradation microbiologique. L'hypochlorite de sodium (ou eau de javel, NaOC1) a été employé comme biocide pour le système d'approvisionnement en eau potable du CSM. Les caractéristiques de cette eau demandées par la NASA, exigent que la concentration résiduelle minimum en chlore soit de 0,5mg/litre.


La masse molaire d'une molécule est la masse qui contient "6,023.10 23" exemplaires de cette molécule. Elle s'exprime en g/mol.




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(source: documents PDF Apollo Experience Report "Potable Water System" juin 1973 ; "Apollo postretrieval procedures for NASA recovery team") Texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.