LES (LAUNCH ESCAPE SYSTEM), la tour d'évacuation au lancement
Le système d'évacuation au lancement (LES, Launch Escape System ou plus simplement : tour de sauvetage) permet l'éjection du module de commande du vaisseau Apollo contenant les 3 hommes d'équipage, en cas de grave incident lors du lancement.C'est une fusée constituée de trois moteurs à poudre, montée sur un pylône en treillis de raccordement, lui même fixé par sa base au module de commande via le sommet du BPC (Boost Protective Cover, bouclier de protection au lancement), carénage protégeant le CM des contraintes aérodynamiques du décollage. Le système est conçu pour porter le CM à une hauteur suffisante ainsi que de l'éloigner de côté, loin du lanceur Saturn V, de sorte que le système d'atterrissage puisse fonctionner sans encombres.
Le système est activé automatiquement par le système de détection des urgences (EDS, Emergency Detection System) dans les 100 premières secondes ou manuellement par les astronautes à tout moment, de l'aire de lancement à l'altitude d'éjection maximum. Avec le lanceur Saturn V, le système est ejecté à environ 89,91 km (295 000 ft) environ 30 s après l'allumage du deuxième étage ; avec le lanceur Saturn Ib, il est ejecté à environ 83,82 km (275000 ft), environ 20 s après l'allumage du second étage.
Une interruption manuelle peut être amorcée avant ou pendant le lancement par le contrôle de translation du commandant placé à l'extrémité du bras gauche escamotable de sa couchette. Si une interruption intervient sur l'aire de lancement, le système "d'évasion" enverra le module de commande à une hauteur d'environ 1202 m avant qu'il ne soit éloigné sur le côté.
Spécifications de l'ensemble
Le moteur d'évacuation
C'est un moteur-fusée à propergol solide d'une longueur de 4,72 m (15,5 ft) et 66,04 cm (26 in) de diamètre dans une enveloppe en acier. Il pèse 2,13 t. Construit par Lockheed Propulsion Co. Redlands en Californie, sa poussée est d'environ de 66,67 t sur la plateforme de lancement, augmentant avec l'altitude. Le propergol est un composite de polysulfures. Il fournit la poussée nécessaire pour sauver l'équipage d'une situation dangereuse au début de la phase de lancement. Ce moteur à une phase de combustion d'environ 8 s, assez pour arracher le CM (d'une masse d'environ 5896 kg) et l'éloigner à environ 1,6 km du lanceur en perdition.
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L'enveloppe est en acier traité thermiquement et comprend une bride de montage cylindrique à l'extrémité avant pour le montage du moteur d'éjection de la tour. Le dôme de fermeture arrière du moteur d'évasion est fabriqué en acier à haute résistance traité thermiquement et est fixé à l'ensemble boîtier au moyen d'une bride boulonnée. Il contient des dispositions pour la fixation des quatre tuyères fixes, pour le montage de l'ensemble moteur-carter et pour l'accouplement du dôme avec la jupe structurelle. Quatre tuyères sont fixées au dôme de fermeture arrière. Le surdimensionnement des diamètres respectifs de leurs cols, comme cela est fait pour les du moteur de largage de la tour, a permis une déviation efficace du vecteur de poussée par rapport à l'axe géométrique moyen du moteur.
A noter : les 4 tuyères du moteur d'évasion sont inclinées de 35° chacune par rapport à l'axe central vertical du corps de la tour de sauvetage, afin d'éviter que les jets de flammes n'interfèrent avec le BPC et ne l'endommagent.
Le grain (ou bloc) de propergol solide de ce moteur a une configuration en étoile à combustion interne en huit points. Il est mise à feu au moyen d'un allumeur. Celui-ci est monté sur l'extrémité avant du carter et est concentrique avec l'axe du moteur. L'allumeur contient une charge propulsive d'appoint et une charge propulsive principale. La charge d'appoint est composée de bore et de nitrate de potassium ; la charge propulsive principale est du même type que le propergol du moteur.
Le moteur de tangage
(Lockheed Propulsion Co.)
C'est un moteur-fusée à propergol solide, d'une longueur de 60,96 cm (2 ft) et 22,86 cm (9 in) de diamètre, logé dans un container en acier pesant 22, 68 kg. Le moteur génère une poussée de 1088 kg (2400 lb) pendant une demi-seconde. Il permet la manœuvre initiale de tangage vers l'océan Atlantique en cas d'abandon sur l'aire de lancement ou à très basse altitude.
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La chambre de combustion est la structure principale même de ce moteur. La paroi extérieure de la chambre de combustion permet de monter le moteur horizontalement à l'intérieur de l'enceinte du support de l'empennage canard. La chambre de combustion comporte trois parties principales : un cylindre, un dôme de fermeture avant et un dôme de fermeture arrière. La chambre de combustion est constituée d'un cylindre de 22,35 cm (8,8 in) de diamètre et de 36,32 cm (14,3 in) de long, doté d'une fermeture de tête hémisphérique oblate soudée et d'une fermeture arrière boulonnée, toutes deux construites en acier AMs 6428. La partie cylindrique de la chambre de combustion se compose d'une section cylindrique avant de 28,70 cm (11,3 in) de long, soudée à une section cylindrique arrière de 7,62 cm (3 in) de long. Les sections cylindriques avant et arrière ont été construites respectivement en acier AMs 6434 et AMs 6428. La partie cylindrique de la chambre de combustion contient environ 45 g ou 0,76 mm d'épaisseur (0,1 lb ou 0,03 in) d'un revêtement en polysulfure rempli de noir de carbone (LPL- 106C), et la partie frontale est revêtue d'environ 45 g (0,1 lb) de caoutchouc Buna N rempli de silice (élastomère HITCO 6520).
L'obturateur arrière comprend un insert de buse en graphite ATJ avec une section divergente conique de 38,10 cm (15 in) à demi-angle. La buse à rapport de surface de 1.63:1 comprend un bouchon de buse en styromousse pour sceller la chambre du moteur, ce qui permet de maintenir la pression ambiante avant le lancement dans la chambre du moteur jusqu'à l'allumage de ce dernier.
Le grain de propergol solide composite est une configuration en étoile à 14 points de combustion interne. Il est constitué d'environ 4 kg (8,9 lb) de propergol polysulfure-ammonium-perchlorate (GCR 231A, ICC classe B) qui est coulé directement contre le revêtement de la chambre de combustion. Dans les exigences initiales, il était spécifié que le moteur de tangage devait pouvoir être modifié de manière à fournir une impulsion totale de 680 à 1361 kg/s (1 550 à 3 000 lb/s) sans devoir procéder à une reconception, à un redéveloppement ou à une requalification majeurs. Le fournisseur a répondu à cette exigence de conception en faisant varier la longueur des grains de propergol ; l'ajout de matériaux auxiliaires tels que des supports de grains ou des lamelles inertes n'a pas été nécessaire. En fin de compte, dans les exigences de la mission Apollo, une impulsion totale de 793,80 kg/s (1750 lb/s) a été prescrite ; par conséquent, la longueur du grain de propergol solide était d'environ 20,82 cm (8,2 in). La longueur maximale des grains de propergol solide utilisée au cours du développement était d'environ 40,38 cm (15,9 in).
Le grain de propergol solide est allumé au moyen d'un allumeur composé d'un allumeur de type pellet-basket, de deux prises de pression et de deux cartouches d'allumeur pyrotechnique. Chaque cartouche d'allumeur pyrotechnique comprend une charge d'amorçage et un initiateur standard Apollo (initiateur d'allumage à fil chaud). Les cartouches d'allumage pyrotechnique du moteur sont identiques aux cartouches d'allumage pyrotechnique utilisées dans le moteur d'évacuation et peuvent être installées sur l'aire de lancement.
Le moteur d'éjection de la tour
C'est un moteur fusée à propergol solide (dénomination TE-380) d'une longueur de 1,41 m (55,6 in) et 66 cm (26 in) de diamètre, logé dans un caisson forgé en acier au chrome-molybdène à haute teneur en carbone, constuit par Thiokol Chemical Corp., division Elkton, Kentucky. Le moteur produit d'une poussée de 14,28 t (31 500 lb) pendant 1 s. Son rôle est d'éjecter la tour après la séparation du premier étage S-IC quand celle-ci n'est plus nécessaire ou après une interruption de lancement et avant que les parachutes ne soient déployés pour la récupération.
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Ce moteur comporte deux parties principales : la chambre de combustion et la structure inter-étages. L'ensemble a un diamètre de 66,04 cm (26 in), une longueur de 1,41 m (55,6 in) et une masse de 239 kg (527 lb). La chambre de combustion est construite à partir d'une pièce forgée en acier AISI 4135, usinée en un cylindre de 39,11 cm (15,4 in) de long. Le cylindre est doté d'une fermeture oblique hémisphérique au niveau de la tête (d'une seule pièce, sans soudure structurelle) et d'une fermeture arrière oblique hémisphérique boulonnée, également usinée à partir d'une pièce forgée en acier AISI 4135. Les parties cylindrique et frontale de la chambre de combustion sont revêtues d'un revêtement TL-L-300 de 0,38 mm (0,015 in) d'épaisseur. La fermeture arrière est revêtue d'une doublure TL-L-300 de 0,76 mm (0,030 in) d'épaisseur.
La structure inter-étages, conçue et développée comme partie intégrante du moteur d'éjection, est utilisée pour fixer celui-ci au moteur d'évasion. La structure cylindrique de l'inter-étage, d'une masse de 40,95 kg (90,3 lb), a un diamètre de 66 cm (26 in) et une longueur de 76,2 cm (30 in). Les deux tuyères du moteur d'éjection sont boulonnées à la fermeture arrière de la chambre de combustion pour former des angles d'inclinaison de 30° par rapport à l'axe longitudinal du moteur. Les tuyères sont immergées dans la chambre de combustion et traversent la paroi de la structure inter-étages. Chaque demi-buse conique tronquée oblique de 25,4 cm (10 in) est usinée à partir d'une pièce forgée en acier AISI 4130 et contient un insert de gorge en graphite haute densité HLM-85. Chaque tuyère contient un bouchon en polystyrène HD-300 qui est collé avec l'adhésif TCC TA-L-318A dans la région convergente de la tuyère pour sceller la chambre de combustion du moteur. Ce joint permet de maintenir la pression ambiante avant le lancement dans la chambre de combustion du moteur jusqu'à l'allumage de ce dernier. L'isolation de l'échauffement aérodynamique est assurée par un disque de liège isolant A 2775 de 0,76 cm (0,3 in) d'épaisseur qui est collé sur la face aval de la fermeture de la tuyère.
Le grain du propergol solide composite se compose d'environ 93 kg (205 lb) de perchlorate d'ammonium polysulfuré TCC TP-E-8104, qui est coulé directement contre le revêtement TCC TL-L-300. Il ne nécessite pas l'ajout de matériaux auxiliaires tels que des supports de grain ou des éclats inertes pour atteindre les objectifs de conception. Le propergol contient une perforation en étoile à combustion interne à double toile en 10 points.
Un allumeur est utilisé pour sa mise à feu. L'allumeur se compose de sa propre chambre de combustion, de l'orifice de prise de pression, du conteneur de pastilles et de son grain de propergol solide. La charge principale de l'allumeur est composée d'environ 830 g (1,83 lb) du même type de propergol que celui utilisé dans le moteur. Le propergol est coulé dans un tube de revêtement composé d'une résine phénolique à base de papier. Le grain coulé est inséré dans le boîtier de l'allumeur et est collé en place. L'allumeur est allumé au moyen de deux cartouches pyrotechniques redondantes.
Le pylône en treillis de raccordement
Il est constitué de tube en titane soudés. Les montants principaux verticaux sont des tubes de 8,89 cm (3,5 in) de diamètre et avec une épaisseur de paroi de 0,31 cm. La structure intérieure est constituée de tubes de diamètre 6,34 cm (2,5 in) et d'épaisseur de 0,126 cm. Sa longueur hors-tout est de 3,04 m et sa masse de 136,077 kg. La structure est entièrement isolée avec du Buna N rubber (c'est du caoutchouc nitrile, Buna étant une marque déposée), protégeant le câblage de l'échauffement thermique (friction de l'air) et de la combustion du moteur d'évacuation, empéchant aussi l'affaiblissement de la structure lors de cette même combustion. Cette protection est un rajout de 90,71 kg sur le pylône. Les quatre pieds du pylône s'insèrent dans les puits de la structure avant du CM. Ils sont fixés à l'aide de goujons et d'écrous frangibles (cassants). Ces écrous contiennent une petite charge explosive qui les brise pour séparer le module de la tour lorsque l'ensemble d'évacuation est largué.
Le BPC (Boost Protective Cover, capot de protection au lancement)
Son rôle est de protéger la surface externe du CM de l'échauffement aérodynamique de la poussée généré par la friction de l'air pendant la phase de propulsion atmosphérique et au cas où des gaz d'échappement du moteur d'évacuation en cas d'abandon. C'est une coque constituée de 10 sections différentes. Une des sections, celle du sommet (apex section) est désignée généralement sous le nom de protection rigide (hard cover). Elle est composé d'une structure en nid d'abeille en fibre de verre ayant une épaisseur de 17,52 mm (0,69 in) et est recouverte par 7,6 mm (0,3 in) de liège ablatif (la couche extérieure). Les 9 sections restantes, qui la composent, incluant la trappe, sont désignées généralement sous le nom de protection "souple".
Ces 9 sections sont composées de trois couches de matériaux : une couche de base en tissu de verre de 0,20 mm (0,008 in) imprégné de Téflon sur la surface intérieure, une couche centrale de tissu Nomex d'une épaisseur de 0,24 mm (0,0095 in) et une couche de 7,6 mm du même matériau ablatif à base de liège qui recouvre le hard cover. Cette protection "souple" est assemblée à la protection rigide grâce à des vis et des écrous plats et est également fixée vers le rebord arrière avec le même matériel de fixation. Le panneau recouvrant l'écoutille du CM est constitué d'un matériau sandwich en nid d'abeille en fibre de verre avec une couche d'Armalon collée à la surface intérieure et d'une fenêtre circulaire en verre de silice fondue. Une seconde fenêtre permet à l'équipage de voir depuis l'intérieur du CM. Le BPC mesure 3,35 m (11 ft) de haut, 3,96 m (13 ft) de diamètre et pèse environ 317,51 kg (700 lb). Il est doté de 12 orifices pour les RCS, d'évents et d'un système de ventilation.
Empennages "canards" de basculement : ce sont 2 gouvernes aérodynamiques de 1,21 m fabriquées en inconel, qui sont déployées seulement pendant les différents modes d'interruption du lancement. Elles orientent le module de commande de sorte que le bouclier thermique soit vers l'avant et les parachutes à l'arrière (position normale lors d'une rentrée atmosphérique classique). Elles sont déployées en position fixe 11 s après le déclenchement de l'abandon.
L'ensemble se compose de deux surfaces déployables et du mécanisme opératoire. Les gouvernes sont fuselées dans la surface externe de la tour d'évasion de au dessous du cône de nez et son mécanisme opératoire se trouve à l'intérieur de l'ensemble cylindrique formé.
Chaque surface est montée sur deux charnières et est ouverte par un cylindre pyrotechnique qui actionne le mécanisme d'ouverture. Le piston du cylindre pyrotechnique est normalement en position étendue avec les surfaces "Canard" fermées. Onze secondes après qu'un signal d'arrêt est reçu par le système d'interruption de lancement, un courant électrique met le feu à deux cartouches pyrotechniques pour ouvrir les surfaces "canard". Le gaz des cartouches cause la rétraction du piston, actionnant le mécanisme d'ouverture. Le cylindre est rempli de fluide hydraulique en aval du piston et, comme celui ci se rétracte, le fluide est expulsé dehors par un orifice dans un réservoir. Le dosage du fluide par l'orifice, contrôle la vitesse de l'opération du déploiement des empennages. Quand ceux ci sont entièrement ouverts, ils sont verrouillés en place par la pression du gaz dans le cylindre, un anneau de verrouillage sur l'axe du piston, et une tringlerie centrale.
L'ensemble composé par le compartiment ballast et l'ogive forme l'ultime sommet du lanceur Saturn V. Il est fabriqué en inconel (alliage de nickel) et d'acier inoxydable.
- Le compartiment ballast contient des masses en uranium apauvris, l'ogive contient l'instrumentation du détecteur d'attitude surnommé "Q-ball".
LA Q-BALL QU'EST CE QUE C'EST ? La Q-ball est analogue aux tubes de Pitot d'un avion. Lorsque l'air pénètre dans les tubes de Pitot d'un avion, les données relatives à la vitesse et à la pression sont transmises au système de pilotage automatique de l'ordinateur de bord, puis affichées à l'intention du pilote. Ces dispositifs sont omniprésents et ressemblent à des fléchettes dépassant du côté du fuselage, près du nez. Contrairement aux tubes de Pitot, la Q-ball ne mesure pas la vitesse de l'air. Elle mesure plutôt la pression dynamique de l'air pendant que le lanceur monte dans l'atmosphère. Cette caractéristique est à l'origine de son nom, car la pression est représentée par le symbole Q, ce qui fait que la sphère de mesure de la pression atmosphérique est connue sous le nom de Q-ball. Ce dispositif sphérique joue un rôle essentiel dans le maintien de la trajectoire du Saturn V. La Q-ball mesure 33,96 cm (13,37 in) de long et 33,78 cm (13,3 in) de diamètre. Elle posséde huit ports de pression statiques (orifices), ceux-ci conduisent à des instruments qui mesurent la pression dynamique sur le véhicule afin que l'angle d'attaque de Saturn V puisse être contrôlé pour ne pas dépasser les limites structurelles du lanceur. La Q-ball possède deux canaux de mesure indépendants, le canal A et le canal B. Chaque canal utilise deux ensembles d'orifices d'entrée, un pour le tangage et un pour le lacet. Les deux orifices de chaque ensemble sont situés à 180° l'un de l'autre, ce qui permet de mesurer les variations des forces aérodynamiques. Situé au sommet du lanceur, la Q-ball n'est pas affecté par les turbulences causées par le lancement. Situé le plus loin possible des moteurs, c'est le meilleur endroit pour mesurer les changements de tangage et de lacet. Les signaux correspondant aux changements de pression de lacet et de tangage sont électroniquement associés dans la Q-ball, Les données ainsi recueillies sont alors transmises et affichés sur un indicateur sur le tableau de bord principal (MDC) pour être observées par l'équipage et font également partie de la télémétrie transmise aux contrôleurs au sol. Ces données jouent un rôle crucial en veillant à ce que le lanceur maintienne sa trajectoire. La Q-ball ne se contente pas de mesurer la pression de l'air sous tous les angles, elle possède également la sensibilité nécessaire pour détecter tout écart par rapport à la trajectoire prévue, ce qui permet de signaler aux moteurs du premier étage de procéder aux ajustements nécessaires. Le "Max Q" est également mesuré par la Q-Ball lorsque la combinaison de la vitesse et de la densité de l'air atteint son maximum. Ces mesures fournissent des données constantes à l'IU du Saturn V pour le maintenir sur la bonne trajectoire. Cependant, la fonction première de la Q-ball est de fournir une assistance en cas d'interruption du lancement. En effet, Le LES abrite un moteur à propergol solide générant une poussée supérieure à celle de la fusée Redstone des missions suborbitales Mercury. En cas d'interruption du lancement, par exemple en cas d'explosion immédiatement après le décollage, le système d'évacuation se met en marche, désolidarisant le vaisseau spatial du lanceur et lui permettant de se dégager de l'explosion avant de faire atterrir l'équipage en toute sécurité. En mesurant la pression de l'air dans toutes les directions, la Q-ball joue un rôle essentiel dans la détermination de la direction de vol du vaisseau spatial et de la tour d'évacuation. Sur certaines séquences filmées avant le lancement, la Q-ball apparaît de manière très visible. À l'instar des tubes de Pitot d'un avion, la Q-ball doit être protégée avant le lancement afin d'éviter toute obstruction à l'intérieur des trous, car des insectes nichés dans des tubes de Pitot non couverts ont causé des accidents d'avion, ce qui souligne l'importance de ce risque. Le capuchon de protection est libéré quelques secondes avant le lancement, selon une procédure spécifique. ![]() Le capuchon de la Q-ball est en polystyrène et se compose de deux moitiés, maintenues ensemble par un élastique de 5,08 cm (2 in) sous tension entre lequel se trouve une lame de rasoir. Les deux extrémités de l'élastique sont reliées à un court morceau de fil de cuivre, qui passe par un mécanisme de coupe, celui-ci est relié à un câble qui remonte jusqu'au niveau 380 du LUT (via une poulie sur la passerelle de la grue Hammerhead), où se trouvent le panneau de commande et le le tube de chute du côté droit. L'extrémité du câble est relié à une masse cylindrique qui repose sur un levier à l'intérieur du tube. Ce levier, commandé par une électrovanne pneumatique située dans le Launch Control Center, tourne vers le bas lorsqu'il est actionné depuis le sol, libérant la masse lui permettant ainsi de descendre dans le tube. La chute de la masse, tend le câble métallique, qui tire la lame, qui elle, coupe l'élastique et éloigne les 2 moitiés du capuchon du lanceur. Bien que ce système puisse sembler excessivement complexe pour une tâche aussi simple, il est considéré comme la méthode la plus efficace pour s'assurer que la Q-ball soit correctement et en toute sécurité découverte avant le lancement. Après tout, la Q-ball fait partie intégrante d'une procédure d'interruption de lancement. Heureusement, au cours des sept années de lancement de Saturn V, aucun équipage n'a dû mettre fin à une mission avant d'atteindre l'orbite. Le processus de rétractation du couvercle est lancé à T-8,9 s lorsque le séquenceur de lancement envoie un signal pour activer l'électrovanne, appliquant 125 psi pour déplacer le levier supportant la masse. Pour Apollo 4, le système de rétraction consistait en une vessie gonflable qui était gonflée avant le lancement, provoquant la séparation des deux moitiés du capuchon. Cette approche s'étant révélée trop complexe, la méthode de l'élastique a été adoptée pour Apollo 8 et les missions suivantes. Le système de rétraction du capuchon de la Q-Ball (Q-Ball Cover Retraction System ou QBCRS) était supervisé par la console pneumatique (Command Processor Distributor Control ou CPDC) du LCC, qui comportait encore un interrupteur (désactivé) permettant d'actionner manuellement l'ancien système de gonflage. |
Éjection de la tour d'évacuation
Après l'allumage du deuxième étage, la tour de sauvetage est larguée. Normalement les deux commutateurs de largage de la tour seront utilisés pour lancer cette fonction ; cependant, l'un ou l'autre un amorcera les circuits de largage de tour.
Les écrous cassants qui attachent les pieds de la tour au CM (via la partie hard cover du BPC) incluent deux détonateurs qui sont mis à feu à l'activation des commutateurs de largage. Les circuits de largage de la tour mettent à feu également le moteur de largage de celle-ci.
Les indications que l'équipage utilisera pour amorcer le largage de la tour de sauvetage sont en premier la "lumière de statut moteur" pour la Saturn Ib et la lumière de "S-II Sep" pour la Saturn V. L'équipage emploiera le minuteur numérique d'événements en même temps que des indications visuelles pour larguer la tour au moment voulu. Si le moteur d'éjection de celle-ci ne se met pas en route, le moteur d'évacuation (principal) peut être utilisé pour la larguer.
Quand la tour est larguée, les circuits du système de détections d'alertes et d'abandon automatique sont mis hors service.
Interruptions :
Les procédures d'interruption de vol entrent dans plusieurs catégories nommées "modes". Les interruptions du mode 1 sont celles qui emploient le système d'évasion (LES) ; Les arrêts des modes 2, 3 et 4 sont ceux qui emploient le système de propulsion du module de service (SPS). Il y a des sous-divisions dans chaque catégorie, principalement due à l'altitude du vaisseau spatial au moment de l'interruption. Des procédures d'arrêt du système d'évasion (LES) sont commandées automatiquement par le séquenceur principal d'événements chronologique. Le contrôleur commande également des parties des arrêts en utilisant le SPS.
Ci-dessous, la séquence commandée par le séquenceur pour un arrêt du mode 1a (aire de lancement ou basse altitude) :
1) Transmettre par relais le signal de coupure du moteur à l'unité à instruments (IU) du lanceur.
2) Remettre à zéro et (re)-lancer le séquenceur numérique d'événements du commandant.
3) "Deadface" (dijonctage des coupes circuits) de l'ombilical CM-SM.
4) Pressuriser le système RCS du CM.
5) Transférer les commandes électriques des moteurs RCS du SM, aux moteurs RCS du CM.
6) Transférer la puissance des batteries de rentrée au bus principal C (courant continu).
7) Mise à feu des charges pour couper les attaches de tension du CM-SM et pour activer la guillotine ombilicale du CM-SM.
8) Mise à feu des moteurs d'évacuation et de contrôle du tangage.
9) Début de la vidange et de la purge rapide du propergol (RCS) du CM.
10) Déployer les empennages aérodynamiques "canards".
11) Activer le séquenceur du système d'atterrissage (ELS).
12) Éjection la tour d'évacuation.
13) Mise à feu des charges pour séparer l'anneau d'amarrage.
14) Éjection le bouclier thermique avant.
15) Mise à feu du mortier pour déployer le parachute stabilisateur du bouclier thermique avant.
16) Déploiement des parachutes stabilisateur du CM.
17) Purge du RCS du CM.
18) Relachement des parachutes stabilisateurs.
19) Déploiement des parachutes pilotes (qui tireront les parachutes principaux).
20) Déploiement des 2 antennes VHF de communication et de la balise clignotante de signalement.
21) Aprés le splashdown (amerrissage), relache des parachutes principaux.
La séquence diffère légèrement pour d'autres arrêts utilisant le système d'évasion (tour de sauvetage). Sur des interruptions en haute altitude, par exemple, le moteur du contrôle tangage (de la tour) n'est pas mis à feu, la vidange du propergol du RCS du CM suit la procédure de rentrée normale (pendant la descente, avec les parachutes principaux), et la commande du moteur du contrôle d'attitude n'est pas coupée (permettant au sous-système de stabilisation et de contrôle de corriger l'attitude du CM automatiquement).
Rétraction : réduction passive de la longueur d'un muscle (ici en l'occurence le piston).
La recette du grain propergol solide composite du moteur d'éjection
INGRÉDIENTS Perchlorate d'ammonium (NH4C104) Poudre d'aluminium (Al) Polymère de polysulfure (LP- 33) Benzylmercaptan (C6H5CH2SH) P-Quinone Dioxyme Soufre (S) Oxyde de magnésium (MgO) Oxyde ferrique (Fe2O3) Dibutyl-carbital (TP-903) Diphénylguanidine |
FONCTION Oxydant Combustible Liant pour combustible Accélérateur de polymérisation Agent de polymérisation Agent de vulcanisation Accélérateur de polymérisation Catalyseur de la vitesse de combustion Plastifiant Agent de polymérisation |
MASSE EN POURCENTAGE 72 % 2 % 18,81 % (a) 1,39 % 0,01 % 1 % 2 % 2,09 % 0,70 % |
(a) : pour obtenir des propriétés physiques spécifiques, la quantité de Benzylmercaptan peut varier entre 0,00 et 0,09 % par substitution directe d'un pourcentage équivalent de polymère de polysulfure.
Texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.