L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE DU BORD



Le module de commande ne produit pas sa propre énergie électrique, il dépend le long de la mission, des trois piles à combustibles qui se trouvent dans le module de service, elles même se fournissent des matières premières stockées dans celui-ci (oxygène et hydrogène, O2 et H2). Le CM ne possède que trois batteries principales (A, B, C), deux petites batteries pyrotechniques, d'un chargeur et de trois inverseurs qui ne servent essentiellement que pendant la rentrée dans l'atmosphère et pour le fonctionnement des équipements nécessaires à un bon amerrissage (déploiement des parachutes, liaisons radio etc.).


Développons le sujet !


Le matériel et sa fonction


Batteries principales

Elles sont au nombre de trois, fournissent l'énergie électrique du module de commande après la séparation de celui-ci et du module de service jusqu'au moment de la récupération dans l'océan. Elles sont rechargeables (ces batteries doivent produire six cycles complets de charge/décharge) et se trouvent dans la baie d'équipements inférieure. Elles sont fabriquées par la société Eagle Picher à Joplin dans le Missouri.


Avant la séparation, les batteries fournissent une source secondaire de puissance tandis que les piles à combustibles sont la source primaire.
Elles complètent la puissance des piles à combustibles pendant des périodes maximales de " travail" (grosse demande d'énergie : manœuvres, changement de vitesse), fournissent la puissance pendant les opérations de secours (échec de deux piles à combustibles), fournissent la puissance pour les circuits de contrôle des sous-systèmes de puissance (relais, indicateurs, etc..) et le compteur séquentiel. Elles peuvent également être employées pour actionner les circuits pyros. Chaque batterie principale pèse 12,70 kg. Leur boitier, en plexiglas collé est enveloppé de fibre de verre époxy et recouvert avec une peinture plastique grise, mesure 29,8 cm de long, 14,6 cm de large et 17,4 cm de haut. Ils sont évalués pour un choc jusqu'à 80 G. Ces boitiers sont équipés de soupape de sécurité qui s'ouvre à 35 psig (± 5 psig), évacuant une surpression de la batterie. Cette surpression est évacuée par " dessus bord " par une tubulure commune qui rejoint la ligne de d'évacuation d'urine/eau (Waste managment). Ce système empêche le gaz produit par les batteries d'entrer dans le poste d'équipage.
Les batteries se composent de 20 cellules (oxyde d'argent et zinc) avec, comme électrolyte, un mélange d'hydroxyde de potassium et d'eau. Le matériau séparateur des cathodes (en argent) et des anodes (en zinc) dans les cellules est du cellophane. Ces cellules sont connectées en série. Chacune de ces batteries fournie un minimum de 40 ampères heure (A/h) à une intensité moyenne de 35 A/h durant 15 minutes et une chute d'intensité à 2 A, ou pour une intensité moyenne de 25 A/h durant 35 minutes avec une chute d'intensité à 2 A/h. Au départ de la mission Apollo, chaque batterie peu fournir jusqu'à 50 ampères heure.

La tension du circuit ouvert est de 37,2 volts. Puisque la puissance en charge des batteries est extrêmement légère (2 à 3 watts), la tension utile étant très proche de la tension du circuit ouvert il peut être indiqué sur le voltmètre de vaisseau spatial, excepté quand les commutateurs du bus principal ont été activés pour commuter vers la batterie en sortie vers le bus principal (l'alimentation générale). Normalement seulement les batteries A et b sont reliées aux bus principaux. la batterie C est isolée pendant la période de pré-lancement et fournit une réserve de puissance pour l'alimentation principale. Le montage des deux batteries fournit un supplément d'énergie utilisé lors des pics de charge des piles à combustible et diminue le temps global de recharge des batteries.


Batteries pyrotechniques

Elles sont au nombre de deux, chacune mesure 15,87cm de long par 6,69 cm de large et 7,28 cm de haut et pèse 1,58 kg. Elles sont composées de 20 cellules dont l'électrolyte est de l'hydroxyde de potassium et de l'eau. Leurs boîtiers est un monobloc fabriqué à la main à partir d'un circuit imprimé G-10, cimenté et revêtu d'un ciment époxy. Les principales exigences électriques sont les suivantes. La capacité est de 75 ampères pendant 36 secondes à plus de 20 volts à une température de 15,5 à 61,6°C (60" à 143' F) ou pendant 15 secondes à plus de 20 volts à 10°C (50" ± 3" F). En ce qui concerne la durée de vie, les batteries doivent fournir 6 cycles de 75 ampères pendant 36 s à tout moment dans les 36 jours suivant leur activation. Les batteries doivent également satisfaire aux exigences précédentes lorsqu'elles sont activées après un stockage d'un an à compter de la date de fabrication. Les batteries ont été fournies à l'état sec et chargé, et l'électrolyte a été fourni dans des conteneurs séparés. Les séparateurs sont constitués de trois couches de cellophane (uniquement). Les soupapes de sûreté des cellules, dont la pression de rupture est comprise entre 2 et 10 psig, sont évacuées dans un espace du collecteur isolé des connecteurs intercellulaires ; cet espace est doté d'une soupape de sûreté dont la pression de rupture est comprise entre 30 ± 5 psig.

Elles alimentent des dispositifs pyrotechniques légers (cordons ou boulons explosifs à détonation douce) pour la séparation du module de commande et du module de service, le déploiement et la séparation des parachutes, la séparation du 3eme étage Saturn V (SIVb), la séparation de tour de sauvetage et d'autres fonctions. Elles sont fabriquées par Electric Storage Battery Co. à Raleigh en Caroline du nord.


Les batteries pyrotechniques sont suspendue à leur face supérieure dans la baie à équipements droite par quatre boulons (deux à chaque extrémité) vissés dans la structure. Un contrôle thermique actif n'était pas nécessaire en raison de l'environnement thermique modéré de la cabine. Elles sont isolées du reste du système électrique pour empêcher d'éventuelles sur-tensions de haute puissance dans le système pyrotechnique, qui pourrait s'en trouver affecté, et afin d'assurer les demandes en électricité une fois requises.


Onduleurs

Fabriqués par la Westinghouse Electric's Aerospace Electrical Division à Lima (Ohio), chaque onduleur à semi-conducteurs (au nombre de 3) est contenu dans un boîtier d'aluminium et refroidit par un mélange de glycol et d'eau. Ils pèsent 26,5 kg pièce, mesurent 37,59 cm de long, 36,32 cm de large par 10,15 cm de haut (face avant) et 17,27 cm de haut (face arrière). Chaque onduleur est composé d'un oscillateur, d'une section de décompte numérique à huit étages, d'un filtre de ligne, de deux redresseurs commandés au silicium, d'un amplificateur magnétique, d'un amplificateur buck-boost, d'un démodulateur, de deux filtres, d'une section d'inversion de puissance à huit étages, d'un transformateur de neutralisation des harmoniques, d'un filtre de sortie courant continu, de transformateurs de détection de courant, d'un pont de référence à diodes Zener, d'un contrôle de basse tension et d'un circuit de déclenchement en cas de surintensité.
Ils produisent chacun 1250 volts ampères. Ils convertissent du 28 V continu en 115 V alternatif triphasé. Ils sont conçus pour compenser les variations de tension d'entrée/sortie. Deux des trois inverseurs sont utilisés constamment. Ils fournissent du courant alternatif pour les pompes des piles à combustible, le système du contrôle d'environnement, des pompes au glycol, du compresseur d'oxygène pour les combinaisons pressurisées et autres circuits.



Chargeur de batterie

Le chargeur est situé prés des batteries de rentrée et post-atterrissage, il mesure 15,23 cm de long, 10,15 cm de large par 15,23 cm de haut et pèse 1,95 kg. Un chargeur de batterie à semi-conducteurs à tension constante est situé dans la baie d'équipement inférieure du CM. Il est alimenté de 25 à 30 volts par les deux bus principaux en courant continu (dc) et en 115 volts 400 cps (cycle par seconde) triphasé par l'un ou l'autre des bus en courant alternatif (ac). Il recharge les batteries principales tout le long du vol (quand cela est nécessaire) jusqu'à la séparation d'avec le module de service, il possède une durée de vie de plus de 1000 heures. Les trois phases du courant alternatif sont utilisées pour amplifier l'entrée de 25 à 30 volts de courant continu et produire 40 volts de charge. De plus, la phase A du courant alternatif est utilisée pour alimenter le circuit du chargeur. La logique est constante à l'exception d'une petite variation à travers la résistance de détection. Cette variation est nécessaire pour activer et réinitialiser le transistor de commutation et le déclencheur de Schmitt grâce à l'action du comparateur. La sortie du chargeur est régulée par la résistance de détection jusqu'à ce que la tension de la batterie atteigne environ 36 volts. À ce moment-là, le réseau de contrôle de tension polarisé n'est plus polarisé et, en conjonction avec la résistance de détection, il fournit un signal pour faire fonctionner le chargeur de batterie. La sortie du chargeur est régulée par la résistance de détection jusqu'à ce que la tension de la batterie atteigne environ 36 volts. À ce moment-là, le réseau de contrôle de tension polarisé n'est plus polarisé et, en conjonction avec la résistance de détection, il fournit un signal pour faire fonctionner le chargeur de batterie. Au fur et à mesure que la tension de la batterie augmente, l'impédance interne de la batterie augmente, ce qui diminue le flux de courant provenant du chargeur. À 39 volts minimum, la batterie est considérée comme entièrement chargée et le flux de courant devient négligeable.


Bon à savoir : le module de commande consomme en moyenne 2000 W (plus ou moins la puissance requise d'un four électrique d'une cuisinière familiale). La cabine est parcouru par 30 km de câbles, assez pour équiper 50 maisons (avec 2 chambres). Les 3 batteries principales sont rechargées après chaque utilisation pour être opérationnelle à la rentrée.


Photo du câblage d'un CM.


La protection

À la suite de l'incendie de la cabine CM-012 du vol Apollo I, un nouveau matériau résistant au feu appelé Ladicote (retardateur de flamme) a été élaboré et appliqué à la brosse sur toutes les connections encapsulées.
Le Ladicote est une substance ignifuge, qui s'applique à la brosse, enveloppe les terminaisons, les éléments électroniques métalliques et les interrupteurs. Le produit a été développé par les chimistes de la division de Los Angeles de North American Rockwell.
Tout au long des 24 km de câbles électriques, les panneaux d'interrupteurs ont étés ignifugés avec douze couches d'enduit Ladicote. Les faisceaux de fils, jusqu'ici exposés à de dangereuses éraflures et à l'usure lors de l'assemblage, de la maintenance, des tests et des vols, sont maintenant enfermés dans des panneaux métalliques protecteurs, qui font également office de pare-feu.


Panneau 276 du CM avec 4 disjoncteurs (crédit photo : space1.com).

Vue rapprochée sur l'enduit Ladicote (crédit photo : space1.com).


Câblage du vaisseau spatial

En raison de contraintes de masse, une grande partie du câblage du CM Apollo a été isolé avec du Téflon à paroi mince recouvert d’un fin revêtement de polyimide. Ce fil était extrêmement susceptible d’être endommagé, et de nombreuses procédures spéciales ont été mises au point pour assurer l’intégrité du câblage après son installation dans l’engin spatial, lors de l’installation et de la vérification de l’équipement, ainsi que pendant la mission. La complexité du faisceau de câbles du compartiment de l’équipage est illustrée ci dessous.



Schéma de localisation du faisceau électrique interne du CM

En raison de la petite taille du compartiment de l’équipage et du nombre limité de techniciens pouvant travailler dans ce compartiment en même temps, il n’était pas pratique d’essayer de câbler l’engin spatial (mesures, découpes et autres opérations) in situ.
Un dispositif d’assemblage spécial a été mis au point pour faciliter l’assemblage du faisceau électrique du compartiment de l’équipage. Toutes les opérations de fabrication ont été effectuées sur un gabarit (photo ci-dessous), y compris l’installation de connecteurs. Une fois les opérations d'assemblage terminées, le contractant a procédé à une inspection, à la suite de quoi le faisceau a été soumis aux inspecteurs du gouvernement pour une inspection visuelle. L’opération finale a consisté en un test diélectrique automatisé alors que le harnais était encore dans l'appareillage de montage. Une fois la vérification du faisceau terminée, l'ensemble a été déplacé vers la zone de montage de l’engin spatial pour son installation dans le CM.



Gabarit d'assemblage du faisceau électrique du CM

L’installation du faisceau électrique est une opération complexe qui nécessite un soin considérable pour ne pas l'endommager. Celui-ci achevé, enveloppé dans un matériau plastique de protection, pèse plus de 600 kg et est extrêmement difficile à manipuler en raison des nombreuses ruptures de fils et de connecteurs. L'entrepreneur a conçu une auge recouverte de Téflon qui s'insère dans la trappe du module de commande et permet au faisceau d'être introduit dans la cabine. Lorsque il est introduit dans le module de commande, les techniciens positionnent ses cavaliers et les fixent en position définitive.



Auge d'insertion du faisceau électrique



Textes traduits de l'anglais (Apollo new ref. 1968 document PDF et Apollo experience report, reliability and quality assurance), texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.