LES ÉCLAIRAGES
L'éclairage interne et externe du vaisseau spatial Apollo exige un niveau élevé de qualité et de fiabilité enfin d'assurer une excellente lisibilité des affichages et des commandes pendant toute la mission. Le matériel d'éclairage est conçu pour résister aux fortes vibrations et aux accélérations importantes du lancement, ainsi qu’à un fonctionnement prolongé dans l’environnement extrême de l’espace.
Les exigences du système d'éclairage reposent sur de nombreuses études et évaluations des moyens d'éclairage, menées à l'aide de maquettes. Le système d'éclairage d'Apollo est composé de deux catégories principales :
Le système d'éclairage interne, qui inclus tous les affichages intégrés, du tableau de bord principal et l'éclairage général de la cabine assuré par des projecteurs. L'éclairage intégré désigne les méthodes permettant d’éclairer de l’intérieur les affichages, les panneaux de commande et les instruments.
L'éclairage général du CM est assuré par des lampes fluorescentes, tandis que celui du LM utilise des lampes à incandescence. Pour l'éclairage intégré des affichages des deux véhicules, des lampes électroluminescentes sont utilisées. l s’agit de la première application de rétroéclairage pour un tableau de bord complet de vaisseau spatial, ainsi que de la première utilisation à grande échelle de l’éclairage électroluminescent par l’industrie aérospatiale.
L’éclairage externe, commun au CM et au LM, comprend des feux de signalisation, un projecteur destiné aux activités extravéhiculaires et un projecteur d’amarrage situé sur le module de commande. Ces dispositifs utilisent des lampes à incandescence. Pour faciliter le repérage visuel, une balise clignotante au xénon est installée sur les deux véhicules. La cible d'accostage du module lunaire ainsi que les mains courantes utilisées lors des activités extravéhiculaires sur CM sont éclairées à l'aide de disques radioluminescents. Quant à la cible d’amarrage du module de commande, elle est éclairée par une combinaison de lampes électroluminescentes et de lampes à incandescence.
Pendant le développement du système d'éclairage, le principal défi rencontré a été l’utilisation des lampes électroluminescentes, une source lumineuse relativement nouvelle à l’époque. Étant installées directement dans les panneaux, ces lampes nécessitaient un dimensionnement et un façonnage précis dans des zones spécifiques, impliquant des tolérances de fabrication très strictes afin de garantir une luminosité optimale des affichages.
L'éclairage des engins spatiaux a posé des problèmes uniques à l'industrie de l'éclairage. Par exemple, chaque 500 g d'équipement requiert environ 227kg de carburant pour effectuer un aller-retour vers la Lune. Les matériaux doivent subir de nombreux essais afin de vérifier leur aptitude à résister aux conditions sévères du vol spatial, notamment des niveaux d’accélération et de vibrations nettement supérieurs à ceux rencontrés dans les environnements d’éclairage conventionnels.
La fiabilité et la redondance revêtent une importance capitale lorsque le niveau d’éclairement artificiel doit couvrir un spectre allant d’une forte intensité lumineuse (en candela, symbole : cd) pour les voyants d'alarme — visibles par vision périphérique lors des phases d’accélération élevée — jusqu’à l’obscurité totale, nécessaire aux observations spatiales (nécessitant l'élimination de l'ombrage à l'intérieur du véhicule). Ces exigences ont joué un rôle déterminant dans la sélection des systèmes d’éclairage du CM et du LM.
L'éclairage principal de la zone d'affichage et de contrôle (display and control, D&C) du vaisseau spatial Apollo repose sur la transillumination, un procédé d’éclairage de panneau dans lequel la lumière est émise par l’arrière. Apollo constitue la première application de rétroéclairage complet d’un tableau de bord spatial — incluant nomenclature, instruments, cadrans, etc.
Les couleurs primaires utilisées dans les deux engins spatiaux sont les suivantes : le blanc pour la nomenclature et les instruments, le vert pour les caractères alphanumériques, le rouge pour les avertissements et le jaune pour les indications de prudence.
Trois méthodes d’éclairage sont mises en œuvre à bord : l’auto-éclairage, l’éclairage direct incident — incluant l’éclairage latéral des faces de certains instruments — et la transillumination. Ces trois méthodes sont généralement utilisées pour l’éclairage des indicateurs, des commandes, des dispositifs de lecture, des affichages, des commutateurs de systèmes, de la nomenclature et des voyants (dispositifs de signalisation conçus pour attirer l’attention par des moyens visuels, et parfois auditifs).
La luminosité maximale des éléments de nomenclature, des instruments et des voyants de contrôle est comprise entre 0,3 et 0,7 ft-L (foot-lambert). Celle des lectures alphanumériques varie de 8 à 18 ft-L. Le système d’éclairage intégré peut être atténué par l’équipage depuis son niveau maximal jusqu’à un niveau proche de zéro (0,01 ft-L).
Le système d'éclairage secondaire du CM comprend des projecteurs intérieurs. Il est composé de six ensembles de projecteurs et de trois panneaux de commande. Chaque ensemble de luminaires contient deux lampes fluorescentes (principale et secondaire) ainsi qu’un convertisseur. Les lampes sont alimentées par du 28 vdc (Volt Directionnel Courant) à partir des bus principaux DC (Directionnel Courant) A et B ce qui assure une redondance en cas de défaillance de l’un des bus. Le convertisseur transforme le 28 vdc en une tension continue pulsée dc de haute intensité nécessaire au fonctionnement des lampes fluorescentes.
Les projecteurs assurent l’éclairage de trois zones spécifiques : la console d'affichage principale gauche. la console d'affichage principale droite et la baie à équipement inférieure. Par ailleurs, six dispositifs d’éclairage situés dans le tunnel du CM assurent l’éclairement nécessaire aux opérations d’amarrage et de désamarrage. Chaque dispositif, alimenté en 28 VDC via l’interrupteur TUNNEL_ LIGlITS.OFF du panneau MDC-2, contient deux lampes à incandescence.
Le système d'éclairage par projecteurs du LM utilise des lampes à incandescence. Il constitue principalement un système secondaire redondant, destiné à prendre le relais en cas de défaillance de l’éclairage intégré du tableau de bord ou d’un instrument. L’éclairement des panneaux d’affichage reste relativement faible, mais n’est jamais inférieur à 0,2 ft-c (foot-candle) sur le panneau principal. En revanche, le système de projecteurs du module de commande (CM) fait partie intégrante du système d’éclairage principal. L’intensité lumineuse des projecteurs du CM est donc nettement plus élevée que celle du LM, avec une valeur nominale de 30 ft-L (foot-lambert).
Pour l'orientation et l'altitude à une distance de 1,6 km à 152 m, des feux de signalisation sont utilisés sur le LM et le CM. Le codage des couleurs suit la norme standard des aéronefs. Le vaisseau CSM est équipé de huit feux de signalisation. Les quatre feux avant sont montés sur la section de l'adaptateur du CM, à l'arrière du point de séparation entre l'adaptateur CM/SM. Les quatre feux arrière sont installés près de la cloison arrière du module SM. Le LM utilise le même type de feux et le même code de couleur pour l'orientation et l'altitude, à l'exception des feux arrière. Le LM dispose également de feux de signalisation à l'avant et à l'arrière.
Des préoccupations ont été soulevées concernant la portée de distinction des couleurs des feux de signalisation, notamment si les membres d'équipage pourraient effectivement distinguer les couleurs rouges et jaunes à 305 m de distance. Par conséquent, des essais ont été réalisés à la chambre à brouillard de l'administration fédérale de l'aviation (FAA) à Oakland, en Californie, pour vérifier la capacité de détection des feux de signalisation. Les résultats des tests ont démontré que les lumières étaient détectables à 610 m et que les couleurs pouvaient être distinguées à 305 m.
ft-L : Le foot-lambert est une unité de luminance du système d'unités de mesure américaines.
FtC : Le foot-candle est une unité d'éclairement lumineux du système d'unités de mesure américaines.
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Texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.