LE CSM BLOCK I
Le module de commande et de service (CSM) du programme Apollo est le premier vaisseau interplanétaire jamais conçu, spécialement développé pour évoluer dans l’espace cislunaire.
Le Block I représente une version de production limitée du vaisseau spatial, destinée au développement et à la qualification des systèmes de vol. Sa configuration pour les missions Apollo vise à :
Développer le module de commande et de service pour les missions en orbite terrestre.
Tester les capacités des systèmes opérationnels notamment les procédures d’abandon, d’atterrissage et de récupération en mer, ainsi que leur compatibilité avec les lanceurs Saturn IB et Saturn V et leur fonctionnement en orbite terrestre.
Former des équipes qualifiées pour le contrôle de mission, le lancement, le réseau des vols spatiaux habités (MSFN), la récupération et l'analyse des vols.
Les premières missions ont permis de vérifier l’intégrité structurelle des engins spatiaux, le bon fonctionnement des systèmes et leur compatibilité. Une fois ces tests achevés, une série de vols non habités a été réalisée pour valider l’interaction entre le vaisseau et son lanceur, ainsi que pour évaluer les procédures de pré-lancement, de vol et de post-mission.
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Mais alors concrètement pourquoi deux versions du vaisseau Apollo (Block I et Block II)?
Cette dualité résulte des incertitudes qui ont marqué le début du programme.
En effet, le 28 novembre 1961, la NASA confie la construction du vaisseau Apollo à North American Aviation. Toutefois, à ce moment-là, l’agence n’a pas encore arrêté son choix sur le mode de mission. Vers la fin de l’année, elle privilégie fortement le rendez-vous en orbite terrestre, mais une autre approche gagne en popularité : le rendez-vous en orbite lunaire.
Après presque un an de débats, la NASA tranche finalement le 11 octobre 1962 en faveur du rendez-vous en orbite lunaire (LOR). Ce revirement intervient près d’un an après l’attribution du contrat à North American, qui travaillait jusque-là sur un concept désormais obsolète. L’entreprise doit alors adapter son vaisseau, initialement prévu pour une autre mission, en un véritable "vaisseau mère" capable de transporter et de larguer un module lunaire.
Ce changement de cap soudain menace d’annuler une année entière de travail. Pour éviter cela, North American cherche à rendre son vaisseau compatible avec les nouvelles exigences. Pourtant, la NASA ne fournit que peu de directives précises. Un avis de modification de contrat, assez vague, est envoyé pour définir les contraintes liées à l’amarrage entre le module de commande et le module lunaire. L’agence n’impose pas de méthode particulière, à condition que l’arrimage ait lieu après l’allumage de l’étage supérieur de la Saturn V (S-IVB), chargé de propulser l’ensemble vers la Lune. Seule exigence claire : le transfert des astronautes entre les deux modules doit se faire via un tunnel pressurisé, évitant ainsi le port des combinaisons spatiales.
À ce stade, la NASA exige également que le nouveau module de commande, conçu pour les missions lunaires, soit équipé d’une trappe pouvant s’ouvrir en vol afin de permettre des sorties extravéhiculaires (EVA).
La demande d’un système d’amarrage ainsi que cette nouvelle trappe figurent parmi les nombreuses modifications que la NASA soumet à North American vers la fin de l’année 1962. Ces changements sont si conséquents que l’entreprise doit, en réalité, produire simultanément deux versions du vaisseau Apollo.
Comme les deux modèles partagent la même structure et les mêmes systèmes de base, North American propose une solution pour préserver le travail déjà accompli : un concept de "Block". Présenté à la NASA, ce concept est officiellement approuvé le 24 janvier 1964. Neuf mois plus tard, en septembre 1964, l’agence valide le plan général du vaisseau spatial.
Les vaisseaux Block I, identifiables par leurs numéros de série inférieurs à 100, ne sont pas équipés du système de rendez-vous ni du matériel d’amarrage et sont exclusivement destinés aux missions en orbite terrestre. Toutefois, en raison des retards du programme et surtout de la tragédie de l’incendie du CSM 012 Block I sur le pas de tir, aucun vol habité n’a été réalisé avec cette version.
Le saviez-vous : Le 28 avril 1966, un incendie s’est déclaré dans le système de contrôle environnemental lors d’un test non habité. Bien que personne n’ait été blessé, plusieurs équipements du vaisseau spatial ont été endommagés. Pourtant, cet incident n’a pas ravivé le débat sur l’environnement de la cabine de l’équipage. L’enquête a révélé que les dégâts les plus importants avaient été causés par une bande chauffante de qualité commerciale, un élément qui n’aurait pas été présent lors d’une véritable mission. Cependant, l’incendie a conduit à des modifications de l’aménagement de la cabine. North American a mené une investigation approfondie afin d’éliminer tout matériau combustible trop proche des systèmes électriques. L’entreprise a également supprimé les risques d’incendie liés aux fuites de liquide, à la surchauffe des lampes et à la présence de larges surfaces de tissu et de mousse exposées. Malheureusement, ces améliorations n’ont été appliquées qu’au vaisseau spatial Block II, tandis que le Block I, qui se préparait pour son premier vol, est resté inchangé.
Le CSM a été conçu de manière à permettre à un seul membre d’équipage d’exécuter toutes les tâches essentielles pour garantir un retour en toute sécurité en cas d’urgence. De son côté, le module de commande (CM) devait assurer un environnement habitable pour l’équipage pendant 48 heures et offrir des conditions de flottaison adaptées pour une durée de 7 jours après l’amerrissage.
Le vaisseau spatial Block I est équipé de trois trappes verrouillées et situées sur les trois structures du module de commande :
(1) Trappe de la structure interne pressurisée
S'ouvre vers l’intérieur et est entièrement amovible.
Légère, elle est conçue pour résister aux charges appliquées grâce à des membrures s’emboîtant sur trois côtés et des loquets sur le quatrième.
L’étanchéité est en grande partie assurée par la pression de la cabine, qui doit être équilibrée avant de pouvoir retirer et ranger l’écoutille.
(2) Trappe du bouclier thermique
S’ouvre vers l’extérieur.
Structure amovible, maintenue par des membrures s’emboîtant et des loquets sur les quatre côtés.
(3) Trappe du BPC (Boost Protective Cover pour bouclier de protection au lancement)
Structure amovible en fibre de verre et liège, s’ouvrant vers l’extérieur.
Peut être déverrouillée depuis l’intérieur du module en frappant un piston plongeur qui traverse l’écoutille du bouclier thermique et active le mécanisme des loquets du BPC.
Peut également être ouverte de l’extérieur à l’aide d’un outil spécifique
Procédure classique pour l'évacuation :
(1) Égaliser la pression à travers la trappe de la structure interne.
(2) Déverrouiller, retirer et ranger la trappe à l'intérieur du module de commande.
(3) Frapper le piston plongeur pour libérer les loquets de la trappe du BPC.
(4) Déverrouiller les loquets du bouclier thermique.
(5) Pousser vers l'extérieur les trappes du bouclier thermique et du BPC.
(6) Évacuer.
Ce système de trappes est jugé adéquat pour la première génération du vaisseau Apollo (Block I), car aucune sortie extravéhiculaire n’est requise, et un temps d’évacuation de 90 secondes pour les trois astronautes est considéré comme suffisant. L’option d’un grand panneau d’évacuation explosif, permettant une sortie simultanée de l’équipage, a été abandonnée en raison des risques liés à la présence d’un dispositif pyrotechnique à l’intérieur du compartiment d’équipage.
Espace cislunaire : Espace entre la Terre et la Lune, ou entre la Terre et l'orbite de la Lune.
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Texte et schémas de Paul Cultrera, tout droits réservés, d'après les documents PDF n° : 19740075010_1974075010.pdf, Apollo_Training_Struct_Mech.pdf, CM familirisation, avril 65.pdf (renommé).