LE BOUCLIER THERMIQUE (TPS pour Thermal Protection system)



Son rôle : il protège en partie des radiations (provenant de la ceinture de Van Allen, du rayonnement solaire et cosmique), contre les micrométéoroïdes, contre les écarts de température durant le voyage spatial, et principalement de la chaleur intense due à la compression de l'air dans les différentes couches atmosphériques terrestre (allant de 1500° à 2500° C) lors de la phase de rentrée atmosphérique, grâce au principe de refroidissement par ablation.


Le bouclier thermique se compose de trois éléments distincts, construits séparément, contrôlés, unis et assemblés sur la structure interne du CM :

- le Forward Heat Shield qui protège le compartiment avant (Forward Compartment) lequel comporte le système de récupération de la capsule ;
- le Crew Compartment Heat Shield qui entoure le compartiment de l'équipage (Crew Compartment, également appelé Inner Pressure Compartment, pour compartiment interne pressurisé) ;
- le AFT Heat Shield, bouclier principal arrière celui qui est soumis aux plus grandes contraintes thermiques et mécaniques.


Les 3 éléments distincts du bouclier thermique d'un CM Block I

boucliers thermiques d'un CM Block II
(à noter la forme moins conique du bouclier avant, dû à la présence de la sonde d'amarrage, absente sur le CM Block I)

Composition : les panneaux constituant l'ensemble du bouclier sont une construction dite composite. Ils sont formés d'une structure dite portante (voir schéma ci-dessous) en nid d'abeille d'acier inoxydable brasée entre deux tôles de ce même métal. Chaque sous-ensemble, tel que le Forward Heat Shield ou bouclier thermique avant (qui protège les parachutes), contient plusieurs de ces panneaux sandwich brasés (4 panneaux) qui sont soudés par NR Corporation. Une seconde structure en nid d'abeille, fabriquée cette fois en fibre de verre, sert de matrice pour recevoir la résine époxy novolac dans ses alvéoles. Elle est découpée, posée par collage chez AVCO Corporation. L'ensemble a une masse totale d'environ 848 kg (structure du bouclier + résine).

Dessins 3D réalisés par Fred Servian sur original de la NASA.


Dégradation en coupe

Résultat (bouclier du module de commande Casper, Apollo XVI)


Protection : le matériau ablatif est un composite spécial à base de résine (désignation AVCO 5026-39G) développée par Avco Corp., Lowell, Mass. Il est injecté avec le plus grand soin dans chaques cellules de la matrice en nid d'abeille (environ 350 000 cellules) à l'aide d'un dispositif hypodermique ressemblant à un pistolet à calfeutrer. Si, lors du contrôle qualité, une inspection aux rayons X révèle la moindre bulle d'air dans une quelconque alvéole, celle-ci doit être entièrement refaite. Ce matériau ablatif, en se consumant lentement lors de la rentrée dans l'atmosphère, protège l'ensemble de la capsule d'un risque de combustion violente.

L'épaisseur du bouclier, exposé à la chaleur lors de la rentrée atmosphérique, varie selon la zone à protéger, allant de 22,86 mm à 68,5 mm pour la résine ablative et de 12,7 mm à 50,8 mm pour l'âme en acier.
Pour assurer la bonne tenue du bouclier pendant le vol, il est recouvert de trois pellicules successives :
- un apprêt brillant pour éviter l'évaporation de la résine.
- un revêtement plastique qui le protège contre l'humidité et les manipulations au sol.
- un film autocollant thermorégulateur en Kapton aluminisé, protégeant contre le rayonnement solaire.

Petite anecdote : par la suite, l'application de la résine a été le plus souvent accomplie par des techniciennes de la société Avco, car elles avaient plus de doigté et une meilleure finition que leurs collègues masculins (selon une remarque de Tom Hanks dans la série From the Earth to the Moon). Pour l'anecdote, elles/ils (quelques hommes étaient également dans le groupe) étaient surnommés : "artilleur". Le travail était jugé si critique et délicat qu’un entraînement de deux semaines était nécessaire avant de pouvoir travailler sur le bouclier thermique. À la fin de cette période, un panneau de qualification devait être réalisé à l’aide d’un pistolet automatique et d’un pistolet manuel. Ce panneau était ensuite soumis à un examen aux rayons X pour vérifier qu’il répondait aux spécifications avant qu’il ne soit certifié. Seuls ceux qui réussissaient étaient considérés comme artilleurs qualifiés et autorisés à travailler sur le bouclier thermique d'une capsule.



Injection de la résine à l'aide de pistolets pneumatiques par des ouvrières et ouvriers d'Avco corp.


Collage : technique d'assemblage reposant sur des principes de réactions chimiques, permettant une adhésion parfaite entre deux surfaces de matériaux différents ou identiques (par exemple : colle résine, colle ciment).

Principe de refroidissement par ablation : mode d'action des boucliers thermiques des engins spatiaux habités, permettant de protéger contre la chaleur intense (due à la compression de l'air) lors de la rentrée atmosphérique terrestre.
Le matériau utilisé est un composite spécial, principalement de la résine phénolique (qui lie les autres ingrédients et forme une surface solide en carbone lorsqu'elle se dégrade sous l'effet de la chaleur), associé à 14 substances diverses (telles que des poudres de nylon, des microballons creux fabriqués à partir de résine phénolique, des fibres de quartz, etc.). Sous l'effet de la chaleur, ce matériau fond, se vaporise en partie, puis se carbonise et se cokéfie, formant une couche isolante très efficace. Ce processus utilise la chaleur du milieu ambiant pour se produire.
Ce phénomène se déroule à la surface du bouclier thermique. En brûlant, s'évaporant et fondant, la résine époxy et ses ingrédients absorbent la chaleur et refroidissent la zone sous-jacente. La couche de vapeur générée protège les matériaux de l'air échauffé par l'onde de choc, tandis que les couches inférieures forment une " mousse " poreuse qui isole la cabine. La conductivité thermique étant extrêmement faible, seule une petite quantité de chaleur pénètre dans l'habitacle pressurisé.
Pour limiter encore cet échauffement, la cabine et son équipage bénéficient de l'ECS (Environmental Control System, ou système de contrôle environnemental), qui joue un rôle de puissant climatiseur. De plus, des manœuvres de vol sont exécutées pour aplanir la trajectoire de freinage, réduisant ainsi l'intensité du frottement atmosphérique et, par conséquent, la quantité de chaleur générée.

Le bouclier thermique ablatif fonctionne par pyrolyse : la couche la plus externe devient tellement chaude qu'elle se vaporise, évacuant la chaleur. Ce phénomène se répète pour chaque couche suivante, et ainsi de suite. Plutôt que de pénétrer dans le véhicule et d'augmenter la température de l'habitacle, l'excès de chaleur est dissipé dans l'atmosphère.

En résumé, l'ablation est un moyen de protection thermique basé sur des transformations physico-chimiques des matériaux solides, soit par convection, soit par rayonnement..

En d'autres termes, l'ablation est une gestion de l'énergie par la consommation de matériaux.



Vidéo de rentrée dans l'atmosphère d'Apollo 11 (vue de l'interieure)




Photo d'Apollo 8 lors de sa rentrée dans l'atmosphère




PRÉAMBULE

Disclaimer : Il existe de nombreuses études, de nombreux tests et programmes sur la conception du TPS. J'ai choisi de décrire ce programme car il était le plus représentatif des efforts fournis et offrait des informations les plus complètes sur son déroulement.


Le projet FIRE

Avec le lancement du programme Apollo en 1960, un vaste ensemble de technologies et de techniques devait être développé afin de permettre la réalisation de missions avancées au-delà de l'orbite terrestre. Parmi ces défis figurait la mise au point d’une méthode permettant d’assurer le retour en toute sécurité du module de commande (CM) depuis la Lune jusqu'à la Terre. À cette époque, la NASA et certaines branches de l'armée disposaient d'une expérience pratique concernant les véhicules spatiaux et les engins de rentrée équipés d'ogives, pénétrant l'atmosphère terrestre à des vitesses pouvant atteindre environ 7 000 m/s. Toutefois, la rentrée atmosphérique d'Apollo devait s'effectuer à une vitesse bien supérieure, de 11 300 m/s, impliquant une énergie cinétique plus de deux fois élevée que celle d’un vaisseau revenant d’une orbite terrestre basse.
Bien que l'expérience acquise permette d'extrapoler les charges thermiques impliquées, les résultats obtenus varient selon les méthodes employées. Les incertitudes associées à ce nouveau régime environnemental devaient être prises en compte afin d'assurer une protection adéquate du vaisseau spatial et de son équipage, sans entraîner de pénalité de masse excessive. Pour répondre à ces défis, la NASA a initié le projet FIRE (Flight Investigation Reentry Environment).



Origine du projet FIRE

En septembre 1960, le personnel du Langley Research Center de la NASA, alors responsable du projet Mercury, proposa de lancer une série de quatre véhicules de rentrée afin d’étudier les conditions d’une rentrée atmosphérique à grande vitesse depuis la Lune ou au-delà. Ces véhicules, basés sur des composants du vaisseau spatial Mercury, devaient être envoyés à l’aide de la nouvelle fusée Atlas-Agena B. Ce programme aurait permis au personnel du projet Mercury d’acquérir une expérience supplémentaire dans les procédures de suivi et d’acquisition de données, tout en fournissant des informations essentielles pour la conception des futurs vaisseaux spatiaux.
Cette proposition fut abandonnée en 1961 au profit d’un nouveau projet, initialement baptisé FIARE (Flight Investigation of Apollo Reentry Environment). Un autre nom, CALORIE, fut suggéré par la direction de la NASA en septembre 1961, mais ne fut finalement pas retenu. En août 1961, le plan révisé prévoyait le lancement de quatre modèles réduits de la forme du module de commande Apollo, chacun propulsé par une fusée Atlas-Agena B. Ces véhicules de rentrée devaient être équipés de boucliers thermiques en béryllium afin de mesurer directement les charges thermiques subies lors d’une rentrée atmosphérique à grande vitesse.

Le 18 février 1962, la NASA annonça officiellement la mise en place d'un programme modifié, désormais connu sous le nom de projet FIRE (Flight Investigation Reentry Environment). Plutôt que d'utiliser la fusée Atlas-Agena B, jugée relativement coûteuse, le projet FIRE reposerait sur des missiles balistiques intercontinentaux Atlas-D modifiés, construits par General Dynamics, pour lancer un module de rentrée sur une trajectoire balistique suborbitale. Ce module serait ensuite équipé d’un module de vitesse, basé sur une fusée à propergol solide, permettant d’accélérer la maquette du module de commande Apollo jusqu'à une vitesse d’environ 11 300 m/s au moment du retour, afin de tester les conditions de rentrée atmosphérique.
Afin de réduire les coûts, seuls deux lancements furent programmés sur la période 1963-1964, au lieu des quatre initialement prévus. Le projet, placé sous la direction de l’Office of Advanced Research and Technology de la NASA, fut confié au Langley Research Center pour sa gestion. Le 29 mars 1962, la NASA désigna Republic Aviation comme maître d’œuvre de l’ensemble de rentrée atmosphérique et Chance Vought comme maître d’œuvre de l’ensemble de vitesse. Enfin, le 20 novembre 1962, General Dynamics fut désigné comme contractant principal pour l’intégration des systèmes.


Un modèle du module de rentrée du projet FIRE en préparation pour des essais en soufflerie au Langley Research Center

Les objectifs du projet FIRE incluaient la mesure du transfert de chaleur radiatif et conductif vers le module de rentrée, de l’énergie radiante et des données spectrales de la calotte gazeuse chaude située juste en avant du corps rentrant. Parmi les objectifs secondaires figuraient la mesure de la réponse des matériaux du bouclier thermique et l’évaluation des effets d’atténuation des ondes radio durant la période de blackout lors de la rentrée atmosphérique.
En complément des essais en vol, le projet FIRE prévoyait également une série de tests au sol, menés au Langley Research Center, en utilisant la soufflerie à plan unitaire, le tunnel à haute température de 2,4 m et le tunnel à structures thermiques de 2,7 × 1,8 m.



Matériel et profil de la mission

Les boosters Atlas D utilisés pour le projet FIRE étaient des versions « à peau épaisse », similaires à celles employées pour le projet Mercury, et conçues pour transporter des charges utiles plus lourdes que la variante standard du missile ICBM. Produisant une poussée de 1 633 kilonewtons au lancement grâce à son ensemble de propulsion MA-5, fabriqué par Rocketdyne (composé d'une paire de moteurs d'appoint et d'un moteur principal), la fusée, d'une masse de 123 tonnes métriques, devait propulser sa charge utile sur une trajectoire balistique à haut apogée.
La charge utile, protégée par un carénage à coquille pendant l'ascension, était constituée d'un module de vitesse et d'un module de rentrée, d'une hauteur totale de 3,66 mètres et d'une masse d'environ deux tonnes. Au cœur du module de vitesse, pesant 1 905 kilogrammes, se trouvait un moteur à propergol solide Antares A5 (parfois désigné X-259 ou Antares II), fabriqué par le laboratoire balistique d'Allegany. Ce moteur, similaire à celui utilisé pour le troisième étage du lanceur Scout entièrement solide, pesait 1 273 kg et devait générer une poussée de 61 kilonewtons pendant 30 s.
L'ensemble de vitesse comprenait également une coque qui assurait la connexion physique entre le moteur et le lanceur Atlas. À l'intérieur de cette coque se trouvait un système de contrôle d'attitude et de stabilisation, semblable à celui utilisé sur le Scout. Ce système reposait sur six jets de gaz froid et un ensemble de trois fusées pour faire tourner la fusée Antares et le module de rentrée, garantissant ainsi la stabilité avant l’allumage.


Lanceur Atlas D

Vue en coupe de la charge utile

Vue éclatée de la charge utile

Le module de rentrée, pesant 83 kg, était fixé au module de vitesse par un adaptateur de 24 kg, qui incluait également une paire de petites fusées de séparation. Ce module de rentrée avait la forme d'un cône de 66 cm de diamètre à la base et 53 cm de hauteur, soit environ un sixième de l'échelle du module Apollo CM.


Photo du module de rentrée en condition de vol

Vue en coupe du module de rentrée et de son système de séparation

Le bouclier thermique du module de rentrée était composé de trois calorimètres en béryllium, entrelacés avec des couches d'amiante phénolique pour l’isolation. Ces calorimètres devaient être largués successivement sur commande pendant la rentrée, permettant ainsi d’obtenir des mesures précises de la charge thermique à partir d’un nouveau dissipateur de chaleur, au cours de trois phases clés de la descente.
Le dispositif de rentrée comprenait 258 thermocouples, une paire de radiomètres pour mesurer l’énergie radiante totale, ainsi qu’un système de télémétrie diffusant les données en temps réel. Il comportait également un système à bande pour transmettre les données collectées pendant la coupure radio durant la rentrée. Les informations provenant du module de rentrée étaient complétées par des observations effectuées au sol et dans les airs lors de la rentrée, dans des conditions de ciel clair et nocturne. Il n'était pas prévu de récupérer le module de rentrée.


Vue éclatée du module de rentrée

Localisation des différents systèmes d'un module FIRE

Une mission typique commence par le lancement de la fusée Atlas-Antares II depuis le complexe de lancement 12 (LC-12) de Cap Kennedy, la fusée et sa charge utile descendant le long de l'Atlantic Missile Range. Après environ cinq minutes de vol propulsé, le moteur principal de l'Atlas s'éteint, suivi quelques secondes plus tard par l'extinction des moteurs de vernier, qui ajustent la trajectoire de la fusée ascendante. Cette étape est suivie du largage de la coiffe et de la séparation du vaisseau spatial à une altitude d’environ 305 km, à quelque 790 km en aval de la trajectoire.
Afin d'assurer une séparation maximale, l'Atlas tire une série de rétrofusées pour augmenter encore la vitesse de séparation et éviter tout contact avec le vaisseau spatial. Le module de vélocité utilise alors ses jets de gaz froid pour définir et maintenir son attitude en préparation pour la rentrée atmosphérique. Après 15 min de vol, le module de vitesse atteint un apogée d’environ 800 km, à environ 3 900 km de distance de l'aire de lancement.

Après une période de 21 min suivant l'arrêt du moteur Atlas, une série d'événements se déroule à un rythme rapide pour accélérer le module de rentrée à la vitesse requise. Environ 25 min et 45 s après le lancement, une minuterie allume les trois fusées de rotation de la coque du module de vitesse, faisant tourner la fusée Antares et le corps de rentrée à 180 tours par min. Trois secondes plus tard, la coque du module de vitesse est larguée, suivie de l'allumage du moteur de la fusée Antares trois secondes après cela.
Environ 27 min après le lancement, la fusée Antares épuisée se sépare du module de rentrée grâce à un dispositif à ressort produisant une vitesse relative d'environ 2 m/s. Six secondes plus tard, une paire de petites fusées est allumée sur l'adaptateur pour faire culbuter l'ensemble, ce qui augmente la traînée et améliore encore la vitesse de séparation.


Profil de mission du projet FIRE

Le module de rentrée atteindrait son interface atmosphérique à une altitude de 122 km, se déplaçant à une vitesse d'environ 11 300 m/s dans une direction située à 15° au-dessous de l'horizontale locale. En descendant, le module de rentrée transmettrait ses résultats en temps réel à une station située sur l'île de l'Ascension, dans l'Atlantique Sud, où d'autres observateurs au sol seraient présents. L'Université du Michigan était chargée de lancer une charge utile de 29 kg à bord d'une fusée-sonde Nike-Apache, peu après la rentrée, afin de fournir des mesures in situ des propriétés de la haute atmosphère jusqu'à une altitude de 120 km, données qui seraient utilisées pour interpréter les résultats de la rentrée du projet FIRE.
Après la coupure des communications pendant la rentrée, les données enregistrées seraient transmises au sol jusqu'à une altitude d'environ 4,6 km, avant l'impact du module de rentrée dans l'Atlantique, à environ 8 250 km de distance, après un vol d'environ 32 min.




FIRE I

Le premier essai en vol du projet FIRE a utilisé l'Atlas 263D comme booster du lanceur Atlas-Antares II. Ce dernier est arrivé à Cap Kennedy le 28 août 1963 après avoir été accepté par l'USAF. Suite à une vérification post-expédition, l'Atlas 263D a été installé au LC-12 le 30 août pour une vérification avant le vol. L'Atlas a ensuite été retiré du LC-12 et entreposé dans le hangar J le 4 octobre. La fenêtre de lancement de la mission FIRE I ayant été fixée au mois d'avril, l'Atlas 263D a été sorti de l'entrepôt le 3 mars 1964 et remonté une dernière fois au LC-12. Le vaisseau spatial FIRE I, pesant 1 996 kg et composé des modules de vitesse et de rentrée, a été accouplé à l'Atlas le 18 mars pour les vérifications finales.

Après une simulation de lancement réussie le 3 avril 1964, tout était prêt pour une tentative de lancement le 6 avril. Malheureusement, des conditions météorologiques défavorables ont contraint à repousser cette date avant même que le compte à rebours ne débute. Le compte à rebours de quatre heures (plus les temps d'attente prévus) pour la première tentative de lancement proprement dite a commencé à 10 h 31, heure de l'Est, le 10 avril. Ce compte à rebours s'est déroulé en grande partie sans incident, à l'exception d'une attente imprévue pour résoudre un problème de batterie de l'Atlas. Des problèmes de télémétrie liés à l'Atlas ont cependant forcé une suspension du compte à rebours à 23 h 00 (heure de l'Est), alors que celui-ci était à la dixième minute. Finalement, à 23 h 12, le lancement a été annulé en raison des problèmes de télémétrie et des conditions météorologiques défavorables en aval.


Le lanceur Atlas 263D avec la première charge utile du projet FIRE sur la rampe de lancement LC-12

Le compte à rebours pour la deuxième tentative de lancement de FIRE I a commencé à 11 h 20, heure de l'Est, le 13 avril, mais le lancement a été annulé à 19 h 45, heure de l'Est, alors que l'horloge affichait T-40 min, en raison d'un problème avec le sabot de protection du moteur de sustentation de l'Atlas, suivi de problèmes d'instrumentation du vaisseau spatial qui n'ont pas pu être résolus dans la fenêtre de lancement. La troisième tentative de lancement, le lendemain, avec un compte à rebours débutant à 11 h 20, heure de l'Est, a finalement réussi, avec un décollage du LC-12 à 16 h 42 min 25,5 s, heure de l'Est, le 14 avril.

La performance quasi parfaite de l'Atlas 263D a été suivie par la séparation du vaisseau spatial trois secondes plus tard que prévu, soit 5 min et 11,5 s après le lancement. La charge utile FIRE I a atteint une altitude maximale d'environ 838 km environ 15 min et 50 s après le lancement, avant d'entamer sa longue descente vers la Terre. Après 26 min et 14,3 s de vol, les moteurs de rotation de l'enveloppe du paquet de vitesse se sont déclenchés, suivis trois secondes plus tard par la séparation de l'enveloppe. Trois secondes plus tard, le moteur de la fusée Antares II s'est allumé à une altitude de 299,4 km et s'est éteint après 32,8 s.

Au bout de 27 min et 20,2 s, le module de rentrée s'est séparé du moteur Antares, désormais épuisé. Après 6,9 s, le module de rentrée a atteint son interface atmosphérique à 122 km au-dessus de l'Atlantique, à une vitesse de 11 574 m/s et à un angle de 14,6° par rapport à l'horizontale locale, à 8 046 km en aval. Les forces g augmentant, la première éjection du bouclier thermique a été commandée 22,2 s après l'interface d'entrée, suivie de la seconde éjection du bouclier thermique sept secondes plus tard. La panne de communication ayant pris fin 28 min et 6,8 s après le lancement, le module de rentrée en chute libre a commencé à transmettre les données enregistrées quelques secondes plus tard. Les températures maximales pendant la rentrée ont atteint 11 130°C. L'impact a eu lieu quelques secondes plus tôt que prévu, après un vol de 32 min et 45,7 s. À l'exception d'une défaillance du gyroscope de roulis pendant le vol (qui compliquerait l'analyse des données), la mission a atteint tous ses objectifs et a permis d'obtenir des données inédites sur la rentrée la plus rapide d'un objet artificiel à ce jour.



FIRE II

Alors que les ingénieurs et les scientifiques commençaient à examiner les données fournies par le vol FIRE I, la NASA a informé les contractants du projet, au cours de l'été 1964, que les préparatifs pour le deuxième vol du projet pouvaient commencer. Le booster de FIRE II, Atlas 264D, est arrivé à Cap Kennedy le 2 mars 1965. Après une vérification post-expédition, l'Atlas a été érigé au LC-12 le 6 avril. L'accouplement du deuxième vaisseau spatial du projet FIRE a suivi. D'une masse de 2 006 kg, ce deuxième engin spatial était essentiellement identique au premier, à l'exception des modifications apportées aux radiomètres et de l'inclusion de capteurs de pression supplémentaires. Les périodes de largage des boucliers thermiques ont également été modifiées afin d'obtenir des données sur des parties légèrement différentes de la rentrée dans l'atmosphère.

La fenêtre de lancement pour la première tentative s'étendait de 17 h 14 à 23 h 29 (heure de l'Est) le 4 mai 1965, avec des opportunités quotidiennes supplémentaires jusqu'au 8 mai. Si ces tentatives étaient manquées, des fenêtres supplémentaires pour FIRE II étaient disponibles du 21 mai au 6 juin. Le compte à rebours pour la première tentative de lancement a commencé à 12 h 20 (heure de l'Est) le 4 mai. À l'exception d'un problème nécessitant le remplacement de la pompe hydraulique de support de l'Atlas dix minutes seulement après le début du compte à rebours, ce dernier n'a rencontré que des problèmes mineurs jusqu'à ce que l'attente d'une heure prévue commence à 17 h 15 (heure de l'Est), à la 45e minute. Malheureusement, des conditions météorologiques défavorables ont forcé l'annulation du lancement à 18 h 24 (heure de l'Est). De même, la tentative de lancement du lendemain a été annulée à 21 h 28 (heure de l'Est) en raison de problèmes météorologiques en aval.

La première série de fenêtres de lancement ayant été manquée au début du mois de mai, la troisième tentative de lancement de la mission FIRE II a eu lieu le 21 mai. Cependant, une fois de plus, le lancement a été annulé à 2 h 11 (heure de l'Est) en raison de mauvaises conditions météorologiques en aval. Le lancement ayant été reporté au lendemain, le compte à rebours a commencé à 10 h 22 (heure de l'Est) et s'est poursuivi jusqu'à la mise en attente prévue à T-45 min. Après une prolongation de 93 min de l'attente prévue d'une heure, les conditions météorologiques en aval se sont améliorées, ce qui a permis le décollage à 16 h 54 min 59,7 s (heure de l'Est) le 22 mai.


Le lancement de la mission FIRE II depuis la rampe de lancement LC-12 le 22 mai 1965 (photo originale NASA)

Comme son prédécesseur, l'Atlas 264D a fonctionné presque parfaitement, à l'exception d'une mise à feu plus longue que prévu de ses moteurs à vernier. Une minuterie embarquée a commandé la séparation du vaisseau spatial FIRE II de son propulseur épuisé 5 min et 10,3 s après le lancement. Le système de contrôle d'attitude a ensuite démarré son programme de tangage, alignant le vaisseau spatial à son attitude correcte 7 min et 15 s après le lancement. La charge utile FIRE II a atteint une altitude d'environ 818 km environ 15 min et 20 s après le lancement avant d'entamer sa descente. Après 25 min et 45 s de vol, les moteurs de rotation de l'enveloppe du module de vitesse se sont déclenchés, suivis trois secondes plus tard par la séparation de l'enveloppe. Quelque 3,3 s plus tard, le moteur de la fusée Antares II s'est allumé à une altitude de 299,9 km et s'est éteint 31,7 s plus tard.

À la 26e min et 50,4 s du vol, le module de rentrée FIRE II s'est séparé du moteur Antares et 7,3 s plus tard, il a atteint son interface de rentrée à une altitude de 122 km. À ce moment-là, le module de rentrée se déplaçait à une vitesse de 11 350 m/s et à un angle de 14,7° par rapport à l'horizontale locale, à 7 884 kilomètres en aval. Au cours de cette rentrée brutale, la première éjection du bouclier thermique a été commandée 24,4 s après l'interface d'entrée, suivie de la seconde éjection du bouclier thermique 5,4 s plus tard, après que la température maximale ait atteint 10 934 °C. Après la fin de la coupure des communications 27 min et 35,1 s après le lancement, le module de rentrée a commencé à transmettre les données enregistrées six secondes plus tard. L'impact dans l'Atlantique Sud s'est produit à 8 256 km de distance après un vol de 32 min et 14,3 s. Le matériel de vol n'a connu aucun problème de performance significatif et, une fois de plus, tous les objectifs de la mission ont été atteints.


Une photographie annotée montrant la rentrée de la deuxième charge utile du projet FIRE au-dessus de l'Atlantique Sud. Les repères temporels sont en secondes après le lancement (photo originale NASA)

Au final, avec ce deuxième vol du projet FIRE validant les mesures de la première mission effectuée 13 mois plus tôt, le projet a atteint ses objectifs. Bien que les données du projet FIRE aient indiqué que la charge thermique de rentrée pour Apollo était légèrement inférieure aux prévisions, les ingénieurs ont péché par excès de prudence et ont surdimensionné le bouclier thermique de 680 kg du CM d'Apollo. Au final, les missions Apollo sur la Lune n'ont érodé que 20 % de l'ablateur disponible, laissant une marge de sécurité plus qu'ample. Le siège de la NASA n'ayant pas financé une proposition visant à effectuer des missions plus avancées à des vitesses plus élevées, typiques d'un retour de l'espace interplanétaire, le projet FIRE s'est achevé. Le premier essai de rentrée à grande vitesse du CM d'Apollo lors de la mission non habitée Apollo 4, en novembre 1967, a permis de vérifier que la conception pouvait ramener le vaisseau spatial sur Terre en toute sécurité.








Textes de Paul Cultrera, tous droits réservés. D'après les documents originaux de la NASA en PDF : Project FIRE, NASA Press Release 65-131, April 28, 1965 ; Project FIRE Integrated Post Flight Evaluation Report – Flight No. 1, NASA Langley Research Center Report No. GDC BKF64-018, October 30, 1964 ; Project FIRE Integrated Post Flight Evaluation Report Flight No. II, NASA Langley Research Center Report No. GDC BKF65-042, September 24, 1965 ; Flight Parameters and Vehicle Performance for Project FIRE Flight II, Launched May 22, 1965, NASA Technical Note TN D-3569, August 1966 de John H. Lewis, Jr. and William I. Scallion ; NASA Historical Data Book Volume II: Programs and Projects 1958-1968, NASA SP-4012, 1988 de Linda Neuman Ezell ; Coming Home: Reentry and Recovery from Space, NASA SP-2011-153, 2011 de Roger D. Launius and Dennis R. Jenkins









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