LE CHRONOGRAPHE OMÉGA SPEEDMASTER, LA "MOON WATCH"
Rapide historique..
La première Omega Speedmaster a été produite en 1957. L'esthétique de son cadran s'inspirait des tableaux de bord des "belles italiennes" de l'époque, dont la lecture était facilitée grâce aux contrastes noirs et blancs. Sa conception de boitier unique est attribuée à Claude Baillod. Cependant, Omega apporta quelques modifications extérieures en 1960, notamment l'ajout d'une monture noire, l'augmentation du diamètre du boîtier de 39 à 40 mm, et le remplacement des aiguilles dauphines par des aiguilles en forme de flèche.
La Speedmaster tire son nom de son échelle tachymétrique et était à l'origine équipée du mouvement mécanique 27 CHRO C12, nommé également Omega 321 ou Lémania 2310 jusqu'en 1968, année où il fut remplacé par l'Omega 861 (Lémania 1873).
![]() Mouvement mécanique original de la Speedmaster, le Lémania 2310 |
![]() Nouveau mouvement mécanique à partir de 1968, le 861 |
Anecdote :
une Speedmaster, sortie de la ligne de production le 15 novembre 1961, avait déjà voyagé dans l’espace au poignet de l’astronaute Wally Schirra lors de la mission Mercury-Atlas 8 (Sigma 7), le 3 octobre 1962. Il s'agissait du modèle CK2998, le second modèle de Speedmaster.
Le saviez-vous? Schirra était d'origine suisse par son père, Walter Schirra Sr., originaire du canton du Tessin.
Omega et la Lune...
Chaque fois qu’un astronaute effectuant une EVA tourne son poignet, la montre passe de l’ombre aux rayons solaires non filtrés, entraînant une hausse soudaine de température de plus de 100 °C. Sur la Lune, les conditions sont encore plus extrêmes : la température à la surface oscille entre -160 °C et +120 °C.
Afin de déterminer quelle montre était la plus apte à affronter ces conditions extrêmes, la NASA mit en place une série de tests rigoureux. Le 29 septembre 1964, l’agence spatiale acheta, à l’insu des marques concernées, deux Omega Speedmaster ainsi que deux exemplaires de cinq autres chronographes chez l’horloger-bijoutier Corrigan’s, pour un prix unitaire de 82,50 $ (taux de change du jour). En Suisse, ces montres étaient vendues au détail pour 415 CHF. La NASA exigea leur livraison avant le 21 octobre 1964.
Les procédures de tests de qualification
À réception, les montres furent soumises à une série de tests rigoureux et à des processus de pré-sélection appelés "procédures de tests de qualification", résumés comme suit :
A) Les montres étaient remontées avant chaque phase de test.
B) La fonction chronographe devait rester active durant chaque test ainsi qu’entre deux tests. Le chronographe était enclenché (ou réenclenché) immédiatement avant et après chaque test, et, en cas de délai, à intervalles de deux à six heures entre les tests.
C) Un contrôle de précision horaire était effectué avant et après chaque test, à intervalles d’une heure lorsque cela était possible, et à intervalles de deux à six heures en cas de délai. À chaque période de contrôle, le chronographe était enclenché et les données suivantes consignées :
- identification de la montre ;
- temps réel (heures, minutes, secondes) ;
- temps affiché par la montre testée (heures, minutes, secondes).
Lorsque le contrôle était effectué en cours de test, la fonction chronographe ne devait pas être arrêtée, et les informations suivantes étaient également relevées :
- identification de la montre ;
- temps réel (heures, minutes, secondes) ;
- temps affiché par la montre testée (heures, minutes, secondes) ;
- temps écoulé selon le chronographe (heures, minutes, secondes).
D) À chaque contrôle de précision, les montres étaient inspectées afin de détecter d’éventuels dommages affectant le boîtier, le verre, le cadran, le bracelet, les poussoirs ou encore la présence d’humidité sous le verre. Toute anomalie était consignée.
E) Une montre était éliminée des tests si l’un des défauts suivants était constaté :
- défaillance totale de la montre, sans possibilité de remise en marche.
- défaillance totale du chronographe, sans possibilité de remise en marche.
- deux dysfonctionnements de la montre, quelle qu’en soit la nature, même en cas de remise en marche réussie.
- verre fendu ou bris.
- tige du remontoir ou poussoirs du chronographe cassés.
Et puis il y en a eu trois..
À l’issue de cette pré-sélection particulièrement exigeante, seules trois des six montres chronographes initialement testées furent retenues. Ces finalistes furent alors soumises à 11 épreuves supplémentaires, considérées comme les tests les plus rigoureux jamais endurés dans l’histoire de l’horlogerie.
Des essais les plus rigoureux
1) Hautes températures :
Exposition pendant 48 h à une température de 71 °C (160 °F), suivie de 30 min à 93 °C (200 °F), sous une pression de 5,5 psia (0,35 atm) et une humidité relative ne dépassant pas 15 %.
2) Basses températures :
Exposition pendant 4 h à une température de -18 °C (0 °F).
3) Température et pression :
La montre est placée dans une chambre de pression à 1,47 × 10⁻⁵ psia (10⁻⁶ atm) et portée à une température de 71 °C (160 °F). La température est ensuite abaissée à -18 °C (0 °F) en 45 min, puis remontée à 71 °C (160 °F) en 45 min. Ce cycle est répété 15 fois.
4) Humidité relative :
Exposition pendant 240 h à des températures variant entre 20 °C et 71 °C (68 °F et 160 °F) avec une humidité relative minimale de 95 %. La vapeur utilisée doit avoir un pH compris entre 6,5 et 7,5.
5) Atmosphère saturée en oxygène :
Immersion de la montre dans une atmosphère constituée à 100 % d’oxygène sous une pression de 5,5 psia (0,35 atm) pendant 48 h. Toute déviation des spécifications ou tolérances, apparition de brûlures visibles, émission de gaz toxiques, mauvaises odeurs ou détérioration des joints et lubrifiants entraîne un échec au test. La température ambiante est maintenue à 71 °C (160 °F).
6) Chocs :
Application de six chocs de 40 G dans six directions différentes, chacun durant 11 millisecondes.
7) Accélération :
Soumission à une accélération linéaire passant de 1 G à 7,25 G en 333 s le long d’un axe parallèle à l’axe longitudinal du vaisseau spatial.
8) Décompression :
Exposition pendant 90 min dans un vide poussé de 1,47 × 10⁻⁵ psia (10⁻⁶ atm) à une température de 71 °C (160 °F), suivie de 30 min à 93 °C (200 °F).
9) Hautes pressions :
Exposition à une pression de 23,5 psia (1,6 atm) pendant au moins une heure.
10) Vibrations :
Trois cycles (latéral, horizontal, vertical) de 30 min, avec une fréquence variant de 5 à 2000 cps, puis retour à 5 cps en 15 min. L’accélération moyenne par impulsion doit être d’au moins 8,8 G.
11) Nuisances acoustiques :
Exposition à un niveau sonore de 130 dB sur une plage de fréquences de 40 à 10 000 Hz pendant 30 min.
Les résultats
Les tests furent achevés le 1er mars 1965. Trois chronographes de marques différentes restaient en compétition. L'un d'eux, la Rolex Daytona échoua à deux reprises au test d’humidité relative, avant de cesser définitivement de fonctionner lors du test de résistance à la chaleur : la trotteuse des secondes s’était emballée et plaquée contre les autres aiguilles.
Le chronographe de la deuxième marque (Longines Wittnauer) subit une déformation et un détachement de son verre lors du test de chaleur. Le même incident se produisit sur un second modèle de cette marque durant le test de décompression.
Seule l’Omega Speedmaster réussit presque tous les tests. Elle accusa un gain de 21 minutes lors des essais de décompression et perdit 15 minutes au cours du test d’accélération. De plus, la luminescence du cadran fut perdue pendant l'essai.
À l’époque, les testeurs de la NASA conclurent :
"Les tests opérationnels et environnementaux portant sur les trois chronographes sélectionnés sont terminés. À la suite de ces tests, les chronographes OMEGA furent calibrés et distribués aux deux membres de l’équipage GT-3 (Gemini Titan III)".
Cette annonce sobre et réservée constituait en réalité l’ordonnance officielle stipulant qu’à partir de ce jour, l’Omega Speedmaster était la seule montre approuvée pour tous les vols spatiaux habités de la NASA et qu’elle ferait désormais partie intégrante de l’héritage d’Omega. Tout aussi significatif, un communiqué de la NASA daté du 1er mars 1965 précisait que ".. Les astronautes montrent une préférence unanime pour le chronographe Omega par rapport aux deux autres marques, en raison de sa plus grande précision, de sa meilleure fiabilité et de sa facilité d’utilisation".
Note ironique : Omega ne découvrit l’aventure spatiale de la Speedmaster qu’après la publication d’une photographie montrant Ed White ors de la première sortie extravéhiculaire d’un astronaute américain, en juin 1965, au cours de la mission Gemini IV.
Anecdote : On pourrait croire que la première montre sur la Lune fut portée par Neil Armstrong.. Pourtant, lors de la marche lunaire, il ne portait pas sa Speedmaster. En effet, un instrument essentiel (le minuteur de mission) ayant connu une défaillance durant la descente du LM, sa montre fut laissée à l’intérieur pour servir de chronomètre de remplacement. Ainsi, la toute première montre portée sur la surface lunaire fut la Speedmaster de Buzz Aldrin.
AUJOURD'HUI, OMEGA FAIT PARTIE A JAMAIS DE LA LÉGENDE...
Source : "How the OMEGA Speedmaster became the Moonwatch" - NASA documentation and correspondence, 1961 - 1965, site Omega et Apollo 11 Technical Debrief 1969. Texte de Paul Cultrera, tous droits réservés.