APOLLO 1
L'ENQUÊTE...
Immédiatement après l'accident, du personnel de sécurité supplémentaire est posté au complexe de lancement 34 et celui-ci est complètement sécurisé. Avant de compromettre les preuves, de nombreuses photographies externes et internes du vaisseau spatial sont prises.
Après l'évacuation des corps, deux experts sont entrés dans le CM pour vérifier les positions des commutateurs. Des petits groupes de direction de la NASA et de North American Aviation, des membres du comité de révision d'Apollo 204, des représentants et des consultants inspectent l'extérieur du vaisseau spatial 012. Le 28 janvier 1967, un astronaute entre dans le CM afin de vérifier les positions de commutateurs supplémentaires nécessaires pour clarifier les données. Le bureau établi des procédures pour le démontage du vaisseau spatial 012. La première étape de démontage est de mettre en place des conditions de travail sûres à l'engin spatial. Cela est accompli par :
- Le démontage du système d'évasion (LES, Launch Escape System).
- La sécurisation ou retrait de toutes les pièces pyrotechniques.
- L'examen de l'intégrité de la structure du vaisseau.
- L'examen de tous les réservoirs pressurisés en vue des dangers potentiels.
- L'échantillonnage de l'atmosphère de l'engin spatial pour les contaminants nocifs.
Une série de gros plans stéréoscopiques du CM est prise pour documenter la situation des systèmes du vaisseau spatial tels que trouvée. La tâche pour rechercher les preuves matérielles est difficile et de longue haleine en raison de la petite entrée et de la zone confinée du compartiment de l'équipage. Afin d'enlever les éléments aussi rapidement que possible, on permet à deux personnes à la fois d'entrer dans le vaisseau pour effectuer le travail. Après le retrait des couchettes, un faux plancher avec des trappes carrées transparentes amovibles de 46 cm (18 in) est installé pour fournir l'accès complet à l'intérieur du module de commande sans modifier les indices. Une inspection détaillée est alors entreprise, suivie par la préparation et l'approbation par le bureau d'enquête d'un plan de démontage du module de commande.
Le 1er février 1967, le CM 014 est expédié de Downey (Californie) au centre spatial Kennedy pour aider le bureau dans l'enquête. Il est placé dans le bâtiment d'installation pyrotechnique et utilisé pour développer des techniques de désassemblage de certains éléments avant leur retrait du module de commande 012. Le 7 février 1967, le plan de désassemblage est entièrement opérationnel. Après le retrait de chaque composant, des photographies sont prises du secteur exposé. Ces photographies étape par étape (environ 5000) sont réalisées pendant tout le démontage du vaisseau spatial.
Toutes les interfaces telles que les connecteurs électriques, les joints de tuyau, le montage physique des composants, etc. sont étroitement inspectées et photographiées immédiatement avant, pendant et après le désassemblage. Chaque article retiré du module de commande est convenablement étiqueté, scellé dans des conteneurs en plastique propres et transporté en sécurité jusqu'au lieu de stockage.
Le 17 février 1967, le bureau décide que le retrait et les tests du câblage a progressé à un point qui permet le déplacement du CM sans compromettre les preuves. Celui-ci est alors déplacé dans le bâtiment d'installation pyrotechnique du KSC, où de meilleures conditions de travail sont disponibles.
Avec l'amélioration des conditions de travail, il est constaté qu'un programme d'activité de 2 x 8h par jour pendant six jours chaque semaine est suffisant pour suivre le rythme de la planification de l'analyse et du démontage.
La seule exception à cette règle est une période de trois jours de 3 x 8h utilisée pour retirer la partie arrière du bouclier thermique, déplacer le CM à un poste de travail plus pratique et retirer le bouclier thermique du compartiment de l'équipage. Le démontage du module de commande est achevé le 27 mars 1967.
Au cours du désassemblage plus de 1000 composants sont retirés du CM. Une liste de tous ces composants est mise à jour hebdomadairement et remise au bureau d'investigation. Elle identifie l'emplacement de chaque composant dans le bâtiment d'installation pyrotechnique aussi bien que ceux subissant une nouvelle analyse et des tests à d'autres emplacements.
LES CAUSES DE L'INCENDIE DE LA CABINE 012
Bien que le bureau d'enquête ne fut pas en mesure de déterminer avec certitude l'origine spécifique de l'incendie du vaisseau Apollo 204, il identifia néanmoins les conditions qui conduisirent à la catastrophe. Ces conditions étaient les suivantes :
- Une cabine scellée, pressurisée avec une atmosphère d'oxygène pur.
- Une large répartition de matériaux combustibles dans la cabine.
- Un câblage électrique défectueux, mal protégé et fragile.
- Une plomberie fragile transportant un liquide de refroidissement combustible et corrosif.
- Des dispositions inadéquates pour l'évacuation de l'équipage.
- L'insuffisance des dispositions de sauvetage et d'assistance médicale.
Ayant identifié les conditions qui menèrent au désastre, le bureau d'investigation traita lui même la question de comment ces conditions sont venues à exister. L'examen attentif de cette question conduisit le bureau à la conclusion que dans sa dévotion pour les nombreux problèmes difficiles du voyage spatial, l'équipe Apollo n'a pas eu une attention suffisante à certaines, mais tout aussi banales questions essentielles de sécurité de l'équipage. L'enquête du bureau d'investigation révéla de nombreuses lacunes dans la conception, l'ingénierie, la fabrication et le contrôle qualité. Quand ces manques seront corrigés la fiabilité globale du programme Apollo sera alors fortement augmentée.
Le CM contient plus de 30 kg (70 lb) de tissu inflammable y compris le revêtement en nylon des couchettes, la mousse de plastique isolante et plus de 3 m² (5000 in²) de velcro. Tout cela est classé comme dangereux dans les rapports de la NASA, les astronautes eux-mêmes avaient exprimé leur préoccupation en ce qui concerne le velcro, les mises en garde furent, toutefois, ignorées par le maître d'œuvre. On pense que l'arc électrique projeta des étincelles sur les filets de nylon, qui étaient utilisés entre autres pour faire les hamacs de repos sous les couchettes des astronautes.
À la suite de l'enquête, des modifications importantes dans la conception, les matériaux et les procédures sont mises en œuvre.
L'écoutille en deux partie est remplacée par une écoutille à ouverture rapide vers l'extérieur, d'une seule pièce fabriquée en aluminium et fibre de verre. Celle-ci peut être ouverte de l'intérieur en sept secondes et par l'équipe de sécurité du pad en dix secondes. L'ouverture est facilitée par un mécanisme de contrepoids fonctionnant au gaz.
La deuxième modification majeure est le changement, sur l'aire de lancement, de l'atmosphère de la cabine du vaisseau spatial pour les tests de pré lancement, passant de 100% d'oxygène pur à un mélange de 60% d'oxygène et 40% d'azote afin de réduire l'intensité de la combustion lors d'un éventuel incendie.
Après le lancement, le mélange 60/40 est progressivement remplacé par de l'oxygène pur jusqu'à ce que l'atmosphère de la cabine atteigne 100% d'oxygène à 0,3 bar (5 lb/in²). Ce mélange "d'air enrichi" est choisi après des essais d'inflammabilité dans divers pourcentages d'oxygène à différentes pressions.
D'autres changements inclurent :
- Substitution de l'acier inoxydable pour l'aluminium dans les tuyaux d'oxygène à haute pression.
- Joint de soudure des lignes d'eau/glycol.
- Protections rigides sur les faisceaux de câbles.
- Boîtes d'arrimage fabriquées en aluminium.
- Remplacement des matières pour réduire au minimum l'inflammabilité.
- Installation de conteneurs de stockage ignifugés pour les matières inflammables.
- Attaches mécaniques substituées aux pièces de tissu velcro.
- Enduit ignifuge sur les connexions des fils électriques.
- Remplacement des commutateurs en plastique par des commutateurs métalliques.
- Installation d'un système de secours d'alimentation en oxygène pour isoler l'équipage des vapeurs toxiques (indépendant du système principal des scaphandres), d'un extincteur portable et de panneaux coupe-feu dans la cabine.
Des changements de sécurité sont aussi faits au complexe de lancement 34. Ceux ci inclurent:
- Des changements structurels de la white room (salle blanche) pour la nouvelle écoutille du vaisseau spatial à ouverture rapide.
- Amélioration de l'équipement de lutte anti-incendie, des itinéraires d'évacuation d'urgence, de l'accès des secours au vaisseau spatial.
- Purge de tout l'équipement électrique de la white room avec de l'azote.
- Installation d'une lance incendie et d'un grand ventilateur d'extraction dans la white room pour envoyer la fumée et les vapeurs à l'extérieur.
- Peinture ignifuge.
- Déplacement de certaines structures pour faciliter l'accès à l'engin spatial et accélérer son évacuation.
- Ajout d'un système de pulvérisation d'eau pour refroidir le système d'évasion (les propergols solides du LES pourraient s'enflammer par l'extrême chaleur) ainsi que l'installation de systèmes de pulvérisation d'eau supplémentaires le long de l'itinéraire de sortie du vaisseau spatial au niveau du sol.
Au total 1697 modifications sont proposées et 1341 approuvées. Pendant près de 18 mois, 150000 américains vont travailler à l'application de ces modifications. 2582 substances combustibles sont recensées dans la cabine. Le câblage électrique sera complètement repensé.