APOLLO 1
AS-204
(in memorum)
Le 27 janvier 1967... Fire in the cockpit
Apollo 1 est le nom officiel donné au vaisseau spatial Apollo/Saturn 204 (AS-204), qui doit être la première mission habitée du programme Apollo, prévue pour un lancement le 21 février 1967 du Cap Kennedy, depuis le Complexe 34, à l'aide d'un lanceur Saturn Ib. Cependant, la mort de l'équipage principal dans l'incendie qui a détruit le module de commande lors d'une simulation le 27 janvier 1967 a mis le programme d'atterrissage lunaire des Etats Unis en péril.
L'équipage principal est désigné le 21 mars 1966, il se compose du lieutenant colonel Virgil Ivan "Gus" Grissom (USAF), command pilot, du lieutenant colonel Edward Higgins White, II (USAF), senior pilot et du le lieutenant commandant Roger Bruce Chaffee (USN), pilot, qui est le "rookie" (le bleu) du vol.
Sélectionné dans le premier groupe d'astronautes en 1959, Grissom fut le pilote de MR-4 (Mercury), le second et dernier vol suborbital US, ainsi que le commandant du premier vol à deux personnes, avec Gemini 3. Né le 3 avril 1926 à Mitchell, Indiana, Grissom avait 40 ans le jour de l'incendie de la cabine 012 d'Apollo I. Sa doublure pour ce vol était le capitaine Walter Marty "Wally" Schirra (USN).
- White fut pilote pour le vol Gemini 4, pendant lequel il est devenu le premier Américain à marcher dans l'espace. Il est né le 14 novembre 1930 à San Antonio, Texas et avait 36 ans le jour de l'incendie de la cabine. Il fut sélectionné comme astronaute en 1962 (second groupe), sa doublure pour ce vol était le major Donn Fulton Eisele (USAF).
Né le 15 février 1935 à Grand Rapids, Michigan, Chaffee avait 31 ans le jour de l'incendie. Il a obtenu une licence en ingénierie aéronautique de l'Université de Purdue en 1957 et a été choisi comme un astronaute en 1963. Sa doublure était Ronnie Walter "Walt" Cunningham.
CHRONLOGIE DU VAISSEAU CM-012
Août 1964 : début de fabrication du CM-012 par North American Aviation à Downey, Californie.
Septembre 1965 : structure de base complétée.
Mars 1966 : installation et assemblage final des sous systèmes terminés. Les études de conception critiques sont achevées. Procédure de vérification de tous les sous-systèmes lancée, suivie par mise à l'épreuve de tous les sous-systèmes intégrés du vaisseau spatial.
Août 1966 : l'examen d'acceptation du client est achevé. La NASA publie le certificat de vol et autorise le vaisseau spatial à être expédié au KSC.
26 aout 1966 : réception du CM au KSC.
Septembre 1966 : le CM-012 est assemblé au SM-012 dans la chambre sous vide (caisson d'altitude). Alignement des sous-systèmes, des essais de certification de système et des contrôles fonctionnels sont exécutés.
LE TEST ET L'ACCIDENT
L'accident s'est produit lors d'un "Plugs Out Integrated Test" : lors de ce test, le vaisseau spatial fonctionne de manière autonome comme s'il était en vol (ce qui veut dire que les liaisons électriques entre le CSM et la tour de lancement sont physiquement débranchées, la capsule, scellée et pressurisée, fonctionne sur ses propres sources en énergie, les communications ne se faisant que par radio). Le but de ce test est de vérifier et de certifier tous les systèmes qui composent le vaisseau spatial de même que les procédures afférentes, ainsi que de résoudre éventuellement les derniers problèmes techniques.
Le test commença à 12:55 GMT le 27 janvier 1967. Après que les essais initiaux des systèmes furent achevés, l'équipage rentra dans le CM à 18:00 GMT. Gus Grissom (Le command pilot) signala presque immédiatement une étrange odeur désagréable provenant du circuit d'alimentation en oxygène de sa combinaison pressurisée. Le compte à rebours fut alors arrêté à 18:20 GMT, pour faire un prélèvement d'échantillon (oxygène) dudit système. Le décompte reprit à 19:42 GMT avec l'installation de l'écoutille, et une nouvelle purge de la cabine avec de l'oxygène pur commença à 19:45 GMT. Il fut déterminé plus tard que cette odeur n'était pas liée à l'incendie.
Des problèmes de communication sont rencontrés et le décompte est arrêté approximativement à 22:40 GMT pour dépanner un microphone continuellement ouvert et ne pouvant être coupé par l'équipage.
À 23:20 GMT, toutes les fonctions du compte à rebours final jusqu'au transfert pour simuler la puissance des piles à combustible sont achevées et le décompte est arrêté à T-10 minutes en attendant la résolution des problèmes de communication.
Événements survenus depuis le début de l'attente de 10 minutes à 23:20 GMT jusqu'au signalement de l'incendie
Du début de l'arrêt T-10 à 23:20 GMT jusqu'à 23:30 GMT, il n'y a aucun événement qui semble être lié à l'incendie. La pricipale activité durant cette période est le diagnostic des pannes du système de communication. Les enregistrements montrent qu'à l'exception du problème de communication, tous les autres systèmes fonctionnent normalement pendant cette période. Il n'y a aucune transmission vocale du vaisseau spatial de 23:30:14 GMT jusqu'à la transmission annonçant l'incendie, qui commença à 23:31:04.7 GMT (6:31:04.7 p.m. EST).
Au cours de la période commençant environ 30 secondes avant le rapport, il y a des indications de mouvement de l'équipage. Ces indications sont fournies par les données provenant des capteurs biomédicaux, le microphone ouvert du commandant, le système de guidage et de navigation ainsi que le système de contrôle de l'environnement. Il n'y a eu cependant aucune preuve de la nature de ce mouvement de l'équipage ou de son lien avec l'incendie.
Les données biomédicales indiquent, juste avant l'annonce de l'incendie, que le pilote senior n'avait pratiquement aucune activité (ou était dans un état de "repos" de base) jusqu'à 23:30:21 GMT, où une légère augmentation du pouls et de la fréquence respiratoire a été notée. À 23:30:30 GMT, l'électrocardiogramme indique une certaine activité musculaire pendant plusieurs secondes. Des indications similaires sont notées à 23:30:39 GMT. Les données montrent une activité accrue, mais ne sont pas indicatives d'une réaction à une alarme. À 23:30:45 GMT, tous les paramètres biomédicaux sont revenus au niveau de base de "repos".
À partir de 23 h 30 GMT, le microphone en direct du Command Pilot transmet des bruits de brossage et de tapotement qui indiquent un mouvement. Ces bruits sont similaires à ceux émis plus tôt dans le test par le microphone en direct lorsqu'on savait que le Command Pilot était en mouvement. Ces bruits se terminent à 23:30:58.6 GMT.
Tout mouvement significatif de l'équipage entraîne un léger mouvement du CM. Ce mouvement est détecté par le système de guidage et de navigation qui l'indique; cependant, le type de mouvement ne peut pas être déterminé. Les données de ce système indiquent un léger mouvement à 23:30:24 GMT avec une activité plus intense à partir de 23:30:39 GMT. D'autres mouvements commencent à 23:31:00 GMT et se poursuivent jusqu'à la perte de la transmission des données pendant l'incendie.
L'augmentation du débit d'oxygène dans les combinaisons de l'équipage indique également un mouvement. Toutes les combinaisons présentent de petites fuites. Ce taux de fuite varie en fonction de la position de chaque membre d'équipage dans le vaisseau spatial. Plus tôt lors du test Plugs Out Integrated Test, l'équipage annonça qu'un mouvement particulier, dont la nature ne fut pas spécifiée, a permis d'augmenter le débit d'oxygène. Ceci est également confirmé par les enregistrements des données de débit. Le débit montre une augmentation progressive à 23:30:24 GMT qui atteint la limite du capteur à 23:30:59 GMT.
À 23:30:54.8 GMT, une forte tension transitoire est enregistrée. L'examen des dossiers révéle une forte augmentation de tension dans le bus AC 2. Plusieurs autres paramètres mesurés ont également montré un comportement anormal à ce moment-là, comme : une interruption de 1,7 s du signal provenant des sorties du décodeur et de l'émetteur en bande C, une brève interruption de la porteuse VHF-FM, etc..
Événements depuis le rapport d'incendie jusqu'à l'enlèvement de l'équipage
23:31:04.7 GMT, l'équipage donne la première indication verbale d'urgence quand il signale un incendie dans le module de commande.
Les procédures d'urgence prévoient que le pilote senior, qui occupe la couchette centrale, dévérouille et retire l'écoutille tout en conservant son harnais bouclé. Un certain nombre de témoins qui ont observé l'image télévisée de la fenêtre de l'écoutille du module de commande pendant cette phase de l'incendie ont discerné des mouvements qui suggèrent que le pilote senior tendait la main vers la poignée intérieure de l'écoutille. La boucle du harnais du pilote senior a été retrouvée fermée après l'incendie, ce qui indique qu'il a amorcé la procédure standard d'ouverture de l'écoutille. Les données du système de guidage et de navigation indiquent une activité considérable à l'intérieur du CM après la découverte de l'incendie. Cette activité correspond avec les mouvements de l'équipage provoqués par la proximité du feu ou à l'exécution des procédures standard d'évacuation d'urgence.
Le personnel situé au niveau réglable 8 (A-8) adjacent au CM répond à l'alerte incendie. Le pad leader a ordonné la mise en œuvre des procédures d'évacuation de l'équipage et les techniciens se sont dirigés vers la salle blanche qui entoure l'écoutille et dans laquelle l'équipage devait pénétrer au moment de l'évacuation. C'est alors que le module de commande s'est rompu sous l'effet combiné de la pression et de la chaleur.
Petit rappel de technique : La coque de pression est conçue pour maintenir une pression de 5 psi d'oxygène pur avec un rapport de perte inférieure 90,72 g par heure et ayant une limite de pression de 8 psi et une pression maximum de 12 psi.
Au moment de la rupture, la pression interne de la cabine est telle, qu'elle dépasse l'échelle des capteurs :
- 7,700 kg pour 6,45 cm² (17 lb/ inch²) en valeur absolue (psia) pour la cabine et 9,500 kg pour 6,45 cm² (21 lb/ inch²) psia pour les capteurs du compartiment des batteries.
Toute les transmissions vocales et de données du vaisseau spatial s'interrompent à 23:31:22.4 GMT, 3 s après la rupture de la coque. Les témoins qui ont regardé la télévision montrant le hublot de l'écoutille rapportent que les flammes se sont propagées du côté gauche au côté droit du module de commande et ont peu après recouvert toute la zone visible.
Des flammes et des gaz se sont rapidement échappés de la brêche, propageant l'incendie dans l'espace toroïdal entre la coque pressurisé et le bouclier thermique du CM à travers les trappes d'accès et dans les niveaux A-8 et A-7 de la structure de service. L'incendie enflamma les matériaux combustibles, mettant en danger le personnel de l'aire de lancement et entravant les efforts de sauvetage. Les flammes et les bruits de rupture ont fait croire à plusieurs membres du personnel de la plateforme que le CM avait explosé ou était sur le point de le faire. Le personnel de la plateforme s'est enfui de la zone immédiate.
La réaction immédiate de tout le personnel du niveau A-8 a été d'évacuer. Néanmoins, cette réaction a été rapidement suivie par un retour pour effectuer le sauvetage.
CHRONOLOGIE DES ÉVÈNEMENTS
Souvenirs
Bon à savoir : jusqu'au vol Apollo I, l'équipage avait les dénominations suivantes.
CP: Command Pilot (utilisé pour Gemini et Apollo 1).
SP: Senior Pilot (utilisé pour Apollo 1).
P: Pilot (utilisé pour Gemini et Apollo 1).
Changés par la suite en :
CDR : Commander.
CMP : Command Module Pilot.
LMP : Lunar Module Pilot.
Il a dit :
"Je suis persuadé, que nous aurions fini par nous casser la figure à plusieurs reprises avant d'arriver sur la Lune, peut-être même n'y serions-nous jamais arrivés s'il n'y avait pas eu Apollo 1. Nous sommes tombés sur un nid de vipères qui nous aurait donné bien du fil à retordre par la suite. Les problèmes auraient été traités petit à petit, sur plusieurs vols, en zigouillant plusieurs personnes au passage. L'incendie nous a obligés à arrêter tout le programme et à faire le grand nettoyage".
Deke Slayton
Alors que les astronautes " Gus " Grissom, " Ed " White et Roger Chaffee effectuent leur " Plugs Out Test " au Cap, de l’autre côté du pays à Downey en Californie, à l’usine North American Aviation (le Contractant principal du CSM), les astronautes Tom Stafford, John Young et Eugene Cernan (équipage de réserve de la deuxième mission Apollo) effectuent eux aussi un test sur le deuxième module de commande, un test émaillé de nombreux problèmes : fuites, courts-circuits… À un moment en manipulant le sas d’entrée une partie de l’écoutille est même tombée sur le pied de Stafford. « Aller sur la Lune ? » aboya Stafford, " ce fils de p... n’atteindra même pas l’orbite terrestre ! "
À bout, Stafford met prématurément un terme à ce test. Alors qu’il est à peine sorti du vaisseau spatial il doit répondre à un coup de fil urgent en provenance du Cap…
Le saviez-vous ?? Après inspection, il semble que le feu ait pris sous la couchette de Grissom. Comme le feu se propageait sous eux et sur leurs postes, les astronautes n'avaient qu'une seule option, dépressuriser la cabine et essayer d'éteindre le feu. Les vannes permettant de le faire se trouvaient en dessous et à gauche du siège de Grissom. Le livre "Calculated Risk : The Supersonic Life and Times of Gus Grissom" conclut que Grissom a tenté de le faire en enfonçant sa main gantée dans les flammes et en brisant l'une ou les deux valves dans sa précipitation. Il n'y est pas parvenu.